N° 978 |
N° 492 |
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____ |
ASSEMBLÉE
NATIONALE |
SÉNAT |
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 |
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ONZIÈME LÉGISLATURE |
SESSION ORDINAIRE DE
1997-1998 |
____________________________________ |
____________________________________ |
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Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale |
Annexe au procès-verbal de la
séance du 11 juin 1998 |
le 11 juin 1998 |
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________________________
OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
________________________
RAPPORT sur l’aval du cycle
nucléaire
Par MM. Christian BATAILLE et Robert
GALLEY, Députés
Tome I : Etude générale
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Déposé sur le Bureau de l'Assemblée
nationale |
Déposé sur le Bureau du Sénat |
par M. Jean-Yves LE DÉAUT, |
par M. Henri REVOL, |
Président de l'Office. |
Vice-Président de l'Office. |
|
Déchets, pollution et nuisances
TABLE DES MATIERES
AVANT PROPOS 7
Introduction générale 11
1. La problématique recyclage – stockage pour le combustible
irradié et le plutonium de retraitement 15
Introduction 11
- des installations de retraitement opérationnelles jusqu’en
203017
- le poids économique du retraitement18
- les deux faces du retraitement : le recyclage des
actinides majeurs
– uranium, plutonium – et la réduction de la toxicité des
déchets 19
1.1. le plutonium : flux et stocks
23
- une récente transparence sur les stocks de plutonium23
- Cogema transparente sur le plutonium : il suffisait de le
demander26
- le stock de plutonium d’EDF stabilisé à vingtaine de tonnes30
- réglementation sur le plutonium et coût du retraitement30
1.2. la montée des isotopes pairs du plutonium au cours de
l’irradiation,
une donnée fondamentale pour les
combustibles et les réacteurs
actuels ou futurs 32
- montée des isotopes pairs et recyclage du plutonium32
- les isotopes pairs du plutonium, poisons des réacteurs à
neutrons
thermiques et excellents combustibles pour les réacteurs
à neutrons rapides 34
1.3. le plutonium considéré comme déchet et son immobilisation
dans des matrices à longue durée de vie
35
- le plutonium militaire issu du démantèlement des armes, un
sujet
brûlant mais bloqué aux Etats-Unis 36
- le WIPP ou le tabou brisé du plutonium en stockage
géologique36
- de nouvelles matrices d’immobilisation à très long terme
pour le plutonium 37
1.4. les contraintes techniques du plutonium considéré comme un
combustible et les limites de son recyclage dans le Mox
39
- plusieurs types de Mox et plusieurs configurations de cœur
contenant du Mox 39
- un maximum de 12 % de plutonium dans le Mox41
- la modification du design initial des réacteurs 900 MWe et
la limitation du pourcentage d’assemblages Mox à 30 % du total
43
- l’introduction du Mox dans les réacteurs de 1300 MWe
envisageable à l’horizon 2005 45
- le Mox dans les réacteurs de 1450 MWe : un problème
analogue à celui des réacteurs 1300 MWe 46
- le Mox et l’EPR : une question stratégique46
- la faisabilité et l’opportunité du retraitement du Mox49
- le combustible Mix : une solution coûteuse et peu
efficace
vis-à-vis du plutonium 50
1.5. EDF bloquée à 16 tranches mais candidate pour 12
autorisations supplémentaires 51
- une stratégie globale de l’aval du cycle51
- EDF soucieuse d’obtenir l’autorisation de moxer 28 tranches51
- en cas de limitation à 16 tranches, l’abandon du principe
d’égalité
des flux ou la diminution des quantités retraitées et donc des
suppressions d’emploi 53
- une attitude prudente pour le reste du parc54
- pour un EPR moxé à 15 %55
- l’urgence de prendre une décision sur l’EPR55
- adaptations stratégiques et transposition de la directive
européenne
sur l’ouverture du marché de l’électricité 56
1.6. le plaidoyer de Cogema en faveur de l’équilibre économique
du cycle du combustible 56
- la solution au problème du plutonium : le retraitement et
le Mox
à 100%, selon Cogema 56
- l’équilibre global de l’aval du cycle selon Cogema57
- Cogema en attente des autorisations de dimensionnement optimal
de ses installations de fabrication de Mox 59
1.7. la nécessité d’opter pour le Mox mais aussi d’augmenter
les
marges disponibles pour l’entreposage du combustible irradié
non retraité 59
- La France dans la ligne internationale pour le recours au
Mox60
- le Mox promu aux Etats-Unis par les négociations
stratégiques avec la Russie 61
- le Mox irradié, une bonne matrice d’immobilisation
du plutonium 61
- la nécessité d’augmenter les marges d’entreposage du
combustible irradié 62
2. Les limites probables de la séparation et de la
transmutation
et le dilemme transmutation-stockage 65
2.1. les difficultés de la séparation 66
- la séparation du neptunium et du technétium, un problème
réglé67
- l’américium et le curium, deux actinides mineurs
particulièrement encombrants68
- le bloc difficile à entamer de l’américium et du curium69
- la séparation des produits de fission71
- le butoir du césium73
- une connaissance de plus en plus fine des combustibles
irradiés73
- le coût probablement important de la séparation74
- la diminution des volumes des rejets et des déchets B76
2.2. les limites des études sur la transmutation avec Phénix
77
- la remontée en puissance de Phénix78
- les conséquences de la fermeture de Superphénix sur les études
relatives à la transmutation 79
- les conditions techniques des expériences de transmutation80
- les expériences CAPRA utiles pour l’étude du recyclage du
plutonium 81
- les expériences SPIN pour la transmutation des actinides
mineurs
et des produits de fission à vie longue 81
2.3. le réacteur Jules Horowitz et les études sur la
transmutation : un lien hypothétique 83
2.4. le réacteur hybride, médaille d’or du marketing
scientifique 84
- de nombreux projets diversifiés et à objectifs multiples
proposés
dans le monde entier 84
- le projet français de réacteur hybride88
- un démonstrateur de réacteur hybride original88
- un investissement international89
- quels intervenants pour la France ?90
- l’attitude prudente des Etats-Unis : oui à la spallation,
non à un
réacteur hybride 90
- un projet dont la finalité et le coût doivent être précisés91
- des options techniques et une sûreté encore bien floue92
- une application opérationnelle après la décision ?93
2.5. la question des quantités transmutables et le problème
du tout ou rien 94
- les ordres de grandeur des quantités transmutables95
- deux questions difficiles : la vitesse et le
rendement de la
transmutation 99
- une dizaine d’années pour transmuter ?99
- de 7 à 12 RNR pour réduire les flux d’actinides mineurs100
- le miracle attendu des réacteurs
" papier "102
- la question du tout ou rien104
3. Le choix de l’entreposage ou du stockage et la problématique
de la réversibilité 105
Introduction 106
- la classification française des déchets radioactifs106
- le conditionnement des déchets107
- les politiques nationales de gestion des déchets
radioactifs107
3.1. la sûreté maximale est-elle apportée par le stockage
en couche profonde ? 112
- la multiplication des barrières112
- un confinement satisfaisant selon les modèles de cinétiques
de dissolution 114
- l’immobilisation naturelle de radioéléments sur des
millions d’années 114
- avec les céramiques, peut-être l’immobilisation des actinides
mineurs et des produits de fission sur 2 milliards d’années,
sauf accident naturel ou provoqué par l’Homme
115
- la nécessité de construire au moins deux laboratoires
souterrains116
- des investissements et des coûts d’exploitation
à la portée de la filière 118
3.2. les contraintes de sûreté de la surface ou de la
sub-surface 119
- le retour d’expérience de Cascad, installation d’entreposage
de
combustibles irradiés 119
- des précautions multiples pour assurer la sûreté et en
sub-surface120
- l’opposition ou la complémentarité surface – sub-surface121
3.3 le prix de la réversibilité 122
3.4. la charge pesant sur les générations futures 123
3.5. la nécessité d’éviter des décisions hâtives
ou les ordonnances " minute " 124
4. Le jeu institutionnel des acteurs de l’aval du
cycle : réussites et débordements 125
4.1. la commission nationale d’évaluation : du jury de
thèse
au gouvernement mandarinal 125
- la mission fixée par la loi : aider le Gouvernement à
informer
le Parlement 125
- une solennité et une séquence symboliques126
- l’affaire du site granitique : information, évaluation ou
décision ?127
- un jury de thèse souverain128
- l’impossibilité d’un gouvernement mandarinal de la recherche
sur les déchets radioactifs 129
4.2. le nouvel engagement du CEA 130
- un réel effort intellectuel et budgétaire130
- une surcharge et une urgence préjudiciables à de bonnes
décisions131
4.3.L’Andra, un organisme qui doit affirmer
sa compétence scientifique 131
5. Optimiser la durée et les coûts 133
5.1. les rendez-vous essentiels 135
- la démarche progressive de la loi de 1991135
- quelques difficultés incontournables à relever en temps et en
heure136
5.2. remettre à l’honneur la rationalisation des choix
d’investissement 138
Conclusion 141
Recommandations 143
Examen du rapport par l’Office 145
Annexe 1 : Personnalités auditionnées 147
Annexe 2 : Glossaire 149
AVANT – PROPOS
Malgré les campagnes de dénigrement et les attaques
insidieuses ou non fondées dont elle fait l’objet dans le monde et,
depuis quelque temps, dans notre pays, l’énergie nucléaire n’est pas
condamnée, loin s’en faut. On peut même affirmer qu’il s’agit, à
partir des considérations techniques, économiques et politiques
actuelles, d’une énergie décisive à l’horizon du siècle qui
vient.
Il ne sert à rien de proclamer que l’on veut
réduire les émissions de gaz à effet de serre si l’on se refuse à
utiliser le seul mode actuel de production massive d’électricité qui
soit à la fois efficace et sans rejet carbonique dans l’atmosphère.
Toutes les ressources potentielles de production électrique à partir
de l'énergie hydraulique doivent être exploitées. Les énergies
renouvelables peuvent et doivent être développées ; cependant
leur faible rendement ne permet pas, pour le moment, de les
considérer comme une énergie de substitution, mais au mieux comme
une énergie de complément.
L’abandon du nucléaire se traduirait de fait par un
recours accru aux énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz, et
donc par une augmentation conséquente de l’effet de serre. Il faut
redire, de ce point de vue, que le gaz naturel n’offre pas
d’avantages particuliers par rapport au charbon ou au pétrole et que
le dilemme dans notre pays se situe entre l’énergie nucléaire ou le
gaz, la gestion des déchets ou l’effet de
serre.
A l’aune de l’histoire, l’énergie nucléaire à
partir de la fission représente, comme bien d’autres, une solution
transitoire. Les progrès scientifiques et techniques permettent
d’espérer, à long terme, une source d’énergie qui n’aurait pas les
inconvénients liés à la radioactivité. Cependant, à l’heure
actuelle, elle reste la solution la plus équilibrée. Prétendre qu’il
serait possible de " sortir du nucléaire " dans les
années qui viennent relève de l’incantation et du vœu pieu,
contradictoire avec les objectifs du sommet de Kyoto et les
fondamentaux de l'économie. Qu’arrivera-t-il quand les Chinois, les
Indiens, se donneront tous les moyens pour tendre vers notre niveau
de consommation d’énergie (ce qui serait parfaitement légitime de
leur part) en recourant exclusivement aux énergies fossiles ?
Les efforts des pays développés, aujourd’hui les plus voraces en
énergie à effet de serre, n’en seraient que plus justifiés.
Ces évidences n’exonèrent pas l’industrie nucléaire
des critiques qui s’imposent. Comme cela a été dit, à maintes
reprises, dans les rapports de l’Office parlementaire d’évaluation,
cette industrie est une industrie qui manipule des produits
dangereux et qui, à ce titre, doit être contrôlée par les autorités
de sûreté spécialisées, mais également être étroitement surveillée
par les pouvoirs publics et, en particulier, par le Parlement.
Que ses promoteurs l’acceptent ou non, l’énergie
nucléaire est perçue dans le public comme une industrie particulière
dans laquelle les règles de sûreté doivent être appliquées sans
aucune défaillance et dans laquelle la transparence doit être
totale. C’est un fait ! Par suite d'un passé lointain, on est
bien plus vigilant sur la radioactivité que sur la présence de
mercure ou de plomb, on considère que le problème de la couche
stratosphérique d'ozone n'est pas urgent !
En quelques années, les esprits ont sensiblement
évolué dans ce domaine et le Parlement, par le biais de l’Office, a
accès très largement à l’information. Notre problème est plutôt,
désormais, de savoir comment nous allons gérer et exploiter la masse
de documents qui nous arrive régulièrement. On peut toutefois
regretter qu’une certaine culture de l’autosatisfaction et de la
non-transparence vienne conforter les arguments de ceux qui ont
décidé, une fois pour toutes, que tout était opaque et secret dans
le secteur de l’industrie nucléaire, comme il l'était pour l'énergie
atomique militaire.
Le problème de la dissimulation des informations
dans le transport des combustibles irradiés en est une bien piteuse
illustration. Pourtant, les responsables devraient comprendre que la
transparence renforce la crédibilité du secteur nucléaire vis-à-vis
de l’opinion publique, comme cela a d'ailleurs été le cas pour la
production des centrales électronucléaires d'EDF. A la fin des
années quatre-vingt, il y eut des campagnes de révélations
prétendument sensationnelles qui caricaturaient le problème des
déchets de faible activité. La loi du 30 décembre 1991, en
organisant la publication, chaque année, de l’inventaire des
déchets, a largement contribué à apaiser une opinion inquiète parce
que peu ou pas informée.
Allons-nous pouvoir désormais aller plus loin et
faire en sorte que les responsables politiques puissent exercer
normalement leurs pouvoirs de contrôle dans le domaine de
l’énergie ?
Le temps où quelques ingénieurs pouvaient décider
seuls de la politique énergétique du pays est révolu. Il ne doit
plus exister de domaine réservé duquel les citoyens et leurs
représentants seraient exclus au profit d’une technostructure qui
imposerait une pensée unique qu’elle serait seule à définir.
Discuter ouvertement, librement, avec l’esprit
critique, des grandes orientations du cycle du combustible nucléaire
ne porte pas, au contraire, condamnation de l’ensemble de la
filière. Par contre, cette industrie, comme toutes les autres, doit
pouvoir s’adapter aux réalités nouvelles et aux attentes des
citoyens.
L’industrie nucléaire française a, en son temps,
surmonté l’abandon de la filière graphite-gaz. De la même manière,
elle acceptera les adaptations du cycle du combustible avec la
souplesse nécessaire.
La gestion de l’aval du cycle est aujourd’hui un
problème décisif. Le temps est venu de réviser certains dogmes qui
ne correspondent plus à la réalité économique et industrielle. Le
" tout retraitement " fait partie de ces dogmes qui
ont fait leur temps. Dire clairement, comme nous l’avions fait dans
un précédent rapport de l’Office, que tout le combustible irradié ne
sera plus retraité ne porte pas atteinte à l’industrie nucléaire,
mais doit entraîner des adaptations claires de la stratégie
industrielle.
Au lieu de continuer à se comporter comme si les
problèmes ne se posaient pas, il vaudrait mieux se donner les moyens
pour approfondir la réflexion et, ensuite, prendre des décisions sur
la destination finale qui sera réservée aux éléments de combustible
qui ne seront pas retraités.
Il en est de même pour le combustible Mox usé que,
de toute évidence, l’utilisateur EDF ne souhaite pas voir
retraité.
Ce rapport démontre, par ailleurs, que nous avons
un stock de plutonium de 65,4 tonnes, très supérieur à la marge
de réserve de 20 tonnes estimée nécessaire par EDF. Nous
devons, dès aujourd’hui, examiner la manière dont nous pourrons soit
utiliser, soit stocker une partie du plutonium déjà extrait et qui
ne trouvera pas de débouché à moyen terme.
Toutes les voies pour la gestion de l’aval du cycle
doivent donc rester ouvertes : la recherche fondamentale, la
recherche en laboratoires, et l’étude de la faisabilité du stockage
de longue durée en surface. Il est possible et même probable que,
pour la gestion finale des déchets nucléaires, il n’y ait pas une
voie unique, mais que le Parlement ait à se prononcer en 2006 sur
des solutions combinant les trois voies de la loi de 1991.
Dans le domaine du nucléaire, comme dans beaucoup
d’autres domaines liés au progrès scientifique, il faut savoir
s’adapter et réviser des conceptions trop rigides et dogmatiques. La
pire des solutions serait, face aux incertitudes que ce rapport
recense, de rester passif et de reporter sur les générations futures
la solution de problèmes que nous avons posés et que nous n’aurions
pas le courage de résoudre. L’avenir de l’énergie nucléaire repose
sur les solutions pour l’aval du cycle.
Le problème est difficile mais n’est pas
insurmontable. Il faut poser les problèmes, soutenir les recherches,
préciser les étapes du calendrier, avancer les solutions les unes
après les autres.
La voie est étroite entre un pouvoir technicien
antidémocratique et opaque et l’agitation désordonnée de minorités
qui nous conduisent à l’impasse ou nous emmèneraient au désastre.
Chacun voudrait imposer ses a priori, ses idées toutes faites.
Or, ce qui est décisif est de préserver une pluralité de réponses
possibles et, de ce point de vue, l’évolution des connaissances, les
résultats des recherches examinés objectivement nous apporteront des
enseignements précieux.
Divers rapports de l’Office ont déjà souligné les
aspects néfastes d’une culture nucléaire monolithique et dépourvue
de souplesse. Ils ont, avant tout, mis en exergue la nécessité d’une
pratique tolérante, maintenant dans l’avenir le plus grand nombre de
solutions possibles. D’aucuns veulent aujourd’hui fermer les portes
maintenues ouvertes par la loi de 1991. Par-delà l’irrationalité de
cette réaction, faut-il voir un avatar supplémentaire de la pensée
unique ?
La démocratie a encore bien des domaines à
défricher et à conquérir, là où le débat public doit se substituer
aussi bien à l’autoritarisme qu’aux conciliabules de couloir.
L’énergie nucléaire et sa domestication sur tout le XXIe
siècle est un de ces nouveaux territoires que la démocratie doit
irriguer.
Notre société, ses élus, ses dirigeants
s’interrogent sur la pérennité de choix qui, au demeurant, se sont
jusqu’alors révélés pertinents. Quoi de plus naturel que ces
interrogations, surtout quand il s'agit de poursuivre à long
terme ?
Mais il faut aussi avancer en rythme et sans
précipitation. Nous pouvons sortir de cette étape par le haut. Une
pratique plus transparente, plus tolérante, plus démocratique sera
plus en harmonie avec le temps qui vient.
Introduction générale
Depuis 1991, pour répondre aux attentes des
citoyens et aux impératifs de la filière nucléaire, la question de
la gestion des déchets nucléaires est traitée au grand jour. La loi
du 30 décembre 1991 définit d'une part un cadre législatif qui donne
toute garantie sur l'intervention du Parlement pour les décisions
clés. Elle fixe d'autre part un horizon de temps et une méthode pour
les études à conduire et les réalisations à mettre en œuvre dans le
but d'apporter les meilleures solutions au traitement des déchets
nucléaires.
S'agissant des études à conduire, la loi du 30
décembre 1991, dans son article 4, définit trois axes
principaux :
"– la recherche de solutions permettant la
séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue
présents dans ces déchets,
– l'étude des possibilités de stockage réversible
ou irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment
grâce à la réalisation de laboratoires souterrains,
– l'étude des procédés de conditionnement et
d'entreposage de longue durée en surface de ces déchets."
Après avoir joué un rôle déterminant dans
l'élaboration et l'adoption de la loi, l'Office parlementaire des
choix scientifiques et technologiques a, quant à lui, continué de
suivre le problème, d'une part en étudiant les rapports annuels de
la commission nationale d'évaluation et, d'autre part, en publiant
un nouveau rapport en mars 1996 sur les déchets nucléaires à haute
activité civils et en décembre 1997 sur
les déchets nucléaires à haute activité militaires.
L'Office parlementaire a, d'autre part, été associé
à la mission confiée en décembre 1996 à M. Claude Mandil, Directeur
général de l'Énergie et à M. Philippe Vesseron, Directeur de la
prévention des pollutions et des risques. L'Office avait alors
demandé à vos Rapporteurs, en charge d’une étude transmise à
l'Office par la Commission de la Production et des Échanges,
d'assurer le suivi des travaux de cette mission. La dissolution de
l'Assemblée Nationale ne leur avait cependant permis d'assister que
partiellement à ces réunions.
Les travaux réalisés par la mission
Mandil-Vesseron, auxquels avaient été associés tous les différents
acteurs du nucléaire, ont servi de base aux réflexions de l'Office
qui viennent compléter le document correspondant, que les deux
membres du Gouvernement concernés, le Ministre de l'Aménagement du
Territoire et de l'Environnement, et le Secrétaire d'État à
l'Industrie, n'avaient pas souhaité rendre public avant que l'Office
ait été réellement en mesure de se prononcer.
A mi-parcours du délai de 15 ans fixé par la loi
pour une décision concernant un éventuel stockage souterrain des
déchets, la saisine de l'Office prend une nouvelle et brûlante
actualité.
Le moment est en effet venu de prendre une décision
concernant la localisation et la construction des futurs
laboratoires souterrains. La loi en prévoit en effet plusieurs .
Trois sites ont fait l'objet d'avis favorables de la part de
l'ANDRA, le site de Bure (Meuse) permettant des recherches sur le
comportement des radionucléides dans l'argile, le site de Marcoule,
près de Bagnols-sur-Cèze (Gard) pour le même type de milieu
géologique et le site de La Chapelle-Bâton (Vienne) pour l'étude des
radionucléides dans le granite.
La Direction de la Sûreté des Installations
Nucléaires (DSIN) a pour sa part instruit les demandes
d'autorisation pour la création d'un laboratoire souterrain sur
chacun des sites, de sorte qu’il appartient aujourd’hui au
Gouvernement de prendre sa décision.
Par ailleurs, la fermeture de Superphénix, annoncée
par le Premier ministre le 19 juin 1997, a été confirmée lors du
comité interministériel du 2 février 1998. Or, depuis le décret du
11 juillet 1994, le rôle assigné à Superphénix était celui d'être
une installation de recherche pour l'incinération du plutonium et
des déchets nucléaires à haute activité, cette installation devant
occuper ainsi une place très importante dans le dispositif prévu par
la loi de 1991.
Il est certes prévu que Phénix devienne à brève
échéance un outil de remplacement. Mais il y a lieu de vérifier en
détail si cette substitution est possible. Les puissances de ces
deux réacteurs à neutrons rapides diffèrent en effet fortement : 250
MWe pour Phénix contre 1 200 MWe pour Superphénix. Leurs âges
respectifs et donc potentiellement leurs conditions de sûreté sont
également très différents : Phénix a été mis en service en 1973 et
Superphénix en 1985.
La Commission d’enquête sur Superphénix et la
filière des réacteurs à neutrons rapides, dont vos Rapporteurs sont
Président et Rapporteur, examine actuellement les conditions de la
remontée en puissance de Phénix. Dans le cadre de leur étude sur
l’aval du cycle, vos Rapporteurs ont centré leurs recherches sur les
résultats attendus des expériences prévues avec Phénix sur l’axe 1
de la loi de 1991.
Une troisième évolution, qui se traduit aujourd'hui
avec force dans le débat politique, renforce la nécessité de
nouveaux rapports de l'Office parlementaire.
Les trois axes de recherche prévus par la loi de
1991 couvrent bien l'éventail du possible. Les études à réaliser
doivent porter, ainsi qu'on l'a rappelé plus haut, sur le stockage
réversible ou irréversible des déchets à haute
activité.
Dès 1991, il n'était pas en effet exclu que l'on ne
puisse en quinze ans mettre au point les technologies permettant de
casser des composés radioactifs de période se comptant en millions
d'années comme ceux du neptunium 237 ou du césium 135 en composés
radioactifs de période de quelques dizaines d'années.
En cette mi-1998, cette question clé ne semble pas
avoir encore reçu de réponse. La reprise des déchets constitue donc
toujours une option à explorer. Elle semble d'ailleurs prendre une
importance critique dans le public et dans le débat politique.
Corrélativement, les techniques de conditionnement et d'entreposage
de longue durée en surface, en sub-surface ou en profondeur revêtent
une importance capitale si l'on veut garantir la réversibilité des
options. Dès lors, il convient d'examiner avec une attention toute
particulière l'état d'avancement des recherches correspondantes.
Le présent rapport examine les résultats obtenus
dans chacun de trois domaines de recherche, leur portée et leurs
limites.
Mais la problématique du retraitement constituant
la toile de fond de l’aval du cycle, vos Rapporteurs l’étudient
d’abord en n’omettant évidemment pas de traiter du recyclage du
plutonium par la seule voie désormais possible après la fermeture de
Superphénix, c’est-à-dire la voie du Mox. Les limites que pourraient
présenter les techniques de séparation et de transmutation sont
ensuite examinées. La question décisive pour l’avenir est bien en
effet de savoir quelles quantités de radioéléments à haute activité
et à vie longue pourront être transmutées, avec quels équipements et
à quelle vitesse.
La problématique du choix entre l’entreposage et le
stockage en découle naturellement. Présentée à la fin des années 80
comme la seule solution rationnelle de gestion des déchets à vie
longue, la méthode du stockage irréversible est désormais confrontée
à celle de l’entreposage, par définition réversible. L’entreposage
devrait permettre d’assurer la réversibilité et de conserver des
marges d’action, par rapport à l’évolution des techniques et des
marchés. Vos Rapporteurs proposent d’examiner à quelles conditions
de délais, de coûts et de sûreté cet objectif pourrait être
atteint.
En réalité, à mi-parcours du temps prévu par la loi
de 1991 pour réunir les connaissances qui permettront en 2006, et
seulement à cette date, de décider de l’organisation générale de la
gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, il
apparaît bien qu’il n’existe aucun antagonisme entre les 3 axes de
recherche. Sans doute, à l’avenir, la gestion des déchets hautement
radioactifs mettra-t-elle en œuvre une combinaison de techniques
relevant de ces trois domaines.
Incinération, entreposage ou stockage, en surface
ou en profondeur : ces trois techniques de gestion des déchets
radioactifs à haute activité doivent, en tout état de cause,
continuer d’être explorées simultanément et à parité, afin qu’en
2006, le Parlement puisse décider en toute connaissance de cause des
solutions que la communauté scientifique et le Gouvernement lui
présenteront.
1. La problématique recyclage – stockage pour le combustible
irradié et le plutonium de retraitement
Plus qu’aucune autre question portant sur la
filière nucléaire, la question du retraitement suscite des
controverses. Il paraît important de reprendre les données de base
du problème.
Pour les uns, le retraitement, par l’ampleur et la
durée des investissements qu’il nécessite, introduit une rigidité
dans les choix de la filière. Pour les autres, le retraitement est
effectivement la clé de la cohérence de celle-ci, en ce qu’il
apporte une double contribution économique et dans un certain sens
écologique à l’équilibre de la filière.
La problématique recyclage-stockage est bien sûr
conditionnée en France par l’existence d’une industrie qui a un
poids économique très important. Il faut par ailleurs souligner que
le recyclage du plutonium et de l’uranium des combustibles usés
permet une réduction de la toxicité des déchets.
Une fois rappelées ces données fondamentales, vos
Rapporteurs examinent dans la suite l’importante question du
plutonium sous le triple aspect de sa physique, de ses stocks et des
flux correspondants. La question du plutonium considéré comme déchet
est ensuite traitée. Mais, compte tenu du potentiel énergétique et
de la toxicité du plutonium, la France s’est engagée dans la voie du
recyclage et de sa valorisation dans le combustible Mox. Les
différentes contraintes techniques portant sur la composition et
l’utilisation du Mox sont détaillées ultérieurement. EDF souhaite
porter à 28 réacteurs sur 58 les autorisations de chargement. Cogema
quant à elle souligne que les installations du cycle du combustible
sont calibrées pour cette situation et verraient leur rentabilité
économique ruinée si l’on s’arrêtait " au milieu du
gué ".
Au total, il apparaît clairement à vos Rapporteurs
que la France est désormais dans une situation de retraitement d’une
partie encore indéfinie des combustibles irradiés. Deux ans après
que votre Rapporteur a révélé en mars 1996 qu’une partie
substantielle du combustible n’allait pas être retraitée, il se
confirme que l’aval du cycle nucléaire est désormais dual en France.
Une partie du combustible est retraitée et une
autre, un tiers, ne l’est pas. Il s’agit d’une situation de fait qui
ne traduit pas la victoire des partisans du non-retraitement sur
ceux du retraitement mais qui est la résultante d’arbitrages
économiques. Pour commencer à en tirer les conséquences, peut-être
faut-il redonner une marge d’évolution à un ensemble d’entreposage à
court terme proche de la saturation. Mais il faut surtout tirer les
conclusions de cette situation pour l’avenir et prévoir avec plus de
précision des techniques d’entreposage à moyen terme voire de
stockage à très long terme pour les combustibles irradiés non
retraités.
Introduction
Le contexte de l’aval du cycle français est sans
équivalent dans le monde, dans la mesure où l’objectif de l’ensemble
des opérateurs a été de maîtriser l’ensemble des techniques
susceptibles d’intervenir dans la filière. A la prise en compte du
contexte économique doit s’ajouter, pour recenser tous les
paramètres de décision, une inscription des problèmes dans une
réalité physique de base, celle de la fission des éléments lourds
que sont l’uranium et le plutonium.
- des installations de retraitement opérationnelles jusqu’en
2030
L’industrie française du retraitement est la
1ère du monde. Il s’agit là de l’un des domaines où une
politique volontariste et globale, conjuguée à un savoir-faire
technologique de premier plan, a porté la France à la pointe des
industries mondiales. Pour les détracteurs du retraitement, cette
singularité dénote, au contraire, un isolement de la France et,
somme toute, remet en cause la pertinence du choix du recyclage. En
réalité, vos Rapporteurs estiment que c’est sans doute cette
position dominante qui a permis à l’industrie française de vendre
des centrales à l’étranger. C’est aussi d’ailleurs la raison de la
concentration des attaques d’organisations internationales qui
visent plus la France que les choix industriels qu’elle incarne.
Tableau 1 : l’industrie du retraitement dans le
monde
Pays |
opérateur |
site |
capacité finale |
France |
Cogema |
La Hague |
1 600 t/an |
Royaume-Uni |
BNFL |
Sellafield |
900 t/an |
Japon |
JNFL |
Rokkasho-Mura (mise en service après
2003) |
800 t/an |
|
PNC |
Tokaï-Mura (arrêt après 2003) |
90 t/an |
Russie |
|
Tcheliabinsk-65 |
400 t/an |
|
|
Krasnoïarsk (inachevée) |
1 500
t/an |
Les principales étapes de la construction de l’outil industriel
français du retraitement civil sont les suivantes :
- 1960 : choix du site de La Hague
- 1962 : définition du procédé, des matériels et des
installations de retraitement
- 1966 : démarrage de l’usine UP2 de La Hague pour
le retraitement du combustible uranium naturel graphite gaz
(UNGG)
- 1976 : construction au sein de l’usine UP2 d’un
nouvel atelier de 400 t/an (atelier HAO destiné au
traitement du combustible des REP
- 1987 : arrêt du retraitement du combustible UNGG à
La Hague et transfert à l’usine UP1 de Marcoule
- 1990 : mise en service de l’usine de retraitement
UP3 de La Hague, dimensionnée pour 800 t/an
- 1994 : mise en service de l’usine de retraitement
UP2-800
- 1998 : démantèlement de l’usine UP1 de Marcoule
commencé le
1er janvier
Au final, le site de La Hague est un complexe
industriel de très grande taille comprenant 6 installations
nucléaires de base (INB). Le montant des investissements réalisés
dans l’usine de La Hague est évalué à 90 milliards de F.
L’usine de La Hague est un outil fonctionnant selon
les prévisions. Il devrait être amorti sur le plan financier vers
2001. Alors, la rentabilité augmentera fortement. Mais plus
probablement, le coût total d’exploitation et par conséquent les
prix de traitement des combustibles et corrélativement celui du
plutonium s’abaisseront.
S’agissant de la durée de vie des installations,
celles-ci devraient pouvoir fonctionner jusqu’en 2030-2040 environ
avant d’être déclassées. L’exemple d’UP1 de Marcoule, construite
entre 1955 et 1959 et opérationnelle jusqu’en 1998 montre que
l’exploitation d’une telle installation peut s’étendre sur une
période de 40 ans. La nature des équipements et la qualité de la
maintenance à La Hague laissent présager la possibilité de gagner un
large nombre d’années supplémentaires.
La logique économique voudrait donc que ces
installations soient utilisées jusqu’à cette période et que l’option
du retraitement soit confirmée d’ici à une vingtaine d’années.
- le poids économique du retraitement
Le chiffre d’affaires de Cogema en 1997 s’est élevé
à 32,65 milliards de francs, dont 16,2 milliards de F pour le
retraitement . Les contrats en cours d’exécution à La Hague pour des
clients étrangers représentent un chiffre d’affaires de 7 milliards
de F par an sur 10 ans. Un autre indicateur du poids économique du
retraitement est celui des provisions passées pour financier le
futur démantèlement des installations. Le démantèlement des
installations de La Hague est estimé à 26 milliards de francs. Les
provisions déjà constituées atteindraient 20,6 milliards de
francs et se traduiraient par des prises de participation
conséquentes dans le capital de grandes entreprises nationales.
Sur le plan local, l’importance économique de
l’usine de La Hague est majeure. Cogema emploie localement 3 000
personnes environ. Avec les personnels des entreprises
sous-traitantes, le total des emplois liés au site s’élève à 6 - 8
000 personnes. Au total, le site de La Hague apporte à l’économie du
nord Cotentin un quart à un tiers de son activité. Hier encore l’un
des plus grands chantiers jamais conduits dans l’hexagone, La Hague
continue de monter en puissance, même si la progression s’est
fortement ralentie. Les travaux de modernisation de différents
ateliers génèrent aujourd’hui une activité importante. On citera, à
titre d’exemple, l’impact des deux derniers gros chantiers de La
Hague – le nouvel atelier de conditionnement R4 et l’achèvement de
l’atelier de compactage des coques et embouts – Ces constructions se
sont traduites par des contrats de 280 millions de francs et d’un
million d’heures de travail dont 60 % vont aux entreprises
locales.
- les deux faces du retraitement : le recyclage des
actinides majeurs – uranium et plutonium – et donc la réduction de
la toxicité des déchets,
D’une manière générale, le plutonium suscite
l’inquiétude essentiellement par les utilisations militaires qui en
ont été faites. Cette inquiétude est renforcée par sa radiotoxicité,
la période de ses isotopes les plus abondants étant de surcroît de
très longue durée (voir tableau ci-après). Or le plutonium apparaît
inévitablement au cours de l’irradiation de l’uranium 238 par
capture de neutrons thermiques, dans le combustible nucléaire
classique à l’oxyde d’uranium.
Tableau 2 : période des différents isotopes du
plutonium
isotope |
période |
radioactivité
spontanée |
Pu 236 |
2,85 années |
a – vers U 232 |
Pu 238 |
86 années |
a – vers U 234 |
Pu 239 |
24 400
années |
a – vers U 235 |
Pu 240 |
6 580 années |
a – vers U 236 |
Pu 241 |
14,4 années |
a - b
|
Pu 242 |
3,79. 105
années |
a – vers U 238 |
Pu 243 |
4,96 heures |
b
|
Le combustible à l’oxyde d’uranium comprend de
l’uranium 235 fissile qui, dans les réacteurs à eau pressurisée, est
présent en moyenne à hauteur de 3,5 %, le reste étant de l’uranium
238. C’est cet uranium 235 qui donne lieu à la réaction de fission
et à la production d’énergie. Il n’est toutefois pas consommé en
totalité : en moyenne sur 1 000 kg de combustible, on compte 35
kg d’uranium 235 au départ et on en retrouve 8 kg après
l’irradiation.
L’isotope uranium 238 fertile quant à lui
représente au départ 96,5 % du total. Lors de l’irradiation,
l’uranium 238 se transforme en partie par capture d’un neutron
thermique en uranium 239 instable qui donne par émission b du neptunium de période très courte et qui par
le même processus se transforme en plutonium 239. Celui-ci peut
capturer à son tour un neutron thermique alors qu’il subit la
fission sous l’action de neutrons rapides et ainsi de suite,
plusieurs isotopes du plutonium coexistant au final, selon les
réactions ci-après.
Figure 1 : formation sous
irradiation des isotopes du plutonium à partir de l’uranium
238
U 238 U 239 Np 239 Pu 239
Pu 240 Pu 241 Pu 242 Am 243
Am 241
L’isotope 239 du plutonium est le plus abondant car
il est formé par simple capture d’un neutron par l’uranium 238. Les
autres isotopes sont d’autant plus abondants que le taux de
combustion est plus élevé, ainsi que le montrent les tableaux
suivants. Notons qu’en fin d’irradiation, la totalité de l’uranium
fertile n’est pas consommée : pour 1 000 kg de combustible, on
retrouve 941 kg d’uranium 238 pour une quantité de 965 kg au
départ.
Tableau 3 : isotopes du plutonium dans le
combustible oxyde d’uranium irradié – taux de
combustion : 33 000 MWj/t – après refroidissement de 3
ans
Tableau 4 ; isotopes du plutonium dans le combustible
oxyde d’uranium irradié (palier N4)– taux de combustion :
47 500 MWj/t – après refroidissement de 5
ans
Le retraitement du combustible irradié se justifie
pour deux raisons essentielles. En premier lieu, l’intérêt de
récupérer les matières énergétiques non consommées : y figure
en effet l’uranium 235 non brûlé et l’uranium 238 non transformé. En
second lieu, se trouve la matière énergétique formée au cours de la
combustion – le plutonium qui est elle-même une matière fissile –.
Pour 1 000 kg de combustible présents au départ, le plutonium formé
au cours de l’irradiation représente environ 9 kg. Or le plutonium a
lui aussi un contenu énergétique encore plus élevé que l’uranium 235
en raison du fait que sa fission donne lieu à la naissance de deux
fois plus de neutrons utiles pour la réaction en chaîne que ce
dernier. Il n’est pas faux à cet égard de constater, en termes
simplificateurs mais imagés qu’un gramme de plutonium équivaut à
environ 1 tonne de pétrole.
A cet égard, l’industrie nucléaire propose trois
voies pour le traitement du plutonium. La première est celle de
l’utilisation du plutonium dans des réacteurs à neutrons rapides qui
permettent de le brûler avec efficacité, tout aussi bien que d’en
régénérer. La deuxième voie est celle du recyclage du plutonium dans
les réacteurs à neutrons thermiques par la voie du Mox (voir plus
loin). Une troisième voie consiste à considérer le plutonium comme
un déchet et donc à envisager son stockage.
Mais, en tout état de cause, en poursuivant un but
de valorisation énergétique, le retraitement atteint aussi un but
potentiellement écologique. En effet, en extrayant l’uranium et le
plutonium, on réduit la radiotoxicité des résidus puisque ces
éléments sont responsables de la part la plus importante de
celle-ci, comme les montrent les graphiques ci-après.
Figure 2 : radiotoxicité totale du
combustible et part de chacun des éléments
La première constatation que l’on peut faire sur la
base de ce graphique, c’est que la radiotoxicité totale du
combustible usé décroît progressivement et devient inférieure à
1 Sv/tonne au bout de 1000 ans. La deuxième constatation est
que le plutonium joue un rôle prédominant dans la radiotoxicité
totale. La figure suivante, qui présente une version normalisée des
mêmes résultats, permet d’expliciter le rôle des différents
éléments.
Figure 3 : radiotoxicité normalisée du
combustible usé
Au bout de 200 ans environ, la part des produits de
fission s’annule presque quasiment. L’impact du plutonium devient
massif de 100 à 50 000 ans environ. Ensuite l’uranium et les
actinides mineurs américium et curium contribuent plus fortement à
la radiotoxicité.
Par ailleurs, il faut signaler que les différents
isotopes du plutonium sont eux-mêmes radioactifs et subissent des
dégradations spontanées selon le tableau suivant.
L’organisation de la filière française de l’aval du
cycle découle directement de deux constats essentiels liés à la
toxicité des éléments contenus dans le combustible usé.
En premier lieu, il est clair qu’en valorisant par
recyclage le contenu énergétique du combustible à l’uranium, on
réduit aussi la toxicité des déchets. Bien évidemment, pour
apprécier l’intérêt global de l’opération quant à la protection de
l’environnement, la quantité de déchets intermédiaires générés par
le retraitement doit aussi être prise en compte. Par ailleurs, le
devenir des déchets ultimes (produits de fission à vie longue et
actinides mineurs) doit trouver une solution. Mais le raisonnement à
la base de la stratégie du retraitement doit être gardé en mémoire
pour le cas de l’entreposage direct. En effet, l’entreposage direct
du combustible irradié peut se justifier dès lors que l’on
souhaiterait attendre la mise au point de techniques meilleures pour
neutraliser la radioactivité. Dans ce cas, il y a tout lieu de
penser que le premier objectif serait de résoudre les cas de
l’uranium et surtout du plutonium. Ce qui est très exactement
l’apport principal du procédé Purex qui porte sur la séparation de
ces éléments.
En deuxième lieu, le plutonium est le principal
responsable de la radiotoxicité du combustible usé. Ainsi, au bout
de deux cents ans, sa part dans la radiotoxicité totale atteint 90
%. C’est pour cette raison que des normes très strictes ont été
fixées pour le retraitement du combustible. Lors de la conception et
de la réalisation de l’usine de La Hague, il a ainsi été fixé comme
contrainte fondamentale l’obtention d’un rendement de 99 % pour la
séparation du plutonium, corollaire d’une épuration à 99,9 % du
plutonium en produits de fission. Les performances enregistrées ont
dépassé les attentes, avec un taux de séparation de 99,9 %.
1.1. le plutonium : flux et stocks
L’évaluation des quantités de plutonium produites,
réutilisées ou " sur étagère " est une question sensible.
Pour des motifs de sécurité, les statistiques correspondantes ont
longtemps été classées secret défense. La situation a récemment
changé.
- une récente transparence sur les stocks de plutonium
Les 9 pays possédant les plus importants stocks de
plutonium ont en effet donné leur accord sur les
" Guidelines for the Management of Plutonium "
(Infcir/549) proposées par l'AIEA et échangé des informations sur
les spécificités de leurs stocks. Les recommandations de l'AIEA
portent sur une comptabilité publique des stocks. Différentes
catégories de plutonium doivent être distinguées :
- plutonium séparé et non irradié sur étagère
- combustibles Mox non irradiés
- autres produits contenant du plutonium et non irradié
- et en général tout le plutonium utilisé dans des activités
nucléaires pacifiques, ainsi que le plutonium classé comme inutile
ou inutilisable pour des activités de défense.
Les 9 pays sont les suivants :
- pays ne possédant pas l'arme nucléaire : Belgique, Japon,
Allemagne, Suisse
- pays possédant l'arme nucléaire : Chine, France, RU,
Etats-Unis
Sur les 9 pays ayant adhéré aux recommandations de l'AIEA, 8 ont
fourni des statistiques, seule la Chine arguant du fait que les
stocks ne sont pas distincts selon qu'ils sont à usage civil ou
militaire.
Le tableau suivant présente les statistiques déclarées par la
France pour les années 1995 et 1996.
Tableau 5 : déclaration par la France à l’AIEA
de ses stocks de plutonium pour 1995 et 1996
I. Statistiques annuelles pour les stocks de Plutonium
civil non irradié et
séparé |
au 31/12/96 |
au
31/12/95 |
1. Plutonium séparé et non irradié stocké dans les
usines de retraitement |
43,6
tonnes |
36,1
tonnes |
2. Plutonium séparé et non irradié en cours de
fabrication et plutonium contenu dans des produits
semi-finis non irradiés localisés dans les usines de
fabrication de combustible ou
autres |
11,3
tonnes |
10,1
tonnes |
3. Plutonium contenu dans des combustibles Mox non
irradiés ou d’autres produits finis, dans les centrales ou
ailleurs |
5,0
tonnes |
3,6
tonnes |
4. Plutonium séparé et non irradié détenu
ailleurs |
5,5
tonnes |
5,5
tonnes |
total
I |
65,4
tonnes |
55,3
tonnes |
remarques : |
|
|
(i) Plutonium inclus dans les catégories 1 à 4 et
appartenant à des propriétaires
étrangers |
30
tonnes |
25,7
tonnes |
(ii) Plutonium sous l’une des formes 1 à 4 et détenus
dans d’autres pays et donc non inclus dans les catégories
1 à 4 |
0,2
tonne |
0,2
tonne |
(iii) Plutonium en cours d’expédition à l’étranger sous
la responsabilité de la France et inclus dans les
catégories 1 à 4 |
0,0 |
0,0 |
II. Quantités estimées de plutonium contenu dans les
combustibles usés des réacteurs à usage
civil |
au
31/12/96 |
au
31/12/95 |
1. Plutonium contenu dans les combustibles usés
entreposés sur les sites des réacteurs à usage
civil |
64,9
tonnes |
64
tonnes |
2. Plutonium contenu dans les combustibles usés
entreposés sur les sites des usines de
retraitement |
87,6
tonnes |
87
tonnes |
3. Plutonium contenu dans des combustibles usés
entreposés ailleurs |
0,0 |
0,0 |
total
II |
152,5
tonnes |
151
tonnes |
remarques |
|
|
(i) le traitement statistique des combustibles
entreposés ou stockés directement sera mis au point
lorsque les décisions pour un stockage direct se seront
traduites dans des réalisations
concrètes |
|
|
(ii) définition du II.1. : le chiffre correspond
au combustible déchargé des réacteurs
civils |
|
|
(iii) définition du II.2. : le chiffre correspond
aux quantités de plutonium contenu dans les combustibles
reçus dans les usines de retraitement et non encore
retraités |
|
|
Les statistiques distinguent le plutonium séparé de
celui contenu dans le combustible non retraité. En termes de
prolifération, cette distinction a une portée évidente, les
techniques de séparation étant difficiles à maîtriser. Il faut donc
se garder de faire la somme du plutonium séparé de celui contenu
dans le combustible irradié qui, si on le retraite devient du
plutonium déchet.
Mais on ne peut que noter une augmentation de 1995
à 1996 une augmentation du plutonium dit " sur
étagère ". Les chiffres 1997 sont en cours d’élaboration.
Les indications données à votre Rapporteur laissent penser que cette
augmentation s’est poursuivie de manière linéaire.
Par ailleurs, il faut souligner le fait que les
65,4 tonnes plutonium séparé sur étagères fin 1996 comprennent 30
tonnes de plutonium appartenant à des sociétés étrangères. De même,
les 152,5 tonnes de plutonium contenu dans les combustibles usés
comprennent aussi les combustibles étrangers en attente de
retraitement.
Quant aux chroniques relatives aux périodes
antérieures, le secrétariat d’Etat à l’industrie, arguant du fait
qu’elles reposaient sur des conventions statistiques différentes,
n’a pas souhaité les communiquer à vos Rapporteurs.
- Cogema transparente sur le plutonium : il suffisait de le
demander
L’ordre de grandeur des stocks doit être discuté si
l’on veut s’assurer de la plausibilité des chiffres affichés. A cet
égard, il est intéressant de faire un parallèle entre les montants
de stocks et les quantités retraitées. Ces quantités de combustibles
irradiés sont indiquées dans le tableau suivant, fourni par
Cogema.
Tableau 6 : quantités annuelles de combustibles
retraités à UP2 et UP3 (La Hague)
année - tonne |
quantité retraitée à UP2 |
quantité retraitée à UP3 |
quantité de Mox retraité |
quantité de combustible de RNR
retraité |
total
annuel |
1976 |
14,6 |
- |
- |
- |
14,6 |
1977 |
17,9 |
- |
- |
- |
17,9 |
1978 |
38,3 |
- |
- |
- |
38,3 |
1979 |
79,3 |
- |
- |
2,2 |
81,5 |
1980 |
104,9 |
- |
- |
1,5 |
106,4 |
1981 |
101,3 |
- |
- |
2,2 |
103,5 |
1982 |
153,5 |
- |
- |
- |
153,5 |
1983 |
221,0 |
- |
- |
2,0 |
223,0 |
1984 |
255,1 |
- |
- |
2,1 |
257,2 |
1985 |
351,4 |
- |
- |
- |
351,4 |
1986 |
332,6 |
- |
- |
- |
332,6 |
1987 |
424,9 |
- |
- |
- |
424,9 |
1988 |
345,7 |
- |
- |
- |
345,7 |
1989 |
430,3 |
30,0 |
- |
- |
460,3 |
1990 |
331,0 |
195,0 |
- |
- |
526,0 |
1991 |
311,1 |
351,4 |
- |
- |
662,5 |
1992 |
219,9 |
448,0 |
4,5 |
- |
672,4 |
1993 |
354,0 |
600,0 |
0,0 |
- |
954,0 |
1994 |
575,9 |
700,4 |
0,0 |
- |
1 276,3 |
1995 |
758,1 |
800,6 |
0,0 |
- |
1 558,7 |
1996 |
862,0 |
818,9 |
0,0 |
- |
1 680,9 |
1997 |
849,6 |
820,3 |
0,0 |
- |
1 669,9 |
1998 (3 mois) |
104,3 |
276,0 |
4,9 |
- |
385,2 |
total |
7 236,7 |
5 040,6 |
9,4 |
10,0 |
12
296,7 |
Le tableau suivant, fourni par Cogema, donne les
chiffres précis relatifs à l’utilisation du plutonium issu du
retraitement des réacteurs à eau légère. Ces chiffres excluent les
quantités de plutonium de qualité militaire extraites par
retraitement des combustibles UNGG.
Tableau 7 : fabrications, réexpéditions et
stocks de plutonium provenant du retraitement à La Hague des
combustibles à eau légère
en tonnes de plutonium total |
EDF |
Clients étrangers |
Total |
Production cumulée de plutonium
(76-97) |
44,8 |
51,5 |
95,9 |
Total des expéditions pour fabrication
de combustibles |
28,6 |
22,1 |
50,7 |
Stock PuO2 |
16,2 |
29,0 |
45,2 |
Ainsi, au total, ce sont 95,9 tonnes de plutonium
qui ont été fabriquées à La Hague de 1976 à 1997 par
retraitement des combustibles irradiés des réacteurs à eau
légère.
Ces données correspondent aux ordres de grandeur
attendus. De 1976 à fin 1996, 10 241,6 t de combustibles irradiés
ont été retraitées à La Hague. Or en première approximation, le
plutonium issu du retraitement représente 0,9 % du tonnage retraité,
ce qui représente 92 tonnes environ. Par différence, le plutonium
extrait du combustible UNGG représente environ 3,7 tonnes.
Les réexpéditions se font à destination d’usines
françaises ou étrangères de fabrication de combustibles. EDF a dans
le passé repris une partie de son plutonium pour fabriquer du
combustible pour Superphénix et Phénix et ne le fait plus que pour
Phénix, ce qui représente des tonnages faibles. Le Japon continue de
reprendre du plutonium pour ses RNR Joyo et Monju. Mais le débouché
principal est bien entendu la fabrication de Mox.
S’agissant du plutonium provenant des combustibles
EDF, la réexpédition se fait désormais vers l’usine Melox, à 100 %
en 1997. Les expéditions de plutonium fabriqué à La Hague vers
l’usine de Belgonucléaire à Dessel ont cessé depuis la fin 94. La
part de l’usine de Cadarache s’est annulée en 1997. Le tonnage
réexpédié vers Melox en 1997 a atteint 5,7 tonnes. Le tableau
suivant présente l’évolution des réexpéditions de plutonium à partir
de La Hague.
Tableau 8 : réexpéditions à partir de La
Hague du plutonium issu du retraitement de combustibles des REP
EDF vers des usines de fabrication de combustible
tonne de Pu total |
1976 |
1977 |
1978 |
1979 |
1980 |
1981 |
1982 |
1983 |
1984 |
1985 |
1986 |
Belgonucléaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
0,2 |
Melox |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Cadarache |
|
|
|
|
0,4 |
0,3 |
0,2 |
0,2 |
0,1 |
0,4 |
0,4 |
Total |
|
|
|
|
0,4 |
0,3 |
0,2 |
0,2 |
0,1 |
0,4 |
0,6 |
tonne de Pu total |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
total |
Belgonucléaire |
0,9 |
0,9 |
1,2 |
2 |
1,1 |
0,8 |
1,4 |
0,4 |
|
|
|
8,9 |
Melox |
|
|
|
|
|
|
|
0,4 |
2 |
3,5 |
5,7 |
11,6 |
Cadarache |
0,3 |
0,6 |
|
0,5 |
|
0,7 |
0,9 |
0,8 |
2,1 |
0,2 |
0 |
8,1 |
Total |
1,2 |
1,5 |
1,2 |
2,5 |
1,1 |
1,5 |
2,3 |
1,6 |
4,1 |
3,7 |
5,7 |
28,6 |
S’agissant du plutonium provenant du retraitement
des combustibles étrangers, il faut signaler l’augmentation du stock
entreposé à La Hague
La montée en charge de l’usine UP3 consacrée au
retraitement des combustibles étrangers est en effet rapide depuis
1990. Les quantités produites ont donc augmenté rapidement. Or les
réexpéditions ont été très lentes. Sur la période 1990-1997, la
moyenne des tonnages réexpédiés atteint seulement 1,8 tonne par an,
avec toutefois un doublement par rapport à ce chiffre en 1997. Le
tableau suivant présente la chronique des réexpéditions vers
l’étranger.
Tableau 9 : réexpéditions à partir de La
Hague du plutonium issu du retraitement de combustibles étrangers
(réacteurs à eau légère) vers des usines de fabrication de
combustible
tonne de Pu total |
1976 |
1977 |
1978 |
1979 |
1980 |
1981 |
1982 |
1983 |
1984 |
1985 |
1986 |
Total |
0,1 |
0 |
0,3 |
0 |
0,3 |
0,3 |
0,5 |
0,7 |
1 |
1,6 |
0,6 |
tonne de Pu total |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
total |
Total |
0,5 |
0,8 |
0,7 |
1,2 |
0,7 |
2,4 |
0,3 |
1,6 |
1,7 |
3,2 |
3,6 |
22,1 |
La loi du 30 décembre 1991 dispose dans son article
3 que " le stockage en France de déchets radioactifs
importés, même si leur retraitement a été effectué sur le territoire
national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le
retraitement. "
La réexpédition des verres contenant les actinides
mineurs et les produits de fission est évidemment une obligation aux
termes de la loi. On peut discuter du délai d’entreposage nécessaire
pour la décroissance de leur charge thermique et radioactive. Pour
le plutonium, les délais imposés par le retraitement sont courts. Au
contraire d’imposer une attente, une bonne gestion technique du
plutonium exige une réutilisation rapide, faute de quoi le plutonium
s’empoisonne, du fait de la décroissance radioactive b - spontanée du plutonium 241 qui se transforme
en américium 241 avec une période de 14,4 années.
On conçoit bien le manque d’ardeur des clients
étrangers à rapatrier leur plutonium. En réalité, ce sont plutôt les
autorités politiques qui n’encouragent pas les retours, notamment en
période d’élections. Le respect de la loi de 1991 commande que des
calendriers clairs de réexpédition soient adoptés et respectés. Les
retards risqueraient de ne jamais être rattrapés et La Hague n’a pas
vocation à être un entrepôt de plutonium, ni pour EDF, ni pour les
clients étrangers de Cogema.
- Le stock total de plutonium d’EDF stabilisé à une vingtaine de
tonnes
EDF recycle une partie du plutonium contenu dans
ses combustibles irradiés sous forme de Mox (voir plus loin). Un
stock outil est donc nécessaire. Son montant est stabilisé à une
vingtaine de tonnes depuis 1997. La figure ci-après présente
l’évolution de ce stock depuis 1989.
Figure 4 : évolution des stocks de plutonium
issus du retraitement des combustibles EDF
- réglementation sur le plutonium et coût du
retraitement
Dans la conception française actuelle du
retraitement et des résidus " ultimes ", la teneur
en plutonium des verres contenant les produits de fission et les
actinides mineurs ne doit pas dépasser 0,1 %, sans cette limite
posée a priori ait un fondement logique. Dans l’hypothèse où l’on
envisage un stockage souterrain, ceci revient à dire que l’on exclut
d’y mettre des déchets contenant du plutonium à plus de 0,1 %. Cette
contrainte a une incidence lourde sur le coût du retraitement. Le
groupe de travail Mandil-Vesseron l’a évaluée.
La figure suivante illustre quels peuvent être les
différents concepts de traitement des combustibles usés et leur
traduction en termes source.
Figure 5 : les différents concepts de
retraitement
Stockage Retraitement Retraitement Retraitement
direct simplifié actuel poussé
Pu 100% 1 à 3 % 0,1 % 0,01 %
AM 100% 100 % 100 % 1 %
La référence est la situation actuelle, soit une
teneur de 0,1 % des verres qui contiennent au demeurant 100 % des
actinides mineurs. Le coût d’investissement d’une usine de
technologie actuelle et d’une capacité de 800 à 1 000 t/an est de
l’ordre de 28 à 40 milliards de F 1997.
L’entreposage en surface ou le stockage direct en
sub-surface correspondant au non-retraitement, conduit à accepter
100 % du plutonium et des actinides mineurs dans les conteneurs.
A l’autre extrémité de l’échelle
" d’exigence ", le retraitement poussé correspond à
une situation où la teneur en plutonium est limitée à 0,01 % et
celle des actinides mineurs à 1 %. Le groupe Mandil- Vesseron a
estimé que le coût du retraitement poussé serait plus élevé de 30 à
50 %, soit un surcoût d’investissement de l’ordre de 14
milliards de F.
Le retraitement simplifié correspond quant à lui à
une norme d’acceptation du plutonium à une concentration variant de
1 à 3 %, pour 100 % d’actinides mineurs. L’économie par rapport à la
situation actuelle serait de 30 %, soit 10 milliards de F en
investissements, les économies de fonctionnement n’étant pas encore
précisées.
Au total, le passage de la norme plutonium de 1 % à
0,01 % se traduit par une variation de 87 % du coût d’investissement
de renouvellement d’une installation de la taille d’UP3.
Figure 6 : impact de la norme plutonium sur le
coût de renouvellement de La Hague – usine similaire à UP3 –
Stockage Retraitement Retraitement Retraitement
direct simplifié actuel poussé
investissement en milliards de F 1997 pour une
nouvelle usine de retraitement :
24 32 45
1.2. la montée des isotopes pairs du plutonium au cours de
l’irradiation, une donnée fondamentale pour les combustibles et
les réacteurs actuels ou futurs
L’irradiation du combustible à l’oxyde d’uranium
conduit, on l’a rappelé plus haut, à la formation de plutonium à
partir de l’uranium 238 fertile. Plusieurs isotopes apparaissent, le
plus abondant de loin étant le plutonium 239. Différents facteurs
influent sur la proportion de ces isotopes. Or les isotopes du
plutonium n’ont pas la même qualité fissile dans les réacteurs à
neutrons thermiques. De sorte que le plutonium issu du retraitement
est plus ou moins adapté à un recyclage éventuel dans les réacteurs
à eau pressurisée.
Dans la situation actuelle où, du fait de la
fermeture de Superphénix, la filière des réacteurs à neutrons
rapides - qui eux peuvent brûler tous les types de plutonium – perd
de son actualité, cette question de la qualité du plutonium de
retraitement doit occuper une place fondamentale dans les décisions
sur l’aval du cycle.
- montée des isotopes pairs et recyclage du
plutonium
Le taux de combustion est un paramètre fondamental
de l’exploitation d’un réacteur nucléaire. Par hypothèse, on cherche
à le maximiser afin de rentabiliser le coût du combustible et de
maximiser le rendement de la centrale, en réduisant les arrêts pour
rechargement. Ceci peut se faire en enrichissant le combustible de
départ, soit en uranium 235, soit en plutonium 239.
Des améliorations très importantes ont été
apportées au combustible à l’oxyde d’uranium, aux alliages des
aiguilles de combustible ainsi qu’à l’architecture des cœurs,
principalement par l’industrie française qui a pu, de ce fait,
renforcer ses positions dans la filière nucléaire. C’est grâce à ces
améliorations que les taux d’irradiations ont pu progresser
significativement. Des 33 000 MWj/t des années 70, l’on est
aujourd’hui passé à une moyenne de 43 000 MWj/t, l’irradiation
maximale autorisée étant de 47 000 MWj/t. On n’exclut pas d’ailleurs
de repousser cette limite à 52 000 MWj/t.
La limite à respecter dans cette montée des taux de
combustion est bien sûr celle fixée par des considérations de
sûreté. En effet, l’enveloppe des aiguilles de combustible se
fragilise quelque peu au fur et à mesure de l’irradiation. Par
ailleurs, les produits de fission formés au cours des réactions
s’accumulent dans la gaine, nuisent à sa tenue mécanique et dans une
certaine mesure empoisonnent le combustible lui-même. Afin d’éviter
des ruptures de gaine qui se traduiraient par une pollution
radioactive du circuit primaire de refroidissement, des limites
d’exploitation très précises sont imposées par les autorités de
sûreté, en fonction du type de combustible et de réacteur.
Il semble bien qu’un autre facteur doive être pris
en considération dans l’augmentation du taux de combustion, c’est
celle la montée des isotopes pairs du plutonium qui rend celui-ci de
plus en plus difficile à recycler dans les réacteurs à eau
pressurisée.
Le tableau ci-après illustre la montée des isotopes
pairs du plutonium en fonction du taux de combustion.
Tableau 10 : isotopes du plutonium dans le
combustible oxyde d’uranium irradié en fonction du taux de
combustion
taux de
combustion (MWj/t) |
33 000 |
40 000 |
45 000 |
50 000 |
55 000 |
60 000 |
Pu 238 en % |
1,5 |
2,0 |
2,8 |
3,3 |
3,8 |
4,3 |
Pu 239 en % |
58,6 |
55,8 |
53,7 |
51,8 |
50,7 |
48,9 |
Pu 240 en % |
24,7 |
25,6 |
24,5 |
25,2 |
24,8 |
25,3 |
Pu 241 en % |
10,0 |
10,4 |
11,8 |
11,8 |
12,0 |
12,0 |
Pu 242 en % |
5,2 |
6,2 |
7,2 |
7,9 |
8,7 |
9,5 |
Isotopes
pairs (%) |
31,4 |
33,8 |
34,5 |
36,4 |
37,3 |
39,1 |
Isotopes
impairs : Pu fissile (%) |
68,6 |
66,2 |
65,5 |
63,6 |
62,7 |
60,9 |
Pu total
(kg/t) |
9,3 |
10,3 |
10,6 |
10,9 |
11,6 |
11,9 |
Le même phénomène, bien que dans des proportions
moindres, est enregistré avec le combustible Mox. L’augmentation du
taux de combustion renforce la proportion des isotopes pairs du
plutonium, ainsi que le montre le tableau suivant.
Tableau 11 : l’augmentation des isotopes pairs
du plutonium dans le Mox en fonction du taux de combustion
taux de
combustion (MWj/t) |
33 600 |
36 700 |
41 000 |
Pu 238 en % |
3,1 |
2,7 |
3,4 |
Pu 239 en % |
37,1 |
36,7 |
35,5 |
Pu 240 en % |
33,7 |
33,8 |
34 |
Pu 241 en % |
14,4 |
14,9 |
14,3 |
Pu 242 en % |
11,8 |
11,8 |
12,8 |
Isotopes
pairs (%) |
48,6 |
48,3 |
50,2 |
Isotopes
impairs : Pu fissile (%) |
51,5 |
51,6 |
49,8 |
Un autre phénomène plus important dans le cas du
Mox doit être souligné. C’est la montée des isotopes pairs du
plutonium au fur et à mesure du recyclage.
Le combustible Mox – voir plus loin – est un
mélange d’oxyde d’uranium et de plutonium. La concentration
moyenne en oxyde de plutonium est de 5,3 %. Afin de maximiser
les performances du combustible, un mélange isotopique particulier
est effectué où les isotopes impairs représentent environ les deux
tiers du total. Le phénomène fondamental est que, comme l’indique
le tableau suivant, une montée des isotopes pairs se produit au
cours de l’irradiation du combustible Mox.
Tableau 12 : isotopes du plutonium dans le combustible
Mox – taux de combustion : 43 500 MWj/t – après
refroidissement de 4
ans
Après une irradiation correspondant à 43 500 MWj/t, la part des
isotopes pairs passe de 35,8 % du total à 48,2 %.
- les isotopes pairs du plutonium, poisons des réacteurs à
neutrons thermiques et excellents combustibles pour les réacteurs
à neutrons rapides
Les isotopes pairs du plutonium constituent un
poison de la réaction en chaîne dans les réacteurs à eau
pressurisée. En revanche, les réacteurs à neutrons rapides sont
indifférents à la composition isotopique. La raison en est exposée
dans le tableau suivant.
Tableau 13 : ordre de grandeur des sections
efficaces des différents isotopes du plutonium
isotope du plutonium |
nb de neutrons émis par neutron absorbé en
spectre thermique |
nb de neutrons émis par neutron absorbé en
spectre rapide |
Pu 238 |
0,2 |
1,29 |
Pu 239 |
1,84 |
2,17 |
Pu 240 |
0,007 |
1,09 |
Pu 241 |
2,01 |
2,44 |
Pu 242 |
0,04 |
0,98 |
Le cas du plutonium 240 est éclairant à cet égard.
En spectre thermique, le nombre de neutrons qu’il réémet pour un
neutron capturé est de 0,007. Autrement dit, cet isotope absorbe les
neutrons et compromet la poursuite de la réaction en chaîne. Il en
est de même pour les autres isotopes pairs. Les isotopes impairs, au
contraire, fissionnent en nombre suffisant et réémettent des
neutrons, participant ainsi au processus de la réaction en chaîne et
en parallèle générant de l’énergie.
Les réacteurs à neutrons rapides sont en
conséquence souvent décrits comme des réacteurs
" mange-tout ". Ceci vaut pour les actinides
mineurs mais bien évidemment et au premier chef pour le plutonium.
Mais la fermeture de Superphénix, décidée sans explications par le
Gouvernement, signifie l’abandon pour une cinquantaine d’années de
la filière des réacteurs à neutrons rapides, technique où la France
se trouvait à la pointe mondiale de ce type de réacteurs. Le
phénomène de la montée des isotopes pairs du plutonium sous la
double action de l’accroissement des taux de combustion et du nombre
de recyclage pèse donc de tout son poids sur les réacteurs à eau
pressurisée actuel (REP paliers CP1-CP2) et sur les réacteurs à eau
pressurisée du futur, en particulier le " European
Pressurized Reactor " (EPR).
1.3. le plutonium considéré comme déchet et son immobilisation
dans des matrices à longue durée de vie
Le plutonium est considéré à juste titre comme une
matière à haut potentiel énergétique en France comme dans certains
pays en raison de ses caractéristiques fissiles. A l’inverse,
d’autres pays le considèrent comme un déchet au demeurant dangereux
en raison de son utilisation militaire potentielle mais aussi en
raison de sa radiotoxicité. L’immobilisation et la dénaturation du
plutonium viennent aujourd’hui au premier plan des préoccupations,
en raison de l’abondance des stocks de plutonium militaire. Des
travaux de plus en plus nombreux portent sur ce thème. La
problématique de l’usage ou du non-usage du plutonium civil pourrait
en être modifiée.
- le plutonium militaire issu du démantèlement des armes, un
sujet brûlant mais bloqué aux Etats-Unis
Le démantèlement des armes nucléaires opéré suite
aux accords de limitation des armements stratégiques, ainsi que
l’augmentation de leurs puissances unitaires et la miniaturisation
ont divisé par deux le nombre de têtes nucléaires. Au milieu des
années 1980, le nombre d’armes s’élevait à 70 000 environ.
Aujourd’hui, des estimations concordantes font état de 36 000 têtes
dont 14 000 sont en attente d’être démantelées.
La neutralisation du plutonium est un sujet de
préoccupation croissant aux Etats-Unis. Ceux-ci doivent en effet non
seulement traiter leur propre stock mais ont également signé en 1994
un accord avec la Russie aux termes duquel ils doivent lui acheter
des quantités importantes de plutonium – dans un premier temps 500
tonnes –. En janvier 1997 l'administration américaine annonçait sa
politique pour traiter son propre plutonium : d'une part le
recyclage en Mox et d'autre part son immobilisation dans des
matrices de céramique. Depuis 15 mois, le " Department of
Energy " (DOE), responsable de la gestion de toutes les
matières nucléaires, n'a toutefois pas pris de position.
- Le WIPP ou le tabou brisé du plutonium en stockage
géologique
Sauf blocage de dernière minute, le premier centre
de stockage souterrain de déchets contenant du plutonium doit être
opérationnel aux Etats-Unis à la mi-98. Il s’agit du Waste Isolation
Pilot Plant (WIPP). Même s’il ne s’agit pour l’instant que de
déchets faiblement contaminés, c'est un précédent important qui
pourrait ouvrir la voie au stockage souterrain de matrices à longue
durée de vie contenant du plutonium en quantités importantes.
En l’occurrence, 150 000 m3 de déchets nucléaires
de la guerre froide actuellement stockés sur 23 sites aux Etats-Unis
devraient être stockés dans le WIPP, sur le site de Carlsbad au
Nouveau-Mexique. L' "Environmental Protection
Agency " (EPA) a donné son feu vert au " Department
of Energy " (DOE).
C’est une évolution considérable dans un pays qui ,
après avoir lancé la problématique des déchets en avance, s’était
bloqué non pour des raisons techniques mais pour des raisons
d’opinion publique, dans un immobilisme du pouvoir politique qui
pouvait se prolonger.
Ce résultat est obtenu après un affrontement aigu
entre le Congrès et l’EPA. Cette agence avait fixé des normes de
radioprotection à long terme particulièrement sévères. Il s’agissait
de garantir qu’un forage, même pratiqué après la disparition de
toute archive concernant le site, n’entraînerait pas de
contamination de l’environnement. Le Congrès n’a pas hésité en 1995
d’une part à fixer lui-même une norme de radioprotection et, d’autre
part, à menacer l’EPA de lui retirer toute responsabilité dans le
domaine du nucléaire.
Les transports devraient commencer en juin 1998.
Les déchets sont des outils, des vêtements et des objets contaminés
par du plutonium lors de la fabrication ou du démantèlement des
armes nucléaires. Le stockage est effectué dans une couche de sel
souterraine déposée par un ancien océan il y a 225 millions
d'années, ce qui donne une échelle de la durée. Cette couche située
à – 650 m est considérée comme géologiquement stable.
Dans la même ligne, il semblerait que la décision
pourrait être prise aux Etats-Unis de stocker en profondeur 50
tonnes de plutonium militaire après l’avoir immobilisé dans des
matrices de céramique.
- de nouvelles matrices d’immobilisation à très long terme pour
le plutonium
Les techniques de piégeage d’un élément lourd comme
le plutonium font à l’heure actuelle de nombreux progrès.
L’insertion dans une matrice de verre est une technique industrielle
démontrée chaque jour par Cogema à La Hague. En complément à ce
procédé, apparaissent d’autres techniques comme celles des
céramiques, qui semblent particulièrement prometteuses pour le
plutonium.
Ainsi, en France, des chercheurs de l'IN2P3 ont
réussi à synthétiser un phosphate de thorium de formule
Th4(PO4)4P2O7
dans lequel on peut remplacer une partie des ions thorium par des
ions uranium ou plutonium, sans que la structure cristalline du
phosphate de thorium change. On crée ainsi une solution solide dans
laquelle des atomes de plutonium remplacent de 25 à 41 % des atomes
de thorium.
Des équipes australiennes et américaines
développent quant à elles des composés à base de silicate et de
titanate qui présentent des propriétés similaires à celles des
roches trouvées dans la nature.
Ces techniques s’inspirent de ce que l’on trouve
dans la nature où de nombreuses roches conservent à l’état de trace
de l’uranium ou thorium. On a en effet mis en évidence à Oklo
(Gabon) des piles atomiques spontanées qui ont fonctionné pendant
500 ans et ceci il y a 2 milliards d’années. Un confinement efficace
des sous-produits des réactions nucléaires a été réalisé,
naturellement, par des roches du même type que celles étudiées,
pendant la même durée, soit la moitié de l'âge de la Terre.
Les matrices cristallines synthétiques actuellement
étudiées –phosphates diphosphates de thorium, silicates de
zirconium, monazites, apatites – devraient être assez stables pour
immobiliser des matériaux radioactifs jusqu'à des milliards
d'années.
Le tableau suivant présente une évaluation des
performances comparées des différentes matrices.
Tableau 14 : performances de différents
matériaux vis-à-vis de la lixiviation
matrice |
fraction de masse dissoute
en g par m2 et par jour |
Diphosphate de
thorium |
10-7 |
Monazites
(CaPO4) |
10-6 |
Zircon
(ZrSiO4) |
10-5 |
Synroc |
10-5 à
10-4 |
Les chiffres ci-dessus sont relatifs à la
dissolution dans de l’eau distillée, un milieu beaucoup plus oxydant
et corrosif que les eaux basiques et réductrices que l’on trouve en
sous-sol. Ils peuvent sembler décevants, dans la mesure à la
durabilité des matrices doit se compter en millions d’années. En
réalité, dans le cas du diphosphate de thorium, le mécanisme de
dissolution porterait en lui-même un auto-blocage. En effet, le
passage en solution du solide est rapidement contré par la très
faible solubilité du phosphate. A peine dissout, le diphosphate de
thorium précipite rapidement à la surface de la matrice. Une sorte
de réparation automatique de l’attaque initiale se produit donc. Des
expériences sont en cours pour vérifier la portée de ce mécanisme et
estimer la durabilité à long terme.
Dans ce créneau prometteur, la France, grâce au
CNRS, qui a bien sûr déposé les brevets nécessaires, semble avoir
une avance sur les autres pays. Selon certaines informations, les
Etats-Unis testeraient le procédé français.
En tout état de cause, des céramiques des types
ci-dessus devraient être préférées aux verres pour piéger des
déchets radioactifs à haute activité, dès lors que les éléments sont
séparés. La technique du verre s’appliquerait mieux aux mélanges
d’éléments différents. De plus les céramiques semblent mieux
résister dans la durée à la lixiviation que les verres.
Il est donc vraisemblable que la voie inaugurée par
l’IN2P3 débouche sur des applications. La condition en est
évidemment que ses coûts de mise en œuvre deviennent compétitifs.
Les verres, compte tenu des volumes actuellement fabriqués,
garderont toutefois longtemps une avance à cet égard. Une autre
condition, fondamentale, est aussi que l’on ne puisse facilement
récupérer le plutonium une fois celui-ci placé en solution solide.
Différents stratagèmes peuvent être imaginés à cet égard, comme la
pollution du plutonium par des poisons radioactifs. Ces poisons
pourraient être introduits au moment de la fabrication ou au
contraire être fabriqués par irradiation neutronique.
En tout état de cause, des résultats
complémentaires sont nécessaires pour éventuellement confirmer que
l’on peut immobiliser des quantités importantes de plutonium pour
des durées très longues, avec efficacité et sûreté, notamment en
prévenant toute possibilité d’extraction du plutonium des
céramiques.
Si cette possibilité était avérée, c’est toute la
problématique du plutonium – déchet ou combustible – qui pourrait
être déplacée.
1.4. le plutonium considéré comme un combustible et son
recyclage dans le Mox : contraintes techniques
Le Mox, mélange d’oxyde d’uranium et de plutonium,
constitue un combustible utilisable dans les réacteurs à eau
pressurisée moyennant quelques adaptations des réacteurs et sous
certaines limites. Le bilan d’introduction du Mox en France est
positif. C’est pourquoi EDF entend l’étendre progressivement à un
nombre accru de tranches nucléaires. La poursuite de cette
introduction conditionne l’équilibre économique de l’aval du
cycle.
- plusieurs types de Mox et plusieurs configurations de cœur
contenant du Mox
Le Mox (Mixed Oxide Fuel) est composé d’oxydes
d’uranium et de plutonium. Des variantes existent tant pour le ratio
uranium 235 fissile / uranium 238 fertile de l’oxyde d’uranium que
pour la teneur globale de l’oxyde de plutonium et sa composition
isotopique. Par ailleurs, il faut noter que le nombre d’assemblages
combustibles contenant du Mox varie, selon les cas, par rapport au
nombre total d’assemblages du cœur d’un réacteur.
Le minerai d’uranium comprend en moyenne 0,1 à 0,5
% d’uranium. La composition isotopique de cet uranium naturel est de
0,7 % en uranium 235 fissile. Après enrichissement, l’on aboutit à
une teneur de 3,5 % en uranium 235. L’uranium appauvri résultant de
l’enrichissement comprend quant à lui 0,2 % d’uranium 235. L’oxyde
d’uranium utilisé pour fabriquer le Mox était traditionnellement
l’uranium naturel. L’uranium appauvri produit en aval des usines
d’enrichissement lui est de plus en plus souvent préféré.
L’abaissement de 0,7 % à 0,2 % de la teneur en uranium 235 ainsi
réalisé permet en effet d’augmenter la concentration en oxyde de
plutonium, donc sa consommation globale.
Le Mox est placé dans des crayons qui eux-mêmes
sont assemblés de différentes façons. Les réacteurs à eau bouillante
utilisaient dans le passé des assemblages à îlot de plutonium. Au
sein de chaque assemblage, les crayons Mox étaient placés dans une
zone centrale et les crayons à uranium enrichi à la périphérie. Au
contraire, les réacteurs à eau pressurisée " moxés "
contiennent des assemblages " tout Mox " qui ne
contiennent que des crayons Mox. Les réacteurs REP 900 MW du palier
CP1-CP2 se caractérisent par des assemblages tout Mox. Au sein de
chaque assemblage, l’on fait varier la teneur en oxyde de plutonium.
La périphérie, le centre et la zone moyenne comportent des crayons
de teneurs différentes en plutonium – selon le schéma ci-après
–.
Figure 7 : exemple d’assemblage de
combustible Mox utilisé dans des REP français de 900 MWe
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légende : |
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zone 1 : périphérie - 64 crayons à
faible teneur – 3,35 % de
plutonium |
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zone 2 : 100 crayons à teneur
moyenne – 5,10 % de
plutonium |
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zone 3 : centre - 100 crayons
à forte teneur – 6,75 % de
plutonium |
|
O |
tubes guides et tubes
d’instrumentation |
Globalement, deux paramètres peuvent être utilisés
pour faire varier le contenu global en Mox d’un réacteur à eau
pressurisée : d’une part la teneur en oxyde de plutonium de
chacun des assemblages et d’autre part le nombre d’assemblages de
Mox par rapport au nombre total d’assemblages présents dans le
coeur. Ces deux paramètres permettent, dans des limites précises
fixées par la sûreté, de faire varier le tonnage de plutonium
recyclé dans un REP.
- un maximum de 12 % de plutonium dans le Mox
Au cours de l’irradiation d’un combustible
classique à l’oxyde d’uranium, il se crée, on l’a déjà mentionné, du
plutonium sous différents isotopes. En réalité, la proportion de
plutonium 239 se stabilise globalement dans l’ensemble du cœur. En
effet, le taux de transformation de l’uranium 238 en plutonium 239
équilibre la disparition de celui-ci par fission. En revanche,
apparaissent au fur et à mesure du fonctionnement du réacteur et de
plus en plus, les isotopes Pu 240, Pu 241 et Pu 242. Comme on
l’a vu plus haut, la part des isotopes pairs est d’autant plus
importante que l’irradiation du combustible est plus élevée.
Or les propriétés neutroniques des différents
isotopes du plutonium diffèrent de celles de l’uranium. Elles
diffèrent également les unes des autres. En particulier, les
isotopes pairs du plutonium empoisonnent la réaction de fission dans
les réacteurs à eau pressurisée. On considère qu’une réaction en
chaîne peut avoir lieu pour un nombre de neutrons émis par neutron
absorbé supérieur ou égal à 1,3. Les isotopes pairs du plutonium –
Pu 238, Pu 240 et Pu 242– avec des valeurs très inférieures en
spectre thermique, sont donc des poisons de la réaction en
chaîne.
Sur un plan général, la fission d’un noyau
d’uranium 235 produit deux fragments qui réémettent deux à trois
neutrons de haute énergie (environ 2 MeV). Dans un réacteur à eau
pressurisée, ces neutrons perdent rapidement leur énergie à la suite
de chocs contre les noyaux d’hydrogène de l’eau. En tout état de
cause, cela est nécessaire à un bon entretien de la réaction en
chaîne.
Si la fission de l’uranium 235 se produit sous
l’action des neutrons de tout type d’énergie, la probabilité de
fission est plus importante lorsque le neutron incident est
faiblement énergétique. Grâce à l’eau, les neutrons sont ralentis
par chocs élastiques. Leur énergie diminue jusqu’à atteindre un
niveau, inférieur à 0,5 eV, où la probabilité d’absorption par
le noyau et donc de fission est plus importante.
La présence de plutonium dans le combustible Mox
modifie la situation. Les isotopes 239 et 241 du plutonium
présentent une résonance d’absorption pour des valeurs d’énergie
voisines de 0,5 eV. Ceci veut dire que l’absorption de neutrons peut
être multipliée par 10 ou 100. En conséquence, les neutrons
susceptibles de voir diminuer leur énergie jusqu’au niveau optimal
sont moins nombreux. Le spectre est dit durci. Il y a moins de
neutrons de basse énergie et plus de neutrons d’énergies
intermédiaires, dits épithermiques. Les poisons de contrôle – le
bore dans les réacteurs à eau pressurisée – sont moins efficaces.
Les grappes de commande le sont également.
Par ailleurs, le plutonium produit moins de
neutrons retardés que l’uranium 235. On constate donc que le
cœur est plus nerveux.
Pour toutes ces raisons, une limite à la teneur en
plutonium du combustible Mox doit être fixée. Pour ce faire et pour
chaque concept de cœur envisagé, des calculs complexes doivent être
réalisés en examinant les conséquences des différents incidents et
accidents potentiels de fonctionnement du réacteur. Pour simplifier,
les résultats de ces calculs montrent que le pourcentage maximal
admissible de plutonium par rapport à l’uranium est d’environ 12
%.
- la modification du design initial des réacteurs 900 MWe et la
limitation du pourcentage d’assemblages Mox à 30 % du
total
La limitation à 12 % de la teneur en plutonium du
Mox n’est pas la seule contrainte portant sur le recyclage du
plutonium dans les réacteurs à eau pressurisée. En réalité,
l’utilisation du Mox impose des modifications de la conception et
des investissements complémentaires sur les REP des tranches
CP1-CP2. Ainsi que l’a indiqué Framatome à vos Rapporteurs, ces
modifications sont d’ampleur limitée mais incontournables .
Du fait de la présence de plutonium fissile dans le
combustible, des neutrons à haute énergie non ralentis provoquent un
nombre de fissions plus important que dans le combustible classique.
La première conséquence en est que les moyens de contrôle de la
réactivité qui agissent principalement sur les neutrons lents sont
moins efficaces. Il faut donc les renforcer. Des grappes de contrôle
supplémentaires sont donc installées dans ce but sur les réacteurs
et les teneurs en bore sont augmentées. Dans le cas particulier des
réacteurs 900 MWe, ce sont quatre grappes noires supplémentaires qui
ont été rajoutées.
Par ailleurs, les réacteurs " moxés " se
caractérisent par une diminution des contre-réactions de vide et
l’on peut atteindre avec des quantités moindres, en dehors de la
présence d’eau, la criticité. En outre, un nombre plus réduit de
neutrons retardés étant émis après une fission, le combustible est
plus sensible à des variations rapides de réactivité. Ces phénomènes
sont prévenus par des exigences précises sur la maîtrise de certains
transitoire et par un renforcement des capacités de refroidissement
à long terme. C’est ainsi que, sur les réacteurs 900 MWe, la
concentration en bore et les volumes disponibles des réservoirs
d’appoint en bore sont augmentés, de même que la concentration du
réservoir de stockage de la piscine.
Une fois effectués ces changements mineurs
d’équipement et de modes de conduite, le réacteur présente des
caractéristiques intéressantes pour l’exploitation, comme une perte
de réactivité moindre qu’avec le combustible classique.
Dans tous les cas, la pratique actuelle française
est que les assemblages combustibles confectionnés avec du Mox ne
représentent que 30 % du total. Par ailleurs, des contraintes de
gestion particulières sont assignées au combustible Mox qui ne peut
séjourner aussi longtemps en réacteur que le combustible à l’oxyde
d’uranium. Un réacteur 900 MWe fonctionnant au combustible standard
à l’oxyde d’uranium est rechargé par quart de cœur, avec une
longueur de campagne de 12 mois, c’est-à-dire tous les ans. Un
réacteur " moxé " continue d’être rechargé par quart de
cœur pour le combustible UO2, mais est rechargé par tiers de cœur
avec du combustible Mox, la durée de la campagne restant de 12
mois .
Tableau 15 : caractéristiques actuelles
d’exploitation du Mox dans les réacteurs 900 MWe
caractéristiques |
assemblages Mox |
assemblages UO2 |
nombre d’assemblages en % du
total |
30 % |
70 % |
teneur en plutonium |
5,3 % |
- |
équivalent enrichissement en U
235 |
- |
3,25 % |
épuisement maximal de décharge
autorisé |
39 000 MWj/t |
48 000 MWj/t |
nombre de cycles en réacteur |
3 |
4 |
La montée des taux de combustion des combustibles à
l’uranium que l’exploitant appelle de ses vœux pour augmenter la
rentabilité, induit une nouvelle contrainte en aval. En effet, le
combustible ultérieurement retraité comporte du plutonium de qualité
dégradée, ainsi qu’on l’a vu plus haut. En termes techniques, on
parle d’une dégradation du vecteur isotopique du plutonium, ce qui
veut dire que le plutonium retraité comporte une proportion accrue
d’isotopes pairs. En conséquence, il est nécessaire d’augmenter la
teneur en plutonium du Mox.
Un dossier en cours d’instruction par les autorités
de sûreté depuis 1996 sollicite en conséquence l’augmentation de la
teneur en plutonium. Le tableau suivant présente les
caractéristiques de la gestion projetée si les autorisations
demandées sont accordées.
Tableau 16 : gestion du Mox fabriqué avec du
plutonium provenant des combustibles fortement irradiés
|
assemblages Mox |
assemblages UO2 |
nombre d’assemblages en % du
total |
30 % |
70 % |
teneur en plutonium |
7,08 % |
- |
nombre de cycles en réacteur |
3 |
4 |
Par ailleurs, la gestion séparée des assemblages
Mox – 3 cycles – et des assemblages standards – 4 cycles – complique
l’exploitation pour EDF. En conséquence, un projet a été lancé par
EDF, intitulé " Parité Mox ", pour s’affranchir de
cette contrainte. Le tableau suivant indique quelles pourraient
alors être les caractéristiques d’exploitation des réacteurs ainsi
moxés.
Tableau 17 : objectifs du projet
" Parité Mox " à horizon 2002
caractéristiques |
assemblages Mox |
assemblages UO2 |
nombre d’assemblages en % du
total |
30 % |
70 % |
teneur en plutonium |
8,65 % |
- |
nombre de cycles en réacteur |
4 |
4 |
L’étude de faisabilité a récemment conclu que la
teneur en plutonium du Mox doit être de 8,65 % et que quatre grappes
d’arrêt supplémentaires sont nécessaires ainsi qu’une augmentation
du réservoir de stockage de la piscine. Compte tenu des rapports de
sûreté à élaborer et des modifications à réaliser sur les tranches,
cette gestion pourrait être mise en service à la fin de l’année
2002.
Quant aux perspectives d’augmenter le pourcentage
d’assemblages de Mox, elles sont peu encourageantes. Framatome
écrit : " pour utiliser le Mox à des taux supérieurs à
30 %, des modifications devront être faites, dont la mise en œuvre
sur les tranches existantes sera coûteuse avec des délais
d’intervention importants. En tout état de cause, un taux de
recyclage supérieur à 40 % n’est pas envisageable sans une refonte
complète de ces tranches et une nette remise en cause de leur
capacité de suivi du réseau ".
- l’introduction du Mox dans les réacteurs de 1300 MWe
envisageable à l’horizon 2005
L’introduction du Mox dans les réacteurs des
paliers P4-P’4 de 1 300 MWe est envisageable sur un plan technique,
même si son opportunité n’est pas actuellement discutée.
Les réacteurs de 1 300 MWe présentent huit
emplacements disponibles pour des grappes de contrôle
supplémentaires. Ce facteur favorable est en partie compensé par
l’absence dans ces réacteurs de réservoir de bore concentré dans le
système d’injection de sécurité. Selon Framatome, il est
vraisemblable que cet inconvénient puisse être compensé par
l’augmentation de la concentration en bore des réservoirs pour des
quantités de plutonium modérée.
Des études sont en cours pour déterminer les
conditions d’une introduction du Mox dans les réacteurs du palier
1300 MWe. Le tableau suivant en résume les grandes lignes.
Tableau 18 : conditions et
perspectives d’introduction du Mox dans le palier
1 300 MWe
|
% d’assemblages Mox |
taux de plutonium
total |
horizon |
projet à court
terme |
20-30 % |
9,4 % |
2005 |
projet à moyen
terme |
100 % |
9,6 % |
2010-2015 |
Il apparaît que le recyclage du plutonium dans les
REP 1 300 MWe devrait être possible à un taux modéré de l’ordre de
20 à 30 %, moyennant une conclusion positive sur les situations
accidentelles de refroidissement.
Le passage à 100 % d’assemblages Mox nécessiterait
selon toute vraisemblance un redimensionnement de certains systèmes
après des études poussées et donc des modifications coûteuses et des
temps d’arrêt importants.
- le Mox dans les réacteurs de 1 450 MWe : un problème
analogue à celui des réacteurs 1 300 MWe
Les réacteurs du palier N4 sont équipés d’un schéma
de grappes renforcé. Des marges importantes existent en conséquence
pour l’arrêt en cas d’accident de refroidissement. L’ajout de
grappes supplémentaires permettrait de répondre à la question. Le
palier N4 se présente en conséquence de façon voisine de celle du
palier P4-P’4.
- le Mox et l’EPR : une question stratégique
Le réacteur du futur EPR peut-il servir à recycler
en masse le plutonium issu du retraitement ? Telle est la
question fondamentale pour les 50 prochaines années du nucléaire sur
laquelle il convient de se pencher en détail.
Il importe en particulier de savoir si de nouvelles
tranches – en l’occurrence des EPR –, venant en supplément du parc
actuel, pourraient contribuer à la consommation du plutonium issu du
retraitement.
Si l’on considère l’avenir à plus long terme, il
s’agit aussi de déterminer si les tranches venant en renouvellement
des premiers réacteurs du palier CP0 pourraient modifier l’équilibre
du cycle du combustible.
La définition du réacteur européen à eau
pressurisée du futur a commencé en 1992. NPI, filiale commune de
Framatome et de Siemens créée en 1989 en assume la maîtrise. Les
principales dates de la progression de ce projet sont les suivantes.
A la fin 1993, un document relatif aux concepts de sûreté retenus
est adressé aux autorités de sûreté françaises et allemandes. En
1994, le groupe permanent réacteur étudie le document correspondant.
Une lettre cosignée par les autorités de sûreté française et
allemande manifeste l’approbation pour les orientations initiales.
La conception de base " Basic Design " commence
alors. Les études sont terminées en juin 1997. Le rapport résultant
intitulé " Basic Design Report " est déposé en
octobre 1997 auprès des autorités de sûreté en octobre 1997. L’année
1998 est employée à l’optimisation des conditions d’exploitation du
futur réacteur, notamment sur le plan des coûts.
Ce réacteur évolutionnaire devrait avoir une
puissance de 1 525 MWe, encore qu’on étudie à l’heure actuelle dans
quelles conditions celle-ci pourrait être portée à 1 700 – 1750 MWe.
La durée de vie de l’îlot nucléaire devrait être portée à 60 ans
contre 40 ans initialement prévus pour les réacteurs actuels. Le
premier objectif est celui de l’augmentation de la sûreté par
rapport à celle déjà remarquable des réacteurs actuels les plus
avancés. Parmi les dispositifs devant y conduire, figurent le
renforcement de l’enceinte, l’introduction d’un système de
refroidissement dédié par aspersion, des systèmes de
dépressurisation, des recombineurs catalytiques d’hydrogène et un
dispositif étanche de récupération du corium. Un deuxième objectif
est celui d’accroître la simplicité d’exploitation. Elle sera
obtenue grâce à une amélioration de la fiabilité des composants, un
fonctionnement et une maintenance facilités, une réduction des
marges d’erreur humaine et une radioprotection meilleure.
Au plan de son architecture technique, l’EPR serait
relativement proche du réacteur N4. A ce titre, le circuit primaire
principal comprendrait 4 boucles comprenant chacune un générateur de
vapeur et un système de pompes associées. Les réserves d’eau
seraient accrues pour des motifs de sûreté. Le cœur comprendrait 245
assemblages combustibles contre 205 pour le réacteur N4.
La question du recyclage du plutonium, fondamentale
pour l’étude de l’aval du cycle, est à l’heure actuelle en cours
d’approfondissement. La version de base de l’EPR permet le
monorecyclage du plutonium au taux de 50 % dans des gestions de 18
mois. La teneur moyenne en plutonium est de 11 %. Le vecteur
isotopique correspond à un combustible uranium déchargé à 60 000
MWj/t. Fort opportunément et d’une certaine manière en contrepartie,
les systèmes de l’EPR sont conçus pour utiliser du bore enrichi en
bore 10.
Cette option apporte une souplesse importante
vis-à-vis de l’utilisation du Mox. En conséquence, pour aller
au-delà de 50 % d’assemblages Mox, seules quelques modifications
mineures devraient être apportées aux systèmes de la chaudière.
Vos Rapporteurs ont pu obtenir des précisions
supplémentaires de Framatome, sur les études en cours relatives à un
recyclage accru du plutonium dans l’EPR, à propos duquel les études
CAPRA menées sur Superphénix auraient été fort utiles. Le tableau
suivant récapitule les différentes possibilités qui devraient être
offertes par ce réacteur du futur.
Tableau 19 : l’EPR et le recyclage du plutonium
– performances attendues
EPR |
% d’assemblages
de Mox |
teneur moyenne en plutonium |
durée
des cycles |
taux d’épuisement
de décharge |
nombre de crayons par
assemblage |
rapport
de modération |
version de base |
50 % |
11 % |
18 mois |
60 000 MWj/t |
" 17x17 " |
2 |
version
à l’étude |
100 % |
11 % |
18 mois |
60 000 MWj/t |
" 17x17 "-36 |
2,2 |
Les études en cours montrent qu’un arbitrage sera
vraisemblablement nécessaire entre l’augmentation de puissance,
telle qu’elle est projetée, et le passage à 100 % de Mox dans le
réacteur.
Pour passer à 100 % d’assemblages Mox, il faudra en
effet utiliser des assemblages à rapport de modération légèrement
accru. Ceci sera obtenu par suppression de 36 crayons combustible de
l’assemblage standard de l’assemblage standard 17x17. Ainsi que
l’écrit Framatome : " l’utilisation de ces assemblages
efface en partie la perte d’efficacité que subissent le bore et les
grappes de contrôle dans un coeur Mox par rapport à un coeur UO2. La
possibilité d’enrichir le bore en bore 10 vient encore augmenter
l’efficacité de ce moyen de contrôle. Le résultat est que vis-à-vis
du contrôle de la réactivité, le cœur 100 % Mox n’est pas plus
pénalisant qu’un cœur 50 % Mox. Par ailleurs, l’introduction de 36
trous d’eau par suppression des crayons combustible correspondant a
pour conséquence une augmentation de la puissance linéique, ce qui
se traduit par une perte de marges sur le cœur. Cela est acceptable
pour le niveau de puissance actuel de l’EPR, mais ne permettrait
vraisemblablement pas une augmentation de 15 % de puissance envisagé
aujourd’hui. La pénalité pourrait être de l’ordre de 5 %,
pour des cœurs 100 % Mox. "
Un autre arbitrage devrait par ailleurs être
effectué entre le passage à 100 % Mox et la durée de vie de la cuve,
qui devrait en tout état de cause être diminué par la présence
accrue d’assemblages Mox.
Il reste que l’EPR moxé permettrait, ainsi que le
montre le tableau ci-après, une consommation nette de plutonium,
avec toutefois comme conséquence un accroissement des quantités
produites d’actinides mineurs (américium, neptunium et curium), ce
qui accroît les difficultés du stockage à long terme.
Tableau 20 : estimation des consommations ou
des productions de plutonium et d’actinides dans l’EPR, suivant ses
versions
type d’EPR |
EPR – UO2 – 60 GWj/t |
EPR –50 % Mox – 60 GWj/t |
EPR – 100 % Mox – 60 GWj/t |
Plutonium total (kg/Twhe) |
+ 26,4 |
- 24,8 |
- 67,5 |
Américium (kg/Twhe) |
+ 0,8 |
+ 3,7 |
+ 4,8 |
Neptunium (kg/Twhe) |
+ 2,1 |
+ 1,1 |
+ 0,3 |
Curium (Kg/Twhe) |
+ 0,4 |
+ 2,5 |
+
4,0 |
En première approximation, on peut considérer
qu’une tranche EPR moxé à 100 % serait susceptible de consommer
environ 3 tonnes de plutonium par an.
- la faisabilité et l’opportunité du retraitement du Mox
Le combustible Mox irradié contient davantage de
plutonium et d’actinides mineurs que le combustible standard.
Toutefois, la démonstration a été faite que le procédé Purex
s’adapte sans grandes difficultés au Mox irradié.
En 1991-1992, le CEA, dans son atelier pilote de
Marcoule, retraitait avec succès 2,1 tonnes de Mox provenant de la
centrale allemande de Graffenheinfeld. La COGEMA, quant à elle,
retraitait en 1992 à La Hague-UP2 4,7 tonnes de Mox issu
d’Obrigheim-Neckar-Unterweser.
Deux et peut-être trois recyclages du plutonium
semblent en tout état de cause possibles, ainsi que l’expose le
document Mandil-Vesseron. La durée des opérations de stockage et de
traitement est toutefois à prendre en considération.
Compte tenu de la lenteur relative de la
décroissance radioactive et thermique du Mox irradié, un recyclage
du plutonium dans le Mox prendrait une douzaine d’années. Deux à
trois recyclages s’étendraient sur une durée de 24 à 36 ans. En tout
état de cause, les actuelles installations de retraitement
pourraient convenir, à condition toutefois que leur fonctionnement
et en particulier leur niveau de sûreté permettent d’en prolonger
l’usage.
L’un des problèmes restant à examiner a trait à
l’impact de la composition du Mox irradié sur les déchets, les
rejets et les effluents. Il est à l’étude.
Le deuxième problème à résoudre – probablement le
plus important – porte sur la modification de la composition du Mox
qu’il faudrait introduire au fur et au mesure des recyclages.
Le Mox actuel comprend 5,3 % de plutonium. Au fur
et à mesure de l’irradiation, les isotopes pairs du plutonium,
notamment le plutonium 242, voient leur concentration augmenter dans
le combustible. Or leur neutronique dans les REP est beaucoup moins
favorable à la réaction en chaîne que les isotopes impairs. Deux
réponses sont alors possibles. La première consiste à augmenter la
teneur en plutonium au-delà des 5,3 % actuels. Cette solution
présente une limite en termes de nombre de recyclages possibles.
L’autre réponse consiste à accroître non pas la teneur en plutonium
mais celle de l’uranium 235 fissile.
Le recours à un uranium davantage enrichi est
considéré par le CEA comme à la fois plus novateur et plus
prometteur. L’impact de cette solution sur les déchets radioactifs à
haute activité reste à mesurer.
Mais dans la mesure où l’ensemble du combustible à
l’oxyde d’uranium ne serait pas retraité, il paraît inutilement
compliqué de recycler le Mox.
- le combustible Mix : une solution coûteuse et peu
efficace vis-à-vis du plutonium
L’on a vu précédemment que l’augmentation de la
teneur en plutonium du Mox est limitée par la physique neutronique.
La deuxième solution consiste à préparer des cœurs à 100 %
d’assemblages Mox. Mais ceci ne peut se faire actuellement. Les
combustibles existants ne peuvent convenir. Les systèmes de commande
des réacteurs – les grappes de contrôle – sont quant à eux
insuffisants.
Une autre solution peut être en conséquence
imaginée, celle du combustible Mix. L’idée est de diluer du
plutonium dans tous les assemblages combustibles des
réacteurs à eau pressurisée. Cette solution est possible à condition
que l’on augmente la teneur en uranium 235. Les calculs montrent que
des taux de combustion de 55 000 MWj/t pourraient être atteints pour
des teneurs de 2% en plutonium et de 3,8 % en uranium 235.
Un premier inconvénient de cette solution est que
l’ensemble des réacteurs à eau pressurisée devraient être adaptés
pour utiliser ce combustible. La viabilité économique du combustible
Mix reste ainsi à démontrer. Framatome évalue le surcoût total de
passage à ce combustible à 3 milliards de francs par an.
Par ailleurs, les stocks de plutonium seraient bien
stabilisés avec le Mix. Mais ceci n’arriverait qu’au bout de 50 ans,
alors que dans l’intervalle une croissance du stock net de plutonium
se produirait.
On peut signaler également un autre inconvénient.
Selon toute vraisemblance, la technique du Mix conduirait certes à
stabiliser le plutonium mais parallèlement à augmenter
inévitablement la proportion d’actinides mineurs dans le combustible
irradié.
1.5. EDF bloquée à 16 tranches moxées mais
candidate pour 12 autorisations supplémentaires
La France ne fait pas cavalier seul pour le
recyclage du plutonium dans le Mox. Bien au contraire, elle n’est
venue qu’en deuxième ligne sur cette question, par rapport à
l’Allemagne. Pour autant, la détermination d’EDF est claire. Il
s’agit pour l’exploitant d’introduire du Mox dans tous les réacteurs
du palier CP1-CP2 pour lesquels cela peut se faire sans modification
majeure des réacteurs. Au total, l’objectif est donc bien de moxer
28 tranches dans les meilleurs délais. Pour les paliers P4-P’4, la
question n’est pas à l’ordre du jour. Quant au futur EPR, EDF
l’appelle de ses vœux, sous certaines conditions toutefois.
La politique d’EDF d’introduction du Mox s’inscrit
dans une démarche responsable vis-à-vis de l’ensemble du cycle du
combustible. Il est cependant clair que l’ouverture du marché de
l’électricité début 1999, après transposition de la directive
européenne, devrait renforcer l’impératif de compétitivité du prix
du kWh, ce qui risque de lui faire évoluer à la marge sa stratégie
nucléaire.
- une stratégie globale de l’aval du cycle
Ainsi que M. Pierre Daurès, son directeur général
l’a exposé à vos Rapporteurs, la stratégie d’aval du cycle d’EDF
repose sur deux choix fondamentaux.
Le premier choix est relatif au plutonium qu’EDF
considère actuellement comme une matière première énergétique.
L’objectif est donc de le recycler dans les réacteurs REP 900 MWe.
Pour ce faire, EDF recourt au retraitement proposé par Cogema. Mais,
en tout état de cause, c’est la capacité d’absorption recyclage du
plutonium dans les réacteurs du palier CP1-CP2 qui conditionne le
volume des combustibles retraités. EDF entend ainsi respecter le
" principe d’égalité des flux ", afin de ne pas
accumuler du plutonium sur " étagères ", ce qui
paraît être de bonne gestion.
Le deuxième choix fondamental a trait à la
composition des déchets finaux. En premier lieu, lors du
retraitement, une extraction maximale du plutonium est recherchée
afin de minimiser sa présence résiduelle dans les stockages finaux
et de tirer le meilleur des installations de séparation. En deuxième
lieu, EDF se fixe comme objectif de minimiser les volumes des
déchets ultimes.
- EDF soucieuse d’obtenir l’autorisation de moxer 28
tranches
Le flux annuel de combustibles usés et déchargés
des réacteurs EDF est d’environ 1 200 tonnes par an. Ce
flux baisse légèrement d’une année sur l’autre en raison de
l’augmentation régulière de la performance des combustibles qui
peuvent rester plus longtemps en réacteur. Mais l’ordre de grandeur
ne change pas.
Sur ces 1 200 tonnes par an, l’utilisation optimale
des capacités de retraitement de La Hague a conduit EDF à retenir
une part de combustibles retraités " rapidement "
d’environ 850 tonnes par an. Ceci correspond, avec la gestion
hybride UO2/Mox, à la fabrication de 21 à 22
" recharges " de combustibles Mox par an. Aucun
stock tampon n’existe sur les sites. EDF souhaite donc disposer
d’une certaine souplesse dans la gestion du parc et donc d’un nombre
de tranches autorisées un peu plus élevé que le strict nombre de
recharges. D’où le souhait d’EDF d’être autorisé à moxer les 28
tranches des paliers CP1-CP2. Le tableau suivant indique la
situation administrative et opérationnelle des 28 tranches de ce
palier.
Tableau 21 : état d’avancement du moxage du
palier EDF 900 MWe CP1-CP2
tranches |
autorisées |
chargées |
Tricastin 1 –
4 |
oui –décret
d’autorisation de création incluant le Mox |
Tri 2 et 3 en 1996
Tri 1 et 4 en 1997 |
Dampierre 1 –
4 |
oui –décret
d’autorisation de création incluant le Mox |
Dam 1 en 1990
Dam 2 en 1993
Dam 3 en 1998 |
Gravelines 1 –
4 |
oui –décret
d’autorisation de création incluant le Mox |
Gra B3 et B4 en 1989
Gra B1 en 1997
Gra B2 en 1998 |
Le Blayais 1 &
2 |
oui –décret
d’autorisation de création incluant le Mox |
Bla 2 en 1994
Bla 1 en 1997 |
Saint Laurent des Eaux
B1 & B2 |
oui –décret
d’autorisation de création incluant le Mox |
StL B1 en 1987
StL B2 en 1988 |
total tranches
autorisées |
16 |
16 à l’été 1998 |
Chinon 1 – 4 |
• décret d’autorisation n’incluant pas le Mox
• enquête publique réalisée en 1997
• avis CIINB en 1998
• décret en attente depuis début
1998 |
- |
Le Blayais 3 &
4 |
• décret d’autorisation de création n’incluant pas le Mox
• autor. d’enquête publique en
attente |
- |
Cruas 1 –4 |
• décret d’autorisation de création n’incluant pas le Mox
• autor. d’enquête publique en
attente |
- |
Gravelines 5 &
6 |
• décret d’autorisation de création n’incluant pas le Mox
• autor. d’enquête publique en
attente |
- |
total tranches en
attente |
12 |
|
TOTAL général tranches
Moxables |
28 |
16 |
Début janvier 1998, le décret d’autorisation de
chargement de Mox dans les 4 tranches de Chinon 1-4 est déposé à la
signature des ministres de l’industrie et de l’environnement, après
que l’enquête publique a été réalisée en 1997 et que la CIINB a
donné son avis favorable en décembre 1997.
Quant aux tranches de Gravelines 4 et 5, Le Blayais
3 et 4 et Cruas 1 à 4, les demandes d’autorisation de lancement de
l’enquête publique ne sont pas accordées pour l’instant, bien que de
l’avis d’EDF, aucun problème technique ne se pose.
- en cas de limitation à 16 tranches, l’abandon du principe
d’égalité des flux ou la diminution des quantités retraitées et
donc des suppressions d’emploi
Selon EDF, le nombre maximal de recharges Mox que
l’on peut charger chaque année avec 16 tranches est de 14. Pour
fabriquer ces 14 recharges, il faut retraiter 550 tonnes par an,
s’il s’agit de combustible à faible taux de combustion ou 650 tonnes
par an s’il s’agit de combustible avec un fort taux de
combustion.
En conséquence, EDF se verrait contrainte d’adopter
l’une des solutions suivantes : l’abandon du principe d’égalité
des flux ou la réduction du flux annuel de retraitement.
L’abandon du principe d’égalité des flux ne paraît
pas souhaitable à EDF. L’accumulation de plutonium inutilisé n’est
pas prévue dans l’organisation actuelle de l’aval du cycle. La
quantité du stock de plutonium appartenant à EDF correspond à un
stock outil, nécessaire dans la perspective de la fabrication du
Mox. Ce stock outil est limité à son minimum et se stabilise à une
vingtaine de tonnes.
En cas de non-autorisation de moxage de 28
tranches, pour des raisons qui échappent à la sagacité des auteurs
du rapport et de continuation du retraitement au rythme actuel,
comme l’impose le contrat passé avec Cogema, le stock augmenterait
annuellement de 2,7 tonnes, ce qui serait à tous égards
regrettable.
L’entreposage pour un éventuel réemploi ultérieur
de cet excédent de plutonium ne serait pas en tout état de cause une
solution satisfaisante. En effet, le plutonium subit une dégradation
spontanée et progressive, avec la formation d’américium 241 à partir
de plutonium 241. Au-delà de 3 à 4 ans, il est nécessaire de le
traiter à nouveau pour extraire l’américium. Une opération de ce
type se fait à des coûts voisins de ceux du retraitement. Enfin,
l’entreposage d’une quantité accrue de plutonium poserait par
ailleurs d’évidents problèmes de sécurité et de sûreté coûteux à
résoudre.
La deuxième solution pour faire face à une
limitation à 16 tranches consiste à diminuer la quantité de
combustible usé retraitée à La Hague. Le contrat actuellement en
vigueur entre EDF et Cogema vient à expiration en 2 000. Dès
lors, deux situations se profileraient à l’avenir.
La première serait que les conditions financières
du nouveau contrat de retraitement soient inchangées, en dépit d’une
diminution de 200 tonnes environ des quantités retraitées. Dans ce
cas de figure, Cogema répartirait ses frais fixes sur une quantité
moindre, pour s’assurer un revenu identique. Le coût du Mox pour EDF
risquerait de devenir alors prohibitif et d’entraîner une perte de
compétitivité, compromettant ainsi son intérêt.
La deuxième éventualité serait que Cogema
maintienne ses tarifs unitaires aux niveaux actuels afin que son
offre reste concurrentielle par rapport à son concurrent britannique
BNFL. Dans ce cas, Cogema serait obligée de réduire son outil
industriel de La Hague. Dans la mesure où une baisse des contrats de
retraitement étrangers est anticipée, il est probable qu’une seule
des deux usines serait alors nécessaire pour satisfaire tant la
demande nationale que la demande extérieure. EDF chiffre à 1 500 le
nombre de suppressions d’emploi direct chez Cogema et à 1 500
emplois supplémentaires les suppressions chez les
sous-traitants.
EDF n’est favorable à aucune de ces solutions.
C’est pourquoi la montée à 28 tranches moxées autorisées lui paraît
une décision indispensable et urgente.
- une attitude prudente pour le reste du parc
L’introduction du Mox n’est pas, en revanche, à
l’ordre du jour pour les réacteurs des paliers CP0 (900 MWe de
première génération), P4-P’4 (1 300 MWe) et N4 (1 450
MWe). EDF ne la souhaite pas pour le moment. Pour accroître la
rentabilité des réacteurs précités, Electricité de France privilégie
en effet l’allongement des campagnes à 18 mois. C’est l’amélioration
des performances des combustibles qui permet la présence accrue des
combustibles dans le cœur, avec comme conséquence heureuse une
meilleure rentabilité du combustible et une diminution des frais de
déchargement-rechargement.
Cette politique d’allongement de la durée des
cycles d’exploitation est déjà largement mise en œuvre pour les
tranches 1 300 MWe. Elle doit faire l’objet d’un accord de
l’autorité de sûreté à la mi-98 pour les tranches CP0. Une réflexion
est en cours à ce sujet pour les 4 tranches N4.
EDF souligne les avantages d’un parc
" bicolore ", dans lequel une partie du parc est
" moxée " avec des campagnes annuelles, et l’autre
partie est chargée uniquement en combustibles UO2, avec des
campagnes à 18 mois.
Pour EDF, cette configuration constitue,
" dans les conditions actuelles ", une sorte d’optimum
entre la nécessité de garantir l’équilibre du réseau par une
répartition judicieuse des arrêts de tranche sur l’année, le souci
de baisser les coûts de maintenance, la performance des combustibles
et la stratégie de l’aval du cycle.
Pour avoir une vision à long terme de l’aval du
cycle, il est évidemment nécessaire d’inclure dans les réflexions
l’EPR.
L’EPR qu’EDF semble appeler de ses vœux serait moxé
à 15 %. Comme on l’a vu précédemment, Framatome estime qu’il est
possible de monter beaucoup plus haut en pourcentage d’assemblages
de Mox. Mais cette solution ne semble pas retenir l’attention d’EDF
qui insiste sur le fait que l’exploitation ne doit pas être
sensiblement modifiée par l’introduction du Mox.
Les projections effectuées par EDF sur le long
terme indiquent qu’un parc de deuxième génération entièrement
constitué de réacteurs EPR moxés à 15 % serait en mesure de ramener
à zéro vers 2075 le stock de plutonium provenant du combustible à
l’oxyde d’uranium.
- l’urgence de prendre une décision sur l’EPR
EDF a manifesté un soutien constant au projet de
réacteur européen à eau pressurisée (EPR). A la mi-98, ce projet
paraît tout aussi important pour l’avenir de la production nucléaire
d’électricité en France.
La position d’EDF est la suivante : d’accord
sur le principe pour commander une tête de série, mais à la
condition qu’il y ait effectivement une série ultérieure.
Depuis le début de son recours au nucléaire, EDF
met en œuvre avec constance une politique de paliers. Les effets en
sont bien connus : économies d’échelle, retour d’expérience
maximal et, au final, rentabilité optimale. Il ne saurait en être
différemment pour l’EPR.
Les premières tranches du palier CP0 arrivent en
fin de vie. Avec une durée de vie d’une quarantaine d’années, cette
échéance se profile vers 2015. Il est donc indispensable d’avoir
accumulé une expérience significative sur la tête de série.
En conséquence, la décision pour la commande du
premier EPR – en tant que tête de série - ne saurait tarder. Pour
avoir un calendrier optimal, il s’agit de passer commande de la cuve
en 1999-2000, et de couler le premier béton en 2003. Plusieurs
centrales existantes pourraient accueillir le nouveau réacteur dans
le cadre normal d’une tranche de centrale supplémentaire. Les
préférences actuelles vont vers Penly et dans une moindre mesure
vers Flamanville.
Bien évidemment, à la volonté clairement affichée
d’EDF, doit correspondre un engagement tout aussi clair des
industriels, en l’occurrence Framatome et Siemens.
- adaptations stratégiques et transposition de la directive
européenne sur l’ouverture du marché de l’électricité
Alors que l’ouverture du marché de l’électricité
entrera en vigueur dès le début 1999, il paraît dommageable à EDF de
prendre du retard dans la mise en œuvre d’une stratégie
économiquement viable, celle du recours au Mox comme moyen
d’épuisement des quantités de plutonium.
Le renchérissement de l’option Mox par limitation
du nombre de tranches moxées nuirait à sa position concurrentielle.
La remise en cause de l’outil industriel de La Hague parait
totalement inopportune pour les mêmes motifs. Il convient que
l’organisation prévue de longue date se mette en place et produise
des résultats en régime stationnaire. Toute décision contraire
conduirait à prendre parti prématurément sur des questions qui
doivent rester ouvertes jusqu’au terme de 2006 prévu par la loi du
30 décembre 1991.
1.6. Le plaidoyer de Cogema en faveur de l’équilibre économique
du cycle du combustible
Cogema, acteur majeur du cycle du combustible
nucléaire dans le monde, plaide pour la généralisation du Mox, en
faisant valoir que seul ce combustible permet de stabiliser
l’inventaire de plutonium. Cette considération s’assortit du fait
que les performances du combustible Mox s’améliorent constamment. Le
respect de la contrainte du plutonium ne pénalise donc pas
l’exploitation. Cogema souligne le fait que le dimensionnement de
toute la boucle du retraitement et de la fabrication du Mox repose
sur le passage à 28 du nombre de tranches autorisées à charger du
Mox.
- la solution au problème du plutonium : le retraitement et
le Mox à 100 %, selon Cogema
Une recharge de Mox à 30 % avec une teneur de 5,3 %
en plutonium comprend environ 350 kg de plutonium. Après
irradiation, on retrouve la même quantité globale de plutonium. Le
bilan est donc nul. Si l’on considère le plutonium présent dans le
combustible usé, aucune quantité supplémentaire de plutonium n’est
donc créée. Au contraire, dans le cas d’un réacteur chargé en
combustible standard à l’oxyde d’uranium, l’inventaire en plutonium
s’accroît de 200 kg. Le tableau suivant résume ces résultats
incontestables.
Tableau 22 : la non-création de plutonium par
un réacteur moxé
pour un réacteur |
réacteur fonctionnant à l’oxyde
d’uranium |
réacteur fonctionnant avec 30 % de
Mox |
Plutonium dans le combustible
neuf |
0 kg |
350 kg |
Plutonium présent dans le combustible
irradié |
200 kg |
350 kg |
bilan final |
+ 200 kg |
0
kg |
Si l’on étend ce raisonnement à un parc théorique
de 50 réacteurs de 1000 MWe, l’on constate également que seuls
un parc de 100 % de réacteurs moxés 30 % permet de ne pas augmenter
l’inventaire de plutonium.
Tableau 23 : bilan plutonium pour un parc
théorique de 50 réacteurs de 1000 MWe
part des réacteurs à oxyde
d’uranium |
part des réacteurs moxés à 30 % |
quantités nettes de plutonium
produites |
100 % |
0 |
10 t/an |
60 % |
40 % |
6 t/an |
0 |
100 % |
0 |
Cogema ajoute que la généralisation du Mox peut
être envisagée à terme, en raison de l’augmentation des performances
de ce type de combustible (voir tableau ci-après).
Tableau 24 : les performances du Mox bientôt
équivalentes à celles du combustible standard
type de combustible |
UO2
(1985) |
UO2
(1995) |
Mox
série |
Mox
prototype |
taux de combustion MWj/t |
35 000 |
47 000 |
37 000 |
46 500 |
suivi de charge |
oui |
oui |
oui |
oui |
tendance du taux de combustion |
en hausse |
en hausse |
en hausse |
en
hausse |
Ce raisonnement ne recouvre toutefois pas les
souhaits d’EDF, qui, pour le moment, n’envisage en aucune façon un
parc tout Mox.
- l’équilibre global de l’aval du cycle selon Cogema
Le dimensionnement de la chaîne de retraitement et
de recyclage du combustible irradié repose, selon Cogema, sur un
nombre de tranches " moxées " égal à 28. EDF est tout à
fait d’accord, ainsi que cela a été vu plus haut. Un examen attentif
des délais qui s’accumulent dans ce cycle montre toutefois un effet
" retard " très important entre le déchargement du
combustible et le recyclage en réacteur du plutonium formé.
Le dimensionnement de l’usine UP2-800 correspond à
une capacité de retraitement de 850 à 1100 t/an. Le tonnage de
plutonium récupéré est alors de l’ordre de 8,5 à 11 tonnes par an.
Ceci permet à l’usine Melox de fabriquer 110 à 135 tonnes de
combustible Mox par an. Ce qui correspond aux besoins de 28 tranches
autorisées à fonctionner avec du Mox. Le schéma suivant synthétise,
selon Cogema, l’architecture du cycle, telle qu’elle a été pensée et
réalisée dans sa cohérence initiale.
Figure 8 : schéma de synthèse sur l’aval du
cycle vu par Cogema
L’examen des durées de chacune des étapes de ce
cycle est utile pour chiffrer l’effet retard inhérent au cycle du
combustible. Entre le moment où le combustible est déchargé d’une
centrale et celui où le Mox résultant est fabriqué, il s’écoule en
effet 15 ans. Ceci explique qu’il ait été nécessaire d’anticiper les
autorisations de chargement de Mox. Ceci implique qu’il soit
difficile – car mettant en œuvre des constantes de temps très
longues – de modifier le système actuel, alors que la montée en
régime s’effectue. Selon la Cogema, l’industrie française se trouve
" au milieu du gué ".
Une orientation a été prise. Sa cohérence et sa
rentabilité imposent que l’on atteigne l’état stationnaire. Toute
modification d’une partie de l’aval du cycle ruinerait l’ensemble du
système.
- Cogema en attente des autorisations de dimensionnement optimal
des ses installations de fabrication de Mox
Pour Cogema, le Mox est incontestablement un
créneau d’avenir. Ses clients ne sont pas seulement français. Bien
au contraire, Cogema fournit des producteurs d’électricité
allemands, belges, suisses et japonais. Les perspectives
commerciales du Mox sont brillantes. Le tableau suivant indique
quelles sont les anticipations de Cogema sur ce marché.
Tableau 25 : perspectives de production de Mox
par le groupe Cogema
pays |
société |
localisation |
production de Mox en 1997 |
production de Mox prévue en 2000 |
consommation de plutonium en
2000 |
France |
Melox |
Marcoule |
102 t/an |
250 t/an |
10 à 12 t/an |
France |
Cogema |
Cadarache |
28 t/an |
40 t/an |
2 à 3 t/an |
Belgique |
Belgonucléaire |
Dessel |
37 t/an |
40 |
2 à 3
t/an |
Cogema, qui prévoit une augmentation de ses marchés
en France et à l’étranger pour le Mox, est en attente de deux
décrets relatifs à l’usine Melox. Le premier décret concerne la
possibilité d’utiliser les lignes de production actuelles pour la
fabrication de combustibles Mox commandés par des clients étrangers.
Le deuxième décret porte sur l’autorisation de capacité globale de
l’usine.
1.7. la nécessité de prendre parti pour le Mox mais aussi
d’augmenter les marges disponibles pour l’entreposage du
combustible irradié non retraité
L’extension des autorisations de chargement en Mox
à 28 réacteurs semble indispensable à vos Rapporteurs. Les avantages
en sont d’une part le freinage des quantités de plutonium séparé sur
étagères et d’autre part le recyclage à un coût compétitif d’une
matière énergétique précieuse. Mais, à l’inverse, la question de
l’entreposage des combustibles irradiés non retraités, que votre
Rapporteur avait en mars 1996 mise en pleine lumière.
- la France dans la ligne internationale pour le recours au
Mox
C’est au début des années 1970 que les premiers
programmes de recyclage de Mox dans des réacteurs nucléaires à objet
commercial ont débuté. Siemens a en effet introduit des assemblages
combustibles comprenant du plutonium dans le réacteur KWO de la
centrale d’Obrigheim et dans la centrale suisse de Beznau-2 sur la
période 1972-1993. La France, quant à elle, a commencé en 1987, avec
un premier chargement de 16 assemblages Mox dans la tranche B1 de
Saint Laurent des Eaux.
Aujourd’hui, le Mox est mis en œuvre non seulement
par la France et l’Allemagne mais aussi par la Belgique et la
Suisse. Le tableau suivant présente la situation dans chacun des
pays.
Tableau 26 : les réacteurs nucléaires utilisant
le Mox dans le monde à fin 1997
pays |
nombre de réacteurs nucléaires |
capacité installée (MWe) |
nombre de tranches autorisées à charger du
Mox |
nombre de tranches chargées en
Mox |
France |
56 |
58 500 |
16 |
16 (été 1998) |
Belgique |
7 |
5712 |
2 |
2 |
Suisse |
5 |
3 079 |
4 |
3 |
Japon |
54 |
43 850 |
1 |
1 (en 2 000) |
Allemagne |
20 |
22 282 |
11 |
8 |
S’agissant des Etats-Unis, il faut noter une
évolution sensible des responsables et du Congrès et en particulier
de Pete Domenici, sénateur du Nouveau Mexique, Président de la
Commission du Budget, Président de la Sous-Commission des
appropriations pour l'énergie et l'eau ; Président de la Commission
de la politique énergétique et de la R&D. Les Etats-Unis ont
renoncé au retraitement et à la fabrication de Mox : c'est une
erreur selon Pete Domenici. Pour celui-ci, le cycle ouvert comporte
au moins deux inconvénients : c'est un gaspillage du contenu
énergétique de l’uranium et du plutonium. Cette option entraîne en
outre l'obligation de stocker le combustible irradié en site profond
alors que le site de Yucca Mountain n’est pas prêt à entrer en
service. En outre l’interdiction du Mox prive d’une solution qui
pourrait être précieuse pour épuiser les stocks de plutonium
militaire.
• le Mox promu aux Etats-Unis par les négociations stratégiques
avec la Russie
Le démantèlement d’ogives nucléaires américaines et
russes résulte du traité de limitation des armes stratégiques. Les
deux parties cherchent un strict parallélisme dans la
démilitarisation du plutonium de récupération.
La position de la Russie est que le plutonium
constitue une matière première énergétique de grande valeur. Son
recyclage sous forme de Mox s’impose donc. Pour autant, la
construction d’usines de Mox et la modification des réacteurs
existants nécessitent des investissements financiers importants.
En réalité, la Russie est en situation d’imposer,
par souci de symétrie, la Moxification comme méthode de
démilitarisation du plutonium. Elle pourrait imposer aux Etats-Unis
d’utiliser le Mox. Elle pourrait aussi obliger les Etats-Unis à
financer ses propres dépenses relatives à l’utilisation du Mox.
Ironie de l’histoire, les Etats-Unis ont renoncé
depuis la présidence Carter au retraitement et, subséquemment, à
l’usage civil du plutonium sous forme de Mox. Est-ce à dire que le
Mox pourrait être désormais imposé par les obligations prioritaires
du désarmement ?
Le DOE, quant à lui, tente de populariser la
démilitarisation du plutonium par immobilisation définitive dans des
matrices indestructibles du type céramiques. Le Mox lui paraît
difficile à imposer aux compagnies d’électricité. La symétrie
Etats-Unis – Russie lui semble nécessaire dans le résultat – la
démilitarisation définitive – plutôt que dans ses modalités.
En vérité, l’utilisation du Mox aux Etats-Unis
dépendra de la volonté de la Russie d’imposer ce combustible pour
dénaturer le plutonium militaire.
- le Mox irradié : une bonne matrice d’immobilisation du
plutonium
Or le combustible Mox, non seulement permet de
recycler le plutonium, mais au final délivre après irradiation un
plutonium disséminé dans la matrice du combustible et moins propre à
l’utilisation militaire, en raison de la présence d’une part
importante d’isotopes pairs, ainsi que le montre le graphique
suivant.
Figure 9 : teneurs comparées en plutonium
fissile du combustible standard et du Mox irradiés, selon Cogema
Toutes ces raisons militent donc en faveur d’une
montée en régime du combustible Mox dans les 28 tranches prévues à
cet effet. Selon vos Rapporteurs, il importe de porter à son
équilibre économique le système initialement prévu. Ses avantages
sont supérieurs en termes écologiques à toute solution prématurée
d’arrêt. Sa viabilité économique est par ailleurs démontrée. Il
paraîtrait dangereux de bouleverser la gestion actuelle alors que
des solutions opérationnelles de remplacement ne seront prêtes qu’à
l’échéance de 2006.
- la nécessité d’augmenter les marges d’entreposage du
combustible irradié
Un éventuel blocage des autorisations de chargement
du Mox à 16 tranches n’aurait pas pour seule conséquence une remise
en cause de l’équilibre économique de l’aval du cycle. Il
entraînerait aussi, selon EDF, une saturation rapide des capacités
d’entreposage des combustibles irradiés. Ceci illustre le fait que
le système actuel d’entreposage du combustible irradié, en attente
de retraitement ou non, atteint ses limites.
Il est clair que le blocage actuel des
autorisations aurait des conséquences graves sur toute la filière
avec la saturation des piscines et un accroissement inévitable des
stocks de plutonium. C’est peut-être une autre stratégie de blocage
de la filière nucléaire dont on voit se dessiner les contours.
Les capacités totales d’entreposage du combustible
irradié en piscine s’élèvent à 4 000 tonnes sur les sites
des centrales nucléaires d’EDF. Les capacités actuellement libres
sont de 1 100 tonnes. En cas d’arrêt immédiat des évacuations de
combustibles irradiés vers La Hague, par exemple à la suite d’un
blocage des transports, ces capacités d’entreposage sur site
seraient saturées en un an.
Les piscines de La Hague présentent quant à elles
une capacité de 18 000 tonnes. Ces piscines ne peuvent
accueillir que des combustibles en attente de retraitement, qu’ils
proviennent d’EDF ou de clients étrangers. Les piscines de La Hague
ne sont agréées qu’à ce titre. Il ne s’agit pas in fine d’un centre
d’entreposage. La capacité réservée à EDF est de
14 000 tonnes.
Le chargement en Mox de 28 tranches correspond au
retraitement effectif de 850 tonnes par an. EDF indique que les 350
tonnes non retraitées sont en réalité considérées comme en attente
d’un retraitement différé. Elles sont donc entreposées à La Hague.
Avec les flux correspondant aux 28 tranches, la saturation des
emplacements réservés à EDF n’interviendrait qu’en 2018. Des
solutions de stockage à sec seront alors vraisemblablement
disponibles. Le système actuel est donc bien calibré.
Au contraire, avec le passage à un retraitement de
550 tonnes par an, correspondant à 16 tranches ""moxées ", la
saturation des espaces piscine réservés à La Hague pour EDF
interviendrait en 2008. Dans le cas extrême d’un arrêt du
retraitement à l’expiration du contrat actuel d’EDF avec Cogema,
c’est en 2004 que les piscines seraient
" bouchées ".
Alors que les études de l’entreposage à moyen terme
des combustibles commencent seulement, vos Rapporteurs estiment
qu’il n’est pas opportun de modifier l’équilibre d’un cycle qui
semble, au demeurant, fondé sur le plan économique.
2. Les limites probables de la séparation et de la
transmutation et le dilemme transmutation-stockage
La transmutation se présente comme la solution
idéale en matière de gestion des déchets. Il s’agit, par des
réactions nucléaires appropriées déclenchées par des bombardements
de neutrons, de transformer des éléments fortement radioactifs en
des éléments peu radioactifs et si possible stables ou au moins à
courte période, donc à faible durée de vie.
La loi du 30 décembre 1991 a introduit cet axe de
recherche en un temps où la solution qui semblait la plus adéquate à
l’ensemble des acteurs de la filière était celle du stockage
définitif en couches géologiques. Un peu plus de 7 années plus tard,
il semble bien que la transmutation soit devenue à son tour une
sorte de solution magique pour régler la question des déchets
nucléaires.
Pour certains experts, il est en effet très
probable que la science trouve une solution à cette question. La
base de cette conviction est la rapidité de développement des
sciences et techniques nucléaires. En un demi-siècle, l’on est en
effet passé de la connaissance de la matière, avec en particulier la
découverte de la structure du noyau atomique, à une application
industrielle - l’électricité d’origine
nucléaire - qui peut fournir jusqu’à 400
TWh par an dans le cas de la France. Il serait en conséquence
pessimiste de penser que l’on ne puisse pas, au cours du prochain
demi-siècle, trouver la méthode idoine et économique pour casser les
noyaux lourds des actinides mineurs en autant de noyaux de plus
petite taille, radioactifs à courte période pour donner in fine des
produits cette fois stables et inoffensifs et pour transformer les
noyaux légers des produits de fission. Le corollaire de cette
position est que dans l’intervalle qui nous sépare de cet idéal,
toute décision doit être réversible ou ne pas être.
En réalité, la loi du 30 décembre 1991 a fixé un
rendez-vous – 2006 – pour faire le point sur les résultats de
recherches, qui dans l’intervalle, doivent concerner aussi bien la
séparation et la transmutation que le stockage réversible ou
irréversible dans les formations géologiques profondes et que les
procédés de conditionnement et d’entreposage de longue durée en
surface.
A bien considérer l’avancement de la recherche sur
ces questions, force est de constater qu’en l’état actuel des
choses, les deux voies de la séparation-transmutation et du stockage
paraissent plus complémentaires qu’opposées. Les résultats acquis à
ce jour indiquent que la transmutation est probable pour certains
éléments et semble difficile pour d’autres. Sans doute s’agit-il
d’un état transitoire dans une démarche scientifique et
technologique où les progrès ne sont pas souvent linéaires. Mais il
apparaît probable qu’il faudra le moment venu sortir du dilemme
transmutation-stockage en utilisant des critères sur la définition
desquels la réflexion devrait commencer. Parmi ces critères,
figurent bien évidemment les coûts absolus et relatifs des
différentes méthodes disponibles.
Dans le présent chapitre, vos Rapporteurs traitent
du dilemme transmutation-stockage tel qu’on peut en deviner les
contours aujourd’hui. Dans un premier temps, leurs réflexions
portent sur l’étape préalable - et
indispensable - à la transmutation qu’est
la séparation des différents radioéléments présents dans les
combustibles irradiés. Cette séparation pose des problèmes
techniques difficiles et devra probablement s’effectuer dans des
installations complexes dont le coût ne sera pas négligeable.
Quant à la transmutation, si elle apparaît
théoriquement fondée, il reste à en explorer la faisabilité
spécifique sans doute pour chaque élément en utilisant Phénix, la
seule installation existante après la fermeture de Superphénix, mais
aussi en imaginant des installations plus durables et plus
appropriées aux études. Parallèlement, il faut initier la réflexion
sur des incinérateurs dédiés à la transmutation des déchets.
Quant au stockage en couche géologique profonde, il
pourrait représenter une solution de rattrapage en cas d’échec de la
recherche et en cas d’urgence.
Jusqu’où aller dans la transmutation ? A
quelles conditions faudrait-il admettre le recours à la solution de
rattrapage qu’est le stockage ? La réflexion proposée ci-après
a pour but d’éclairer cette problématique, en commençant à proposer
des critères qui pourraient servir à mettre le curseur sur l’une ou
l’autre des extrémités de l’échelle - ou à
mi-distance - .
2.1. les difficultés de la séparation
Les recherches sur la séparation sont conduites
principalement par le CEA à Marcoule où elles mobilisent environ 230
chercheurs, et concernent la faisabilité scientifique et technique
de la séparation.
D’une manière générale, les recherches sur la
séparation ont été, au départ, focalisées sur les actinides mineurs.
Elles portent désormais aussi sur la séparation des produits de
fission à vie longue en raison de leur mobilité potentielle dans le
sol. L’approfondissement des recherches se poursuit par la prise en
compte de produits de fission et d’activation présents à des
concentrations de moins en moins élevées.
C’est la spécificité de la recherche sur les
actinides mineurs et les produits de fission que de devoir
fragmenter toujours avant les morceaux d’un puzzle que l’on croyait
plus grossier au départ.
Pourquoi ce grossissement progressif du microscope
et pourquoi cette volonté d’aller toujours plus loin dans la
séparation des éléments ? Pour une raison essentielle :
pour étudier, à l’étape ultérieure, la transmutation, il faut
pouvoir disposer d’éléments individualisés, sous peine de ne pouvoir
distinguer les différences de comportement.
- la séparation du neptunium et du technétium, un problème
réglé
Le procédé PUREX permet la séparation à 99,8 % de
l’uranium et du plutonium. L’utilisation du tributylphosphate lors
du même procédé permet aussi de séparer le neptunium sans
modification importante des installations techniques actuelles.
Ce résultat est très appréciable. Le neptunium 237
est en effet présent à hauteur de 430 g par tonne de
combustible UO2 irradié et sous cette seule forme
isotopique. Par ailleurs, sa période est de 2 100 000 années. Il
s’agit d’un émetteur a .
Le neptunium est présent sous le seul isotope 237,
quel que soit le taux d’irradiation du combustible et ceci aussi
bien pour le combustible à l’oxyde d’uranium que pour le Mox . La
figure ci-après indique l’origine et l’évolution du neptunium
présent dans le combustible irradié.
Figure 10 : formation et décroissance
radioactive du neptunium
ß a
Pu 241 Am 241 Np 237
13 ans 458 ans
a 2,1.106 ans
a ß
Th 229 U 233 Pa 233
1,6.106 ans 27 jours
Le technétium 99 est également extrait par le même
procédé. Toutefois, le résultat n’est que partiel. Cet élément est
en effet présent, non seulement en solution, mais aussi sous forme
de résidus solides représentant quelques dizaines de pour cents, que
l’on ne sait pas traiter pour l’instant.
Mais la séparation du neptunium 237 ne suffit pas.
En effet, il est lui-même formé par la décroissance a de l’américium 241, ce dernier résultant aussi
de la décroissance b du plutonium 241. Il
importe donc d’extraire aussi ces éléments, faute de quoi celle du
neptunium serait inutile.
- l’américium et le curium : deux actinides mineurs
particulièrement encombrants
Les figures suivantes indiquent le processus de
formation des différents isotopes de l’américium.
Figure 11 : formation et décroissance
radioactive de l’américium 242 présent dans le combustible
irradié
? ß-
Am 242m Am 242 Cm 242
152 ans 458 ans
a 163
jours
a
U 234 Pu 238
86 ans
Figure 12 : formation et décroissance de
l’américium 243 présent dans le combustible irradié
ß- a
Pu 243 Am 243 Np 239
7 370 ans
ß- ,35
jours
a
U 235 Pu 239
24 400 ans
Les deux isotopes 241 et 243 de l’américium voient
leur proportion inchangée, quel que soit le taux d’irradiation.
L’américium 242 n’est présent, et encore à l’état de trace, que dans
le combustible irradié.
Tableau 27 : composition isotopique de l’américium
présent dans le combustible irradié
Les figures suivantes présentent les chaînes de décroissance des
différents isotopes du curium.
Figure 13 : formation et décroissance
radioactive du curium 242
? ß-
Am 242m Am 242 Cm 242
152 ans 458 ans
a 163
jours
a
U 234 Pu 238
86 ans
Figure 14 : décroissance radioactive du curium
243
a
Cm 243 Pu 239
32 ans
Figure 15 : formation et décroissance
radioactive du curium 244
ß- a
Am 244 Cm 244 Pu 240
17,6 ans
Le tableau suivant indique que le curium est
l’isotope prépondérant dans le combustible irradié, seul le Mox
irradié contenant des isotopes 243 et 244 dans des proportions
d’ailleurs très réduites.
Tableau 28 : composition isotopique du curium présent dans le
combustible irradié
- le bloc difficile à entamer de l’américium et du
curium
Il est possible d’extraire en bloc l’américium et
le curium avec les lanthanides et les produits de fission. Le
procédé DIAMEX, dont la faisabilité technique est aujourd’hui
démontrée, permet d’aller au-delà et de récupérer, d’un côté, les
produits de fission et, de l’autre, un mélange d’américium, de
curium et de lanthanides.
Au-delà, dans une étape ultérieure, le procédé
SANEX permet, dans une étape ultérieure, de séparer l’ensemble
américium-curium des lanthanides. Toutefois, les performances du
procédé semblent jusqu’ici inférieures aux espérances. Dans l’état
actuel des choses, pour une unité d’actinides mineurs, l’on extrait
50 fois plus de lanthanides.
En pratique, la séparation des actinides mineurs
d’une part, et des lanthanides d’autre part, revêt une grande
importance et une grande difficulté. Les propriétés
physico-chimiques de l’ensemble de ces éléments sont en effet
voisines. L’ingéniérie moléculaire permettra de préparer et de
tester différents types de molécules de séparation. Selon toute
vraisemblance, une ou plusieurs molécules seront disponibles en
2001, pour isoler l’américium et le curium des lanthanides.
Mais il faudrait aller plus loin. La séparation de
l’américium par rapport au curium, même si elle paraît difficile,
semble également indispensable. La présence de curium compliquerait
la transmutation ultérieure de l’américium, en dépit de sa
concentration faible dans les solutions. Le curium est présent sous
la forme de trois isotopes, comme cela apparaît dans le tableau
suivant.
Tableau 29 : caractéristiques des actinides
mineurs présents dans les combustibles UOx irradiés à 33 000 MWj/t,
3 ans après le déchargement
Isotope |
Période (années) |
Abondance (g/t) |
Teneur isotopique |
Radioactivité spontanée |
Neptunium 237 |
2,1.106 |
430 |
100 % |
a |
Curium 242 |
|
0,003 |
|
|
Curium 243 |
28 |
0,3 |
1 % |
a ,
neutrons |
Curium 244 |
18 |
21,4 |
94 % |
a ,
neutrons |
Curium 245 |
8 500 |
1,2 |
5 % |
|
Curium 246 |
|
0,2 |
|
|
Américium 241 |
430 |
220 |
67 % |
a , g mous |
Américium 242 |
|
0,7 |
|
|
Américium 243 |
7 400 |
100 |
31 % |
a , g
mous |
Soumis à des flux de neutrons, le curium 243 et le
curium 244 se caractérisent par des comportements neutroniques très
différents de ceux des isotopes de l’américium. La séparation de ces
deux éléments paraît donc nécessaire.
Selon le CEA, une molécule pour la séparation du
curium de l’américium devrait être disponible en 2006. Il restera à
évaluer les coûts de sa mise en œuvre.
- la séparation des produits de fission
La séparation des produits de fission revêt une
importance nouvelle dans les travaux relatifs à l’axe 1 de la loi du
30 décembre 1991. D’une manière générale, les produits de fission,
émetteurs b et g
sont globalement moins radiotoxiques que les actinides mineurs. Mais
leur mobilité par lixiviation par les eaux de ruissellement paraît
potentiellement plus critique que celle des actinides.
Les efforts les plus importants pour la séparation
des produits de fission doivent donc porter sur les éléments à vie
longue dont les composés sont solubles dans l’eau. A cet égard,
l’iode et le césium constituent les cas les plus préoccupants.
Toutefois, le paradoxe de la séparation est là
encore que l’iode et le césium ne sont pas les éléments les plus
abondants dans le combustible irradié, ainsi que le montre le
tableau suivant.
Tableau 30 : concentrations des différents
produits de fission dans le combustible irradié de référence (UO2
enrichi à 3,5 % - 33 000 MWj/t – gaine zircalloy – 3 ans après
le déchargement)
élément –
ensemble des isotopes |
concentration en g pour 1 tonne de combustible
irradié |
Zirconium (Zr) |
4392,5 |
Césium (Cs) |
2672,7 |
Palladium (Pd) |
1617 |
Samarium (Sm) |
871,7 |
Technétium (Tc) |
810 |
Iode (I) |
208,2 |
Sélénium (Se) |
54,5 |
Etain (Sn) |
42,3 |
Comme pour les actinides mineurs, l’objectif est
d’isoler les radioéléments à vie longue manifestant une
radioactivité spontanée dangereuse. On trouvera page suivante un
tableau général présentant les caractéristiques de radioactivité des
différents produits de fission.
Tableau 31 : concentrations des différents
isotopes des produits de fission dans le combustible irradié
Élément |
Période (années) |
Abondance (g/t) |
Teneur isotopique |
Radioactivité spont. |
Césium 133 |
Stable |
1144 |
42,8 % |
- |
Césium 134 |
2,1 |
38,7 |
1,4 % |
g
durs |
Césium 135 |
2 300 000 |
360 |
13,5 % |
|
Césium 137 |
30 |
1130 |
42,3 % |
g
durs |
Césium total |
- |
2672,7 |
|
|
Iode 127 |
Stable |
38,2 |
18,3 % |
- |
Iode 129 |
16 000 000 |
170 |
81,7 % |
b -, g mous |
Iode 131 |
8 jours |
- |
|
b -, g durs |
Iode total |
|
208,2 |
|
|
Palladium 104 |
Stable |
198 |
12,2 % |
- |
Palladium 105 |
Stable |
382 |
23,6 % |
- |
Palladium 106 |
Stable |
288 |
17,8 % |
- |
Palladium 107 |
6 500 000 |
200 |
12,4 % |
b - |
Palladium 108 |
Stable |
129 |
8,0 % |
- |
Palladium 109 |
0,0001 |
|
0 |
- |
Palladium 110 |
Stable |
420 |
26,0 % |
- |
Palladium total |
|
1617 |
|
- |
Sélénium 77 |
stable |
0,7 |
1,3 % |
- |
Sélénium 78 |
stable |
2,5 |
4,6 % |
- |
Sélénium 79 |
65 000 |
4,7 |
8,6 % |
b - |
Sélénium 80 |
stable |
13,8 |
25,3 % |
- |
Sélénium 82 |
stable |
32,8 |
60,2 % |
|
Sélénium total |
|
54,5 |
|
|
Samarium 147 |
1,1. 1011 |
186 |
21,3 % |
|
Samarium 148 |
8. 1015 |
118 |
13,5 % |
|
Samarium 149 |
4. 1014 |
3,7 |
0,4 % |
|
Samarium 150 |
stable |
275 |
31,5 % |
- |
Samarium 151 |
90 |
16 |
1,8 % |
b - |
Samarium 152 |
stable |
143 |
16,4 % |
- |
Samarium 153 |
0,005 |
100 |
11,5 % |
|
Samarium 154 |
stable |
30 |
3,4 % |
- |
Samarium total |
|
871,7 |
|
- |
Etain 115 |
stable |
0,1 |
0,2 % |
- |
Etain 116 |
stable |
2 |
4,7 % |
- |
Etain 117 |
stable |
4,2 |
9,9 % |
- |
Etain 118 |
stable |
3,6 |
8,5 % |
- |
Etain 119 |
stable |
3,7 |
8,7 % |
- |
Etain 120 |
stable |
3,6 |
8,5 % |
- |
Etain 121 |
55 |
0,3 |
0,7 % |
- |
Etain 122 |
stable |
4,8 |
11,3 % |
- |
Etain 124 |
stable |
|
|
|
Etain 126 |
100 000 |
20 |
47,3 % |
b , g |
Etain total |
|
42,3 |
|
|
Technétium 99 |
210 000 |
810 |
100 % |
b |
Zirconium 90 |
stable |
58,5 |
1,6 % |
- |
Zirconium 91 |
stable |
602 |
16,8 % |
- |
Zirconium 92 |
stable |
644 |
18,0 % |
- |
Zirconium 93 |
1 500 000 |
713 |
19,9 % |
b - |
Zirconium 94 |
stable |
765 |
21,4 % |
- |
Zirconium 95 |
0,02 |
|
0 |
g
durs |
Zirconium 96 |
stable |
800 |
22,3 % |
- |
Zirconium total |
|
4392,5 |
|
- |
Le problème de la séparation du technétium et de
l’iode semble convenablement résolu par le procédé Purex. Au
contraire, le cas du césium est particulièrement difficile.
L’extraction de l’ensemble des isotopes du césium
devrait être possible avec des molécules telles que les
calixarènes. Mais le césium est présent dans les solutions
sous quatre formes isotopiques qui présentent des propriétés de
radioactivité très différentes.
Les isotopes 134 et 137 du césium pourraient
justifier d’un stockage en surface, parce que leur période est
courte. L’isotope 135 est quant à lui à vie longue et devrait être
entreposé en profondeur. Une complication du problème apparaît avec
l’isotope 133 du césium qui, lui, est stable. En effet, par
irradiation neutronique, il donne naissance au césium 135. Par
conséquent, si l’on ne parvenait pas à extraire le césium 133,
l’irradiation neutronique conduirait à renforcer la teneur en césium
135, compromettant le rendement global de l’opération.
La séparation des différents isotopes du césium
constitue donc un objectif théorique essentiel. Mais elle sera très
difficile. Les molécules utilisées pour l’extraction différencient
les composés en fonction de leur cortège électronique qui sont
identiques pour les isotopes d’un même élément.
C’est pourquoi on étudie également l’immobilisation
du césium dans des réseaux cristallins. Les verres pourraient
convenir. Les matrices du type de celles présentées dans le
précédent chapitre pour l’immobilisation du plutonium :
phosphates de calcium – apatites –, titanates ou zircons pourraient
également servir. Leur durabilité se compte sur plusieurs millions
d’années comme l’a montré l’analyse des roches présentes dans le
réacteur naturel formé dans les roches à Oklo au Gabon.
- une connaissance de plus en plus fine des combustibles
irradiés
L’avancement des études sur la séparation des
produits de fission s’accompagne d’une prise en compte de plus en
plus fine de la réalité. Ce sont à la fois les techniques d’analyse
et les modèles chimiques qui progressent et permettent de traiter le
cas de produits de fission ou d’activation à vie longue présents en
solution à des concentrations de plus en plus faibles.
Le tableau suivant présente cette définition de
plus en plus fine de la connaissance que l’on a du combustible
irradié.
Ainsi des radioéléments comme le carbone 14 ou le
chlore 36 provenant de la fission sont désormais étudiés. De même,
les produits d’activation des gaines et des embouts comme le
manganèse 53, le nickel 59 ou 63 sont eux aussi compris dans les
études.
Tableau 32 : inventaire en Produits de Fission
et Produits d’Activation à Vie Longue – combustible UOx irradié à 45
000 MWj/t
radionucléide |
provenance |
période |
radioactivité spontanée |
inventaire |
|
combustible |
structures |
(années) |
|
(g/tMLi) |
Carbone 14 |
98 % |
2 % |
5 730 |
|
0,16 |
Calcium 41 |
100 % |
0 |
80 000 |
|
0,36 |
Chlore 36 |
91 % |
9 % |
300 000 |
g mous |
2,4 |
Césium 135 |
100 % |
0 |
2 300 000 |
|
480 |
Iode 129 |
100 % |
0 |
15 000 000 |
|
230 |
Manganèse 53 |
10 % |
90 % |
1 000 000 |
|
4. 10-7 |
Molybdène 93 |
59 % |
41 % |
3 500 |
|
0,1 |
Niobium 94 |
5 % |
95 % |
20 000 |
|
1,9 |
Nickel 59 |
4 % |
96 % |
75 000 |
|
50 |
Nickel 63 |
5 % |
95 % |
100 |
|
9,5 |
Palladium 107 |
100 % |
0 |
6 500 000 |
|
320 |
Sélénium 79 |
100 % |
0 % |
65 000 |
|
6,2 |
Samarium 121 |
100 % |
0 |
90 |
|
18 |
Etain 121m |
95 % |
5 % |
60 |
g durs |
0,5 |
Etain 126 |
100 % |
0 |
100 000 |
|
30 |
Technétium 99 |
100 % |
0 |
210 000 |
|
1 100 |
Zirconium 93 |
94 % |
6 % |
1500000 |
g durs |
1 000 |
Les recherches correspondantes sont à la frontière
de la recherche et du développement de procédés. Il est normal que
des paramètres de coût ne soient pas introduits dans la décision de
poursuivre dans cette voie. Mais, en cas de pénurie de ressources
budgétaires, des arbitrages pourraient être inévitables, vu
l’extrême dilution de certains éléments.
- le coût probablement important de la séparation
Sur le plan industriel, la séparation du neptunium
nécessitera des modifications relativement simples des installations
de La Hague. Celles-ci pourraient être réalisées dans les dix ans.
En revanche, la séparation des actinides mineurs ne se pourra se
faire que dans des chaînes d’atelier complexes nouvelles. Elle sera
sans doute onéreuse.
La raison essentielle en est que les actinides
mineurs ont une radioactivité a spontanée
telle qu’il faut prendre des précautions pour les manipuler.
Le neptunium 237 est un émetteur a qui en tant que tel ne présente pas de danger à
manipuler. Une faible épaisseur de matière suffit à arrêter ce type
de rayonnement. Mais dans sa chaîne de décroissance radioactive, le
neptunium 237 donne naissance à un isotope du protactinium qui, lui,
est un émetteur g . D’où la nécessite de
prévoir une protection plus forte contre ce rayonnement
parasite.
Quant à l’américium 241 et à l’américium 243, ce
sont des émetteurs a et g . Le curium 243 et le curium 244, pour leur
part, sont des émetteurs a mais le
bombardement des atomes d’oxygène proches par ces noyaux d’hélium
génère des neutrons, de sorte qu’il faut aussi prendre en compte le
flux neutronique associé.
La question de la criticité de l’américium et du
curium ne préoccupe pas le CEA outre mesure. Si le neptunium peut
être manipulé en boîte à gant, l’américium et le curium doivent
l’être dans des installations plus protégées. On sait résoudre les
problèmes de criticité afférents. La forte radioactivité de ces
corps préviendra d’ailleurs tout risque.
Il n’en reste pas moins qu’en raison des
protections à prendre contre les rayonnements, le coût de la
séparation risque d’être élevé, aussi bien en investissements qu’en
fonctionnement.
Le coût d’installation d’un atelier pilote comme
ceux de Marcoule s’élève à 450 millions de F. Le coût unitaire
d’un atelier industriel hautement protégé comme ceux de La Hague est
de l’ordre du milliard de francs. Plusieurs ateliers étant
nécessaires selon toute probabilité, le coût de la séparation des
actinides mineurs et des produits de fission devrait atteindre 5
milliards de F, en termes d’investissement initial.
Ces coûts prévisibles sont à mettre en rapport avec
les quantités concernées. La figure suivante rappelle que pour une
tonne de combustible irradié, l’on récupère 3 kg de
radionucléides à vie longue, soit 0,3 %.
Figure 16 : les radioéléments à vie longue ou
des coûts de séparation très importants pour 0,3 % du combustible
usé
Il pourrait y avoir à l’évidence, dans l’état
actuel des choses, une difficulté à expliquer la pertinence de tels
investissements, par rapport à l’entreposage de combustibles
irradiés ou par rapport à la situation actuelle où les actinides
mineurs et les produits de fission sont immobilisés de concert dans
des verres.
Lorsque les recherches auront abouti, il faudra
sans aucun doute poser la question du coût. Pour minimiser les
déchets ultimes – ceux qui ne pourraient être transmutés- , faudra-t-il investir dans des installations
de séparation très coûteuses.
- La diminution des volumes des rejets et des déchets B
Le programme SPIN comprend deux volets. Le premier
intitulé ACTINEX vu plus haut concerne la séparation des
radionucléides à vie longue en vue de leur transmutation. Le second
intitulé PURETEX est relatif à la réduction de l’activité et du
volume des déchets B ainsi qu’à celle de l’activité rejetée
sous la forme de rejets atmosphériques et d’effluents liquides.
Les progrès enregistrés dans ce domaine sont d’ores
et déjà considérables. Le programme PURETEX qui entrera en service
en 2000 donnera un élan supplémentaire.
En 1980, les volumes destinés à un stockage de
sécurité en profondeur s’élevaient à 3 m3 par tonne de
combustible irradié retraité, comprenant les déchets bitumés, les
déchets technologiques coulés dans des blocs de béton, les ciments
des coques et embouts et les verres comprenant les actinides mineurs
et les produits de fission.
En 1995, le total n’atteignait plus qu’1
m3 par tonne de combustible UOx. Il est prévu
de descendre à 0,5 m3 en fin de période 1996-2000. Par
comparaison, le volume des déchets à stocker en profondeur dans
l’hypothèse du non-retraitement s’établit à 2 m3.
Il reste, semble-t-il, à déterminer l’impact du
retraitement poussé, sur les volumes des déchets technologiques. Ce
point semble fondamental pour l’acceptation par le public de la
séparation et la transmutation. Une diminution significative de la
période des déchets ultimes sera d’autant plus convaincante qu’elle
ne s’accompagnera pas d’une augmentation importante des déchets
générés par les opérations de séparation.
2.2. les limites des études sur la transmutation avec
Phénix
La transmutation de noyaux lourds s’opère avec des
flux neutroniques de grande intensité. En réalité, soumis à un flux
de neutrons, ceux-ci réagissent de deux façons. Certains d’entre eux
absorbent purement et simplement un neutron et se transforment en un
noyau plus lourd : c’est le phénomène de la capture. D’autres
sont cassés en divers produits par hypothèse moins lourds :
c’est le phénomène de la fission.
La transmutation s’opère principalement par fission
dans le cas de noyaux lourds, comme les actinides mineurs. En
revanche, la transmutation s’effectue par capture pour les produits
de fission à vie longue.
Pour que la fission intervienne, il faut que les
neutrons aient une énergie suffisante. La physique neutronique
démontre deux faits essentiels. Plus les neutrons incidents sont
énergétiques et plus l’on fait de fission et moins l’on fait de
capture. Plus les neutrons sont énergétiques et plus la réaction
globale de fission est rapide.
Implicitement, ces résultats posent la question de
la source de neutrons à utiliser pour les expériences de
transmutation. En particulier, celle-ci doit être assez puissante
pour permettre des expériences pas trop longues à réaliser. Mais il
faut aussi que cette source de neutrons soit d’une puissance
modulable afin que l’on puisse traiter à la fois le cas des
actinides mineurs et celui des produits de fission.
Les produits de fission à vie longue sont des
éléments dont les noyaux sont de masse atomique moyenne. Etant
eux-mêmes le fruit de réactions de fission de noyaux lourds, ce sont
déjà en quelque sorte des " cendres ".
Pour les transmuter, il sera nécessaire de disposer
de neutrons d’énergie intermédiaire entre celle des neutrons rapides
et celle des neutrons dits thermiques ; en d’autres termes, il
faudra disposer de neutrons épithermiques.
Considérant ces résultats, certains auteurs ont
proposé dans le passé d’utiliser pour la transmutation des systèmes
hybrides produisant des neutrons lents. Ceux-ci pourraient servir à
la transmutation des produits de fission. La durée d’exposition aux
flux de neutrons serait allongée pour que l’on parvienne aussi à
transmuter les actinides mineurs.
En réalité, pour le CEA, cette solution est à
proscrire. Un consensus existe dans la communauté scientifique pour
recommander l’usage exclusif des sources de neutrons rapides. Il
s’agit au premier chef de disposer des neutrons rapides pour
transmuter rapidement et efficacement les noyaux lourds des
actinides mineurs. Pour casser les produits de fission, il suffira
de ralentir les neutrons rapides, ce que l’on sait faire sans
difficulté.
Après la fermeture de Superphénix, Phénix est
désormais le seul réacteur à neutrons rapides disponible pour
soumettre à des irradiations les actinides mineurs et les produits
de fission et examiner plus avant les caractéristiques des réactions
de transmutation. D’où l’importance extrême de sa remontée en
puissance autorisée récemment et prévue pour la fin du
1er semestre 98 et le caractère stratégique des
programmes d’étude SPIN et CAPRA.
- la remontée en puissance de Phénix
L’autorisation de création de Phénix, réacteur à
neutrons rapides d’une puissance de 250 MWe, provient du décret du
31 décembre 1969. La première divergence du réacteur intervient en
août 1973, le premier couplage au réseau EDF en décembre de la même
année et la mise en service industriel en juillet 1974. Pendant la
période 1974-1989, Phénix fonctionne 3 800 jours équivalents pleine
puissance. L’installation démontre que le cycle du combustible peut
être fermé par recyclage du plutonium à trois reprises. La
surgénération de plutonium est démontrée, avec un facteur de 1,15.
Certains assemblages combustibles ont pu atteindre 144 000 MWj/t, à
comparer avec les 43 000 MWj/t moyens des réacteurs à eau
pressurisée. Sur 170 000 crayons de combustibles utilisés, seules 15
ruptures de gaines sont enregistrées. La première phase
d’exploitation de Phénix est donc un remarquable succès. Une
deuxième phase plus difficile intervient à partir de 1990, phase qui
devrait se clore cette année après que d’importants travaux de
modernisation, de jouvence et d’amélioration de la sûreté ont été
réalisés.
A compter de la mise en évidence en 1989 et en 1990
de baisses de puissance inexpliquées, l’exploitation de Phénix
continue au ralenti. D’une part l’installation est maintenue en
température, en raison de l’utilisation du sodium comme fluide
caloporteur, et d’autre part la DSIN autorise pour des durées
limitées la divergence du réacteur, la dernière autorisation étant
intervenue en février1997.
Le CEA met à profit cette période pour se livrer à
des travaux de jouvence de l’installation, notamment en ce qui
concerne les circuits de refroidissement, les échangeurs et les
collecteurs sodium des générateurs de vapeur. Les systèmes d’arrêt
du réacteur sont également complétés. La tenue au séisme du bâtiment
réacteur est renforcée pour être conforme aux normes antisismiques
révisées depuis la construction de l’installation. Le bâtiment
annexe comprenant les composants du système d’ultime secours est lui
aussi renforcé. Le CEA met au point une méthode d’inspection in situ
et à l’aveugle des soudures des structures de supportage du cœur.
L’ensemble de ces programmes de modernisation
représente une dépense de 600 millions de F. Début 1998, 350
millions sont déjà investis.
Le 9 avril 1998, la DSIN autorise la remontée en
puissance de Phénix pour un 50ème cycle d’exploitation
qui devrait durer environ 6 mois. A l’issue de ce
50ème cycle, un arrêt d’un an sera observé. L’année
1999 sera consacrée à la révision décennale programmée, aux travaux
d’inspection des structures du cœur et de renforcement sismique de
la salle des machines et du bâtiment des générateurs de vapeur.
Le début de l’année 2000 verra le début du
51ème cycle d’exploitation. L’installation doit alors
décrire 7 cycles d’exploitation qui se termineront fin 2004. La
centrale Phénix devrait alors être arrêtée définitivement.
- les conséquences de la fermeture de Superphénix sur les études
relatives à la transmutation
Le réacteur à neutrons rapides Phénix est un
réacteur de recherche dont l’utilisation est particulièrement
souple. Il ne faut que 72 heures pour changer un assemblage
combustible contre 7 jours pour un réacteur à eau pressurisée du
parc EDF. Dans la conception initiale des programmes de recherche
sur la transmutation, la commission Castaing avait donné une place
prépondérante à Superphénix, Phénix ne venant que comme un outil
d’études préliminaires. La séquence imaginée par le CEA était de
faire le tri des expériences à conduire avec Phénix et de passer à
une démonstration industrielle avec Superphénix.
La décision de fermeture de Superphénix a conduit
le CEA à opérer dès juin 1997 le rapatriement de l’ensemble des
expériences qui devaient être conduites à Creys-Malville.
Les conséquences de la fermeture de Superphénix sur
le programme de recherches relatives à l’axe 1 sont les suivantes.
Le CEA estime que la totalité des expériences du programme SPIN
relatives à la transmutation pourront être conduites valablement
avec Phénix. En revanche, le programme CAPRA (Consommation Accrue de
Plutonium) ne pourra être réalisé dans sa totalité, sauf à changer
tout le cœur de Phénix – ce qui n’est aucunement envisagé -.
- les conditions techniques des expériences de
transmutation
La première expérience de transmutation d’actinide
mineur – en l’occurrence le neptunium 237 – réalisée par le CEA date
de 1986. Il s’agissait de l’expérience Superfact qui a montré la
faisabilité de la transmutation non seulement du neptunium mais
aussi de l’américium. Une première expérience de transmutation de
neptunium avait été prévue pour Superphénix. Elle devait être
réalisée lorsque la décision d’arrêt est intervenue. Les références
expérimentales sont donc au total peu nombreuses. Mais la
faisabilité ne fait pas de doute.
Phénix est en effet une installation parfaitement
adaptée à la recherche. Ses cycles courts permettent un
renouvellement fréquent des expériences. Il dispose d’un système
très efficace de détection et de localisation des ruptures de gaine.
La manutention est rapide. Les dispositifs d’irradiation – les
capsules – sont très pratiques. Par ailleurs, l’installation dispose
d’une cellule chaude attenante qui permet d’effectuer sur place de
nombreux examens après irradiation.
L’intérêt d’un réacteur à neutrons rapides comme
Phénix est que son bilan neutronique est favorable. Il y a plus de
neutrons mobilisables pour la transmutation que dans un réacteur à
neutrons thermiques. Ainsi, le flux neutronique est dix fois plus
élevé dans Phénix que dans les REP. Ceci se traduit par des temps de
destruction proportionnellement plus réduits. Par ailleurs,
l’énergie des neutrons produit dans Phénix peut être ajustée ou
optimisée localement pour obtenir, isotope par isotope, la
transmutation la plus efficace.
Pour conduire les expériences de transmutation, on
utilise d’autre part deux techniques alternatives, selon les cas. La
première est le recyclage " homogène " : le
radioélément cible est dispersé au sein des pastilles combustibles.
La deuxième technique est le recyclage
" hétérogène " : le radioélément est incorporé
à une matrice non fissile.
- les expériences CAPRA utiles pour l’étude du recyclage du
plutonium
Le programme CAPRA a pour objectif l’étude de la
consommation massive de plutonium dans les réacteurs à neutrons
rapides.
Le recyclage du plutonium dans les REP avec le Mox,
entraîne une dégradation continue de la qualité isotopique du
plutonium qui limite le nombre envisageable de recyclages
successifs. Les réacteurs à neutrons rapides ne provoquent pas la
même dégradation et peuvent toujours brûler du plutonium devenu
impropre à la consommation en REP. Pour obtenir une consommation
massive de plutonium, il faut optimiser le cœur des RNR et les
assemblages combustibles qui le constituent. Ceci est l’objet du
programme CAPRA.
Ce programme comprend deux volets principaux :
l’irradiation de combustibles à forte teneur en plutonium (>30 %)
et le test de combustibles très innovants ne contenant plus
d’uranium (oxyde de plutonium sur matrice inerte).
- les expériences SPIN pour la transmutation des actinides
mineurs et des produits de fission à vie longue
Pour le neptunium 237, c’est un recyclage homogène
qui sera utilisé. L’irradiation CAPRIN doit vérifier la
compatibilité d’un tel recyclage avec les pastilles à haute teneur
en plutonium optimisées pour CAPRA. L’irradiation METAPHIX vise à
tester la transmutation du neptunium en mélange homogène au sein
d’un combustible uranium-plutonium-zirconium. Dans ce programme
d’irradiation, seront aussi présentes quelques cibles d’américium et
de petites quantités de curium.
La transmutation hétérogène sera utilisée pour
l’américium 241 et 243. Il faut donc au préalable sélectionner la
matrice la mieux adaptée aux conditions d’irradiation, identifier le
composé d’américium le plus compatible avec cette matrice, en
optimiser la teneur et mettre au point les procédés d’incorporation.
Ces tâches sont rendues complexes par la radioactivité de
l’américium. Il faudra aussi qualifier sous irradiation les
matériaux modérateurs.
Le programme d’expérience prévu pour les produits
de fission à vie longue comprendra principalement l’évaluation du
technétium 99. Des irradiations consacrées à l’iode 129 et au césium
135 sont à l’étude. Le CEA semble estimer, en tout état de cause,
que la transmutation des produits de fission à vie longue n’est pas
prioritaire. Même si les solubilités des produits de fission à vie
longue sont supérieures à celles des actinides mineurs, les
activités atteintes par de tels produits à l’exutoire sont très
inférieures aux limites admissibles.
Au total, les expériences de transmutation avec
Phénix seront riches d’enseignement, même si elles seront réalisées
avec de quantités faibles. Mais il reste que la fermeture de
Superphénix ne permettra pas la validation industrielle des
résultats et compromet la réalisation à 100 % du programme
CAPRA.
La figure suivante présente le planning des
expériences liées à la transmutation que le CEA compte réaliser pour
préparer les décisions de 2006. On remarquera que la plupart d’entre
elles aura lieu avec Phénix mais que quelques autres sont
programmées sur les réacteurs des partenaires étrangers du CEA.
Figure 17 : planning des expériences du CEA
liées à la transmutation
2.3. le réacteur Jules Horowitz et les études sur la
transmutation : un lien
hypothétique
Les travaux de recherche et développement conduits
par le CEA dans le domaine de l’électronucléaire ont comme objectifs
généraux l’amélioration de la compétitivité et de la sûreté des
réacteurs en fonctionnement, ainsi que la préparation de l’avenir à
long terme du nucléaire, en incluant d’autres filières que celle des
REP.
Pour l’accomplissement de tous ces travaux, le CEA
a disposé de deux réacteurs d’irradiation, Siloe et Osiris. Depuis
l’arrêt en décembre 1997 de Siloe, c’est à Osiris de fournir les
capacités d’irradiation dont le CEA a besoin pour l’étude des
matériaux et des combustibles utilisés dans les réacteurs
nucléaires.
Or le réacteur Osiris aura 40 ans en 2005. Même si
la durée de vie de cette installation pourrait, compte tenu de son
bon état de fonctionnement et de sûreté, être prolongée, il convient
de commencer les études d’un nouveau réacteur d’étude destiné à le
remplacer. Ce futur réacteur d’irradiation porte le nom de
" réacteur Jules Horowitz " (RJH). Sa construction est
d’autant plus importante qu’à partir de 2010-2015, le réacteur Jules
Horowitz devrait être l’un des seuls, sinon le seul réacteur d’essai
de matériaux en Europe.
Avec l’annonce de l’abandon de Superphénix, et la
perspective de l’arrêt fin 2004 de Phénix, un défi est lancé à
l’équipe de projet chargée de la conception : comment réaliser
un programme d’irradiations à la fois pour les réacteurs à eau
pressurisée et pour les réacteurs à neutrons rapides, de façon à
pouvoir continuer les recherches pour ces deux filières ?
Deux projets sont donc étudiés par le CEA. Le
premier est un réacteur piscine à cœur ouvert, similaire à celui du
réacteur Osiris mais dont les performances sont poussées au
voisinage des limites théoriques. Le deuxième projet consiste à
disposer dans 2 piscines séparées, une configuration à cœur ouvert
pour les études relatives aux REP et une configuration à cœur
pressurisé pour les besoins des études relatives aux RNR.
L’étude de faisabilité du réacteur RJH est en cours
et devrait déboucher à la fin de l’année 1998. A cette date, il sera
possible d’évaluer le coût de l’installation. L’ordre de grandeur,
non validé par le CEA, serait de 2 à 3 milliards de F. Le planning
actuel prévoit l’entrée en service en 2006 de ce réacteur, qui sera
installé à Cadarache.
2.4. Le réacteur hybride, médaille d’or du marketing
scientifique
Le réacteur hybride est une idée ancienne. L'idée
d'utiliser les accélérateurs de particules comme le cyclotron pour
faire des essais de matériaux ou produire du plutonium a été
proposée dans les années 50 par E. Lawrence au laboratoire de
Livermore. Ces idées ont ensuite été approfondies par les équipes de
Chalk River au Canada et dans les années 70-80 aux Etats-Unis au
laboratoire national de Brookhaven. Depuis 5 ans, ces techniques
sont réévaluées à Los Alamos. Carlo Rubbia, ancien directeur général
du CERN, prix Nobel de physique, les a remises sur le devant de la
scène en proposant son amplificateur d’énergie à neutrons rapides de
haute puissance fondé sur l’utilisation d’un accélérateur de protons
et sur le cycle thorium-uranium en réacteur.
Une convergence d’idées et de stratégies de
recherche se produit en France sur ce thème comme on l’a vu plus
haut. Cette convergence est en train de donner naissance à un projet
comportant une multiplicité d’objectifs. Le démonstrateur serait
ainsi le dénominateur commun d’équipes – le CEA et le CNRS -
jusqu’alors peu accoutumées à travailler ensemble sur la conception
des réacteurs. Il est vrai que la réinscription de l’énergie
nucléaire dans un cadre de recherche pluraliste vaut bien quelques
investissements.
La démarche actuelle est certes prudente en
prévoyant des études préalables à la définition du démonstrateur. Le
projet lui-même est poli avec soin de manière à avoir une
acceptabilité maximale auprès des organismes dispensateurs de
crédits. Mais en tout état de cause, il semble important de soulever
quelques questions clé, même si l’aspect lisse et consensuel que
prend le thème des réacteurs hybrides, les décourage a priori.
- de nombreux projets diversifiés et à objectifs multiples,
proposés dans le monde entier
Le principe du réacteur hybride a été exposé en
première partie du présent rapport. Rappelons que la partie
nucléaire du réacteur est constituée d'assemblages fertiles et
fissiles. A ce titre, il ressemble à un réacteur nucléaire dans la
mesure où c'est la fission qui fournit de l'énergie. Mais ce
réacteur est sous-critique : il ne peut entretenir la réaction en
chaîne sans les neutrons provenant de la cible où se produit la
spallation sous l’action des protons accélérés.
En réalité, le réacteur hybride est une sorte de
" meccano ", dont les composants peuvent être
divers et dont la finalité peut varier du tout au tout.
Les réacteurs hybrides peuvent être classés en
fonction de leur structure. Alors les critères utilisables peuvent
être les suivants :
- les réacteurs à cyclotron (accélérateur circulaire) avec
une intensité du courant de protons limitée à 10-15 mA, ce qui
limite la puissance possible du réacteur à 200 MWe ou les
réacteurs mettant en jeu un accélérateur linéaire, avec une
intensité du courant de protons et une puissance électrique
pouvant atteindre respectivement 100-200 mA et 1200 MW
- le type de cible utilisée pour la spallation
- le spectre d'énergie neutronique : neutrons rapides,
neutrons thermiques, neutrons de résonance
- la forme du combustible utilisé : solide, liquide, ou
quasi-liquide (lits de boulets)
- la nature du réfrigérant et de l'éventuel modérateur
- le type de cycle du combustible
Mais ils peuvent aussi être classés par rapport à leur finalité.
On distingue alors :
- les réacteurs électrogènes
- les réacteurs dédiés à la destruction du plutonium ou à
l’incinération des actinides mineurs et des produits de
fission.
Les deux tableaux suivants présentent les
caractéristiques essentielles des projets les plus avancés. Il
s’agit dans tous les cas de projets " papier ", dont aucun
pays n’a entamé la réalisation. La raison en est que des études
poussées et des expériences portant sur chaque pièce du
" meccano " sont encore indispensables.
Tableau 33 : principaux concepts de réacteurs
hybrides à neutrons thermiques
nom du projet |
objectifs du
projet |
caractéristiques
techniques |
ATW
(Accelerator for Transmutation of Waste)
– Los Alamos, Etats-Unis |
· production d’énergie
· destruction du plutonium
militaire (variante ABC)
· fabrication de tritium
(variante APT) |
· intensité du courant de
protons : 250 mA
· énergie du flux incident de
protons : 1,6 GeV
· production d’énergie
nette : 1000 MWe
· cible : tungsten et
plomb
· modérateur :
deutérium
· thorium et sels fondus
LiF-BeF2 |
AMSB
(Accelerator Molten Salt Breeder)
- Jaeri (Japon) |
· réacteur électrogène de
démonstration |
· intensité du courant de
protons : 300 mA
· énergie du flux incident de
protons :
1 GeV
· modérateur : sels
fondus
· utilisation de l’uranium 233
dans le cycle du thorium ; sels fondus
7LiF-BeF2 |
ABB
- Institut radiotechnique de
Moscou |
· réacteur électrogène de
démonstration |
· intensité du courant de
protons : 300-350 mA
· énergie du flux incident de
protons : 1-1,5 GeV
· modérateur : deutérium et
béryllium
· cible : Pb-Bi
liquide |
ADFFT
- Jülich, Allemagne |
· réacteur de
recherche |
· intensité du courant de
protons : 25 mA
· énergie du flux incident de
protons : 1,6 GeV
· cible : plomb solide
· modérateur : graphite
· uranium et thorium en sels
fondus |
EA
(Energy Amplifier)
- C. Rubbia |
· réacteur électrogène de
démonstration |
· utilisation d’un cyclotron
· intensité du courant de
protons : 6,25 mA
· énergie du flux incident de
protons : 0,8 GeV
· cibles : alliage Pb-Bi ou
Bi métal
· modérateur : graphite,
eau, béryllium ou deutérium
· cycle du thorium (fluorure de
Li, Bi, Th)
· caloporteur : hélium,
CO2 ou mélange des
deux |
Le réacteur hybride est par nature composé d’un
grand nombre de composants et peut viser différents objectifs. Il
n’est donc pas étonnant de constater, de par le monde, un
foisonnement de " design " et d’objectifs.
Pour le compte de l’Office, M. Claude Birraux,
député de Haute-Savoie, s’est penché, en particulier au cours de
l’année 1996, sur le projet Rubbia. Une audition publique et
contradictoire a été organisée le 21 novembre 1996, en présence du
père du système. Ce projet se présentait alors dans sa version
initiale de réacteur électrogène " plus sûr que les plus
sûrs " des réacteurs actuels par suite de sa dimension
sous-critique.
Il est de constater que ce projet a pu être conçu
initialement dans le but d’atteindre un niveau de sûreté très
supérieur aux actuels réacteurs à eau légère, puis devenir un
réacteur électrogène de puissance et adopter enfin sa configuration
actuelle d’incinérateur d’actinides mineurs, devenant ainsi une
sorte de grand équipement adaptable à la configuration politique du
terrain.
Tableau 34 : principaux projets de réacteurs
hybrides à neutrons rapides
PHOENIX
- Brookhaven,
Etats-Unis |
· réacteur électrogène de
démonstration |
· intensité du courant de
protons : 104 mA
· énergie du flux incident de
protons : 1,6 GeV
· caloporteur : sodium
· cible :
combustible |
ATP
- Jaeri, Japon |
· réacteur de recherche tourné
vers la destruction des actinides
mineurs |
· 1ère version :
cible de sel fondu (NaCl) à laquelle sont mélangés les
actinides mineurs et le plutonium ; intensité du
courant de protons : 25 mA : énergie du flux
incident de protons : 1,5 GeV
· 2ème version :
cible solide de tungsten et alliages de plutonium,
d’actinides mineurs et de zirconium ; intensité du
courant de protons : 39 mA ; énergie du flux
incident de protons : 1,5
GeV |
FSMH
(Fast Molten Salt Hybrid)
- CEA, France |
· réacteur de démonstration pour
la production d’électricité et la destruction d’actinides
mineurs |
· intensité du courant de
protons : 270 mA
· énergie du flux incident de
protons : 1,5 GeV
· 5 compartiments de
combustibles de degré d’irradiation différents
· cœur : a) sel fondu avec
35,5 t de thorium et 1,1 t de plutonium b) PbCl3
avec 1,85 t de Tc 99 ou
d’actinides |
FEA
(Fast Neutron Operated High Power Energy Amplifier)
- C. Rubbia, CERN |
· réacteur électrogène
reconverti en incinérateur de
déchets |
· intensité du courant de
protons : 12,5 – 20 mA
· énergie du flux incident de
protons : 1 GeV
· cible et fluide
caloporteur : plomb fondu
· coeur : cycle du
thorium
· version à neutrons rapides du
FEA à neutrons
thermiques |
- le projet français de réacteur hybride
Selon un groupe d’experts, le Comité de suivi des
recherches sur l’aval du cycle (COSRAC), rassemblé régulièrement par
la direction générale de la recherche et de la technologie, les
choses sont mûres en France pour réaliser un démonstrateur de
réacteur hybride. De fait, le CNRS et le CEA se préparent à rendre
public dans quelques semaines un document commun d’une quarantaine
de pages lançant les opérations.
Ce document-programme présentera :
- la vision française actuelle d’un réacteur
hybride spécialisé dans la transmutation des déchets radioactifs
à haute activité
- le programme immédiat de recherche et
développement indispensable pour préciser les options
définitives et en particulier pour satisfaire les critères de
sûreté
- l’an 2000 comme date de décision pour la
construction d’un démonstrateur
- une mise en service partielle avant 2006 pour
obtenir à cette date des résultats significatifs
- un fonctionnement régulier à partir de
2008.
- un démonstrateur de réacteur hybride original
Pourquoi parler de démonstrateur et non pas de
prototype de réacteur hybride ?
Parce que les technologies de ces réacteurs ne sont
pas encore éprouvées, il ne peut être question pour le moment de
choix industriel. De même, il est impossible, pour le moment, de
concevoir une installation d’exploitation régulière satisfaisant des
critères de sûreté exigeants, critères qu’au demeurant on ne saurait
pas définir en l’état actuel des choses.
Le dessin général du démonstrateur de réacteur
hybride est d’ores et déjà assez précis.
Comme tout réacteur hybride, le projet actuel
comprend :
- un accélérateur de protons
- une cible où se produit le phénomène de
spallation, c’est-à-dire l’émission de neutrons par des noyaux
lourds percutés par les protons à haute énergie
- un conducteur du faisceau de neutrons
- un réacteur sous-critique fonctionnant à un
taux de 0,95 à 0,97.
La première orientation fondamentale du projet est
la modularité. Afin de sérier les problèmes, chaque maillon du
réacteur devra être indépendant et distinct du restant de la
machine. Par exemple, le projet Rubbia assigne un double rôle au
plomb fondu : celui de cible et de fluide caloporteur. Cette
option ne sera pas retenue.
S’agissant de l’accélérateur de protons, le projet
Rubbia retenait un cyclotron délivrant un courant inférieur à 10 mA.
C’est un accélérateur linéaire qui sera choisi, selon toute
vraisemblance. Sa longueur sera de 100 m. Le courant maximum
sera de 100 mA. Il apparaît en effet indispensable de pouvoir
disposer de faisceaux de neutrons très énergétiques. Au fur et à
mesure de la transmutation, le contenu en produits fissiles du
réacteur variera fortement. Il sera en conséquence nécessaire de
réguler la réactivité avec le flux de neutrons.
La partie réacteur du démonstrateur sera, quant à
elle, un réacteur à l’uranium voire au thorium ou un mélange des
deux. Sa puissance sera de 200 MWe, voisine de celle de Phénix (250
MWe). Son objectif ne sera pas la production d’électricité, bien que
le bilan énergétique de l’installation complète soit largement
positif : seuls 20 à 40 MWe seront consommés par le
fonctionnement de l’accélérateur et du réacteur.
Pour le fluide caloporteur, deux solutions sont
possibles. Le sodium présente des caractéristiques très favorables.
L’expérience acquise avec Phénix et Superphénix est considérable.
Mais son utilisation risque de ne pas être comprise de l’opinion
publique. L’image du réacteur hybride pourrait en être altérée,
alors qu’il s’agit d’une technologie nouvelle et d’une problématique
nouvelle, centrée sur la destruction de déchets jugés éminemment
dangereux par le public. Le plomb fondu et l’eutectique
plomb-bismuth pourraient donc être préférés. La France n’a aucune
expérience en la matière mais pourrait l’acquérir auprès de la
Russie, ainsi que viennent de le faire les États-Unis.
Faudrait-il enfin utiliser le plomb comme
cible ? La solution Rubbia est d’une grande élégance, en ce que
le caloporteur est aussi la cible. Cette cible possède un rendement
très élevé. Avec le plomb, pour un proton incident, on récupère 80
neutrons. Mais confondre les deux rôles compromet à la fois l’étude
d’autres cibles et celle d’autres fluides. De toute façon,
l’utilisation du plomb fondu comme caloporteur nécessiterait que
l’on sache traiter les problèmes posés par les produits de fission
du plomb.
Telles sont quelques-unes des décisions que le
programme de recherche à lancer dans les prochaines semaines devra
permettre de prendre avec la plus grande rationalité possible.
- un investissement international
Un comité d’experts regroupant MM. d’Escatha,
Dautray, Charpak et Détraz a été constitué par le ministère de la
Recherche afin d’approfondir des coopérations internationales dans
le domaine de l’énergie, et en particulier avec l’Italie ou
l’Espagne pour la transmutation.
En réalité, l’Italie pourrait être un partenaire
immédiatement disponible pour la France, au contraire de l’Espagne
déjà engagée
Selon certaines informations, le gouvernement
espagnol est en effet partie prenante dans une collaboration –
exclusive en première analyse – avec M. Rubbia. Pour autant,
pour M. Détraz, l’Espagne n’a pas la maîtrise scientifique et
technologique suffisante pour construire une telle installation. Un
revirement de l’Espagne par abandon du projet Rubbia serait possible
si une initiative de grande ampleur était prise conjointement par la
France et l’Italie.
- quels intervenants pour la France ?
Ainsi qu’il l’a indiqué aux membres de l’Office le
4 février 1998, M. Claude Allègre, ministre de l’éducation
nationale, de la recherche et de la technologie souhaite donner une
mission au CEA, qui, selon lui, n’en a plus. Une de ses missions
pourrait être la recherche et le développement sur les énergies, à
l’exception de celles relatives aux combustibles fossiles.
La débureaucratisation de la recherche que M.
Allègre appelle de ses vœux et l’action concrète de la direction
générale de la recherche et de la technologie autour du COSRAC
laissent penser qu’une coopération institutionnalisée entre le CNRS
et le CEA pourrait être mise sur pied pour le démonstrateur de
réacteur hybride.
• l’attitude prudente des Etats-Unis oui à la spallation, non à
un réacteur hybride
Les réacteurs hybrides ont des adeptes aux
Etats-Unis comme en Europe. Le laboratoire national de Los Alamos et
la société General Atomics ont essayé un temps de populariser le
concept d’un réacteur sous-critique à haute température commandé par
un accélérateur via une source de neutrons. Un projet assez détaillé
avait même été élaboré en coopération avec le ministère russe de
l’énergie nucléaire (Minatom).
Le Vice-président Al Gore a récemment annoncé le
financement d’une nouvelle source de neutrons faisant appel au
phénomène de spallation. Une somme de 157 millions de dollars a été
inscrite au budget pour 1998-1999. Parmi les cibles utilisées,
figurerait le tungsten.
Cette source de neutrons aura pour vocation la
physique fondamentale et en aucun cas l’étude préliminaire d’un
réacteur hybride. Le CEA a récemment proposé au DOE une
collaboration pour réaliser un réacteur hybride. La réponse a été
négative.
- un projet dont la finalité et le coût doivent être
précisés
La modularité de l’avant-projet de démonstrateur
nourri par le CEA, le CNRS et EDF, au sein du groupement Gédéon,
semble un choix adapté à la nouveauté de l’installation. Ainsi
pourront être identifiées les questions à résoudre et peut-être même
les coûts pourront-ils être estimés.
Mais la question de la taille du démonstrateur
semble en elle-même capitale. En tout état de cause, on ne peut donc
tenir la dimension d’une installation comme celle du démonstrateur
projeté comme allant de soi. Il s’agit en effet de construire, au
final, l’équivalent en puissance à peu de choses près du réacteur à
neutrons rapides Phénix auquel viendra s’ajouter un accélérateur
lourd.
Sur le plan financier, une coopération européenne
voire internationale est actuellement recherchée et sera peut-être
trouvée, facilitant le financement d’un équipement ambitieux. Mais
l’accélérateur linéaire, à lui seul, représente un investissement
dont la rentabilité doit être établie. Certains auteurs indiquent
que le coût de l’accélérateur avec les lignes de transfert, les
alimentations et les protections biologiques pourrait être trois
fois plus élevé que celui du système sous-critique. Rappelons, pour
fixer les idées, qu’il s’agit au bas mot de fournir un courant de
proton d’intensité minimale de 10 à 15 mA. Lors de l’audition
organisée par M. C. Birraux, dans le cadre de la préparation de son
rapport de mars 1997, M. Rubbia affirmait :
" l’accélérateur est un des éléments les plus innovants de
l’amplificateur d’énergie ". On ne saurait le
démentir : aucun accélérateur n’est actuellement capable de
fournir un tel faisceau de protons. Le mieux que l’on sait faire est
d’atteindre 1mA pour 590 MeV (cyclotron de l’institut Paul Scherrer
de Zurich) ou 1 mA pour 800 MeV (accélérateur linéaire de Los
Alamos).
S’agissant par ailleurs des coûts globaux
d’investissement et de fonctionnement des réacteurs hybrides, les
évaluations publiées ou annoncées varient – à projets comparables -
dans des proportions si considérables que l’on ne peut que douter de
leur vraisemblance.
L’amplificateur d’énergie proposé par C. Rubbia a
fait l’objet d’études chiffrées par son promoteur et par l’IEPE de
Grenoble. Selon le CERN, le coût d’investissement atteindrait 7417 F
par kWh. Selon l’IEPE, ce coût serait de 8165 F par kWh, à
comparer à l’estimation donnée par la même source pour un REP. Les
coûts du kWh produit seraient du même ordre que pour les REP, aux
alentours de 16 cts/kWh, toute chose égale par ailleurs. Le CEA
écrit quant à lui : " on conçoit mal pourquoi on ferait
l’effort (considérable) de développer ces systèmes très complexes,
sans avoir clairement identifié un créneau où ils ont des chances de
se révéler significativement supérieurs aux réacteurs critiques
modernes, REP ou RNR. Aujourd’hui, il ne semble pas que ce
créneau puisse être la production économique et sûre
d’électricité ".
La version à neutrons rapides de l’amplificateur
d’énergie de C. Rubbia, de plus petite taille et qui pourrait voir
le jour dans les cinq ans, aurait un coût de 850 millions à 1,7
milliard de F.
En réalité, il s’agit avant toute chose de
déterminer quel est l’objectif poursuivi. S’agit-il de concevoir un
démonstrateur de réacteur hybride électrogène – auquel cas
l’investissement risquerait d’être très élevé – ? Au contraire
envisage-t-on d’élaborer une machine spécialisée dans la destruction
des déchets – alors le coût, sans être négligeable, serait davantage
compatible avec les budgets des organismes concernés – ?
L’option retenue par la France semble être celle du
démonstrateur d’incinération de déchets. Mais, même dans ce cas, la
question de sa puissance reste à régler. Si les spécialistes
semblent s’accorder sur une puissance minimale d’une centaine de
mégawatts, il convient de déterminer une puissance permettant de
maîtriser les développements technologiques dont on sait qu’ils ne
sont pas linéaires.
La réflexion sur la finalité et les dimensions du
démonstrateur de réacteur hybride est d’autant plus capitale que de
très nombreux problèmes, fort importants, restent à examiner.
- des options techniques et une sûreté encore bien
floues
Les études devraient permettre de choisir comme
cycle du combustible soit le cycle de l’uranium, soit celui du
thorium, soit les deux. A cet égard, les équipements existants et le
retour d’expérience jouent en faveur du cycle de l’uranium. Mais il
faudra inclure dans les évaluations financières, les investissements
nécessaires pour mettre en œuvre un autre cycle.
La question du fluide caloporteur est d’autre part
un point particulièrement épineux. Pour des motifs d’acceptabilité
par l’opinion, la tentation est grande d’envoyer le sodium au
purgatoire des solutions techniques jugées inadéquates pour des
raisons qui n’ont rien à voir avec la rationalité technique.
Or la France a accumulé un capital de connaissances
et d’expérience considérable au cours de l’exploitation de Phénix et
Superphénix. Alors que la corrosion des aciers par le plomb fondu
est connue comme étant particulièrement violente, l’achat à la
Russie des technologies correspondantes - plomb fondu ou eutectique
plomb-bismuth - paraît davantage relever de la volonté de
subventionner la recherche de ce pays que d’un choix raisonné.
Enfin, les questions de sûreté semblent être un
point à ne pas négliger. La première question est celle de la
fenêtre, c’est-à-dire le dispositif séparant l’accélérateur où règne
le vide du milieu sous-critique à haute température, fenêtre par
laquelle passent les neutrons injectés dans le réacteur.
Par ailleurs, une thèse récente indique que
" la sous-criticité en mode de fonctionnement normal du
réacteur au cours du temps ainsi que la sûreté du système à l’égard
des hauts flux neutroniques mis en jeu méritent d’être revérifiées
au niveau local dans le coeur. En effet les simulations fournies par
le code de calcul Géant indiquent que le système ne se trouve pas
prémuni contre les accidents de criticité ". Le même auteur
ajoute plus loin : " les moyens de couplage neutronique
rapide entre l’accélérateur et le réacteur (rétroaction) demeurent
imprécis. Quel sera le temps de réaction entre la nécessité de
rupture du faisceau et sa rupture effective ? Ainsi de nombreux
projets (de réacteurs hybrides) ne mentionnent pas les moyens de
gestion neutronique du coeur. Le risque d’accident dû à un
fonctionnement mal maîtrisé de l’accélérateur n’est pas
négligeable ".
- une application opérationnelle après la
décision ?
Enfin, le calendrier de réalisation et
d’utilisation d’un éventuel démonstrateur reste nébuleux.
En fixant la date de 2006 pour une prise de
décision sur la base de résultats aussi larges et complets que
possible, la loi du 30 décembre 1991 introduit une incitation forte
sur les milieux de la recherche. Mais celle-ci ne devrait pas se
transformer en pression pouvant conduire à des initiatives et
surtout des décisions hasardeuses.
A cet égard, comment ne pas relever le prudent
réalisme du CEA : " même en retenant des options
relativement conservatrices, il ne faut pas sous-estimer les délais
de réalisation au plus tôt d’un démonstrateur européen. Il s’agira
d’une installation nucléaire qui ne s’affranchira pas des procédures
réglementaires de sûreté auxquelles doit se plier toute INB. Il est,
en particulier, évident qu’il ne faut attendre aucun résultat de
transmutation pour l’échéance posée par la loi de 91. Au mieux, le
démonstrateur pourrait être en début de construction à cette date.
Mais la loi de 91 demande d’ouvrir toutes les options et celle-ci
est particulièrement prometteuse pour l’axe 1
(transmutation) ".
Vos Rapporteurs estiment qu’en tout état de cause,
il s’agit non pas de freiner la réflexion mais de définir des
objectifs précis en matière de réacteurs hybrides. Il ne peut s’agir
de concevoir un outil miracle et tous usages, conçu sur le papier
pour atteindre plusieurs objectifs, mais en réalité, tellement peu
spécialisé qu’il n’en atteindrait aucun. La coopération
internationale actuellement recherchée pour des raisons d’efficacité
dans la recherche et pour en partager le financement, présente le
risque de conduire à la confection d’un monstre technologique sans
finalité claire, suite à des compromis entre écoles de pensée
différentes et au fond des choses rivales.
Il incombe aux responsables techniques d’indiquer
si oui ou non une maquette de réacteur hybride dédié à la
transmutation est envisageable et si oui à quel coût. Il leur
revient aussi de préciser le calendrier non seulement d’étude mais
aussi de réalisation. Au préalable, devra bien entendu être exposée
clairement l’utilité d’une telle installation, c’est-à-dire son
rendement, dans le cadre d’une politique globale de l’aval du
cycle.
2.5. la question des quantités transmutables et le problème du
tout ou rien
L’intérêt d’un éventuel recours à la transmutation
dépend essentiellement de trois paramètres physiques.
Le premier est la quantité d’actinides mineurs et
de produits de fission à vie longue que l’on peut introduire dans un
réacteur, quel qu’il soit. On peut à cet égard imaginer
l’introduction des ces déchets dans un réacteur électrogène, les
quantités relatives étant alors limitées par les contraintes de
fonctionnement du réacteur. Au contraire, un réacteur dédié pourrait
épuiser des quantités plus importantes.
Le deuxième paramètre est constitué par la vitesse
de la réaction de transmutation. Une vitesse de transmutation lente
devrait en effet être compensée par un nombre important
d’installations, ce qui pourrait augmenter le coût de la
transmutation et rendre son acceptabilité difficile.
Le troisième paramètre est celui des quantités
résiduelles éventuelles, quantités qu’il serait impossible de
parvenir à transmuter pour des raisons physiques. Le rendement de la
réaction de transmutation est donc aussi un élément fondamental de
l’option transmutation. Ceci conduit inévitablement à la question
suivante : est-il utile de réduire de x % les quantités initiales si
celles-ci peuvent être stockées sans danger ?
Des résultats incontestables sont évidemment
indispensables sur toutes ces questions pour résoudre le dilemme
transmutation- stockage. Il semble bien qu’un long chemin reste
encore à faire sur cette voie de recherche.
Mais en réalité, pour ce faire, on distinguera deux
cas. Le premier est celui des résultats expérimentaux, prolongés par
des calculs, obtenus avec les réacteurs à neutrons rapides Phénix et
Superphénix. Le deuxième est celui des prédictions tirées de la
connaissance encore très floue des réacteurs hybrides.
- les ordres de grandeur des quantités transmutables
Les ordres de grandeur des quantités des divers
radioéléments à vie longue ont été donnés plus haut. Rappelons-en
les grandes lignes, synthétisées dans le tableau suivant. Le
plutonium formé dans les REP exploité dans les conditions actuelles
représente environ 1 % du tonnage de combustible irradié. Les
actinides mineurs représentent un peu moins de 0,07 % et les
produits de fission à vie longue représentent 0,23 % En première
approximation, on peut donc dire que les déchets radioactifs de
haute activité et à vie longue représentent 0,3 % du combustible
irradié.
Tableau 35 : Estimation des
quantités de radioéléments présents dans le combustible
irradié ,
quantités en kg |
Uranium |
Plutonium |
Np+Am+Cm |
Prod. fission (PF) total |
dont PF à vie longue |
pour 21,5t
de combustible |
20 400,0 |
209,0 |
16,0 |
745,0 |
50,0 |
pour 1t de
combustible |
948,8 |
9,7 |
0,7 |
34,7 |
2,3 |
Ceci étant, quelle est la production d’actinides
avec le parc EDF actuel ? Le tableau suivant donne des
indications détaillées sur les quantités produites.
Tableau 36 : production annuelle de plutonium non séparé et d’actinides
mineurs par le parc EDF
radioélément |
quantité annuelle produite |
remarques |
plutonium résiduel dans les
déchets |
30 kg/an |
il s’agit du plutonium
non séparé lors des opérations de retraitement |
neptunium |
800 kg/an |
une partie du
neptunium provient du plutonium 241, de l’américium 241 et du
curium 245 |
américium : |
|
|
américium
241 |
250 kg/an |
il apparaît par
décroissance b - du plutonium
241 |
américium
242m |
0,7 kg/an |
|
américium
243 |
150 kg/an |
la source principale
provient du plutonium 239 dans les déchets à partir d’un temps
compris entre 10 000 et 100 000 ans |
curium : |
|
|
curium
242 |
|
il donne du plutonium
239 |
curium
243 |
|
il donne du plutonium
239 en quantité négligeable par rapport à
l’américium |
curium
244 |
|
il donne du plutonium
239 en quantité 5 fois supérieure aux pertes de
retraitement |
curium
245 |
|
il donne à terme du
neptunium mais en quantités
faibles |
Le neptunium est donc le plus abondant des
actinides mineurs avec 800 kg/an, dont une part non négligeable
provient de la décroissance du plutonium 241, de l’américium 242 et
du curium 245. L’américium total représente en première
approximation 400 kg/an, en tenant compte des phénomènes de
décroissance. Quant au curium, on peut le considérer comme
disparaissant dans la durée au profit des deux autres actinides
mineurs. Au total c’est donc plus d’une tonne d’actinides mineurs
qui est formée dans le combustible.
En première approximation, on peut considérer que
la quantité de produits de fission et d’activation à vie longue est
de 2 tonnes.
Par ailleurs, l’on peut se poser la question
légitime de savoir si le recours au Mox augmente ou non la quantité
d’actinides mineurs. La réponse est positive, ainsi que l’indique le
tableau ci-après.
Tableau 37 : production d’actinides mineurs
(kg/Twhé) pour un réacteur chargé avec un combustible soit standard
soit Mox
kg/Twhé |
après la sortie du réacteur |
après 3 ans |
après 10 ans |
UOx |
Mox |
UOx |
Mox |
UOx |
Mox |
neptunium |
2 |
0,5 |
2 |
0,5 |
2 |
0,5 |
américium |
0,5 |
6,6 |
1,1 |
10 |
2,4 |
17 |
curium |
0,13 |
3,0 |
0,08 |
2,0 |
0,03 |
1,5 |
total |
2,6 |
10 |
3,2 |
13 |
4,4 |
19 |
Mais l’évaluation des quantités produites ne
saurait suffire pour avoir une appréciation complète de la réalité.
En effet, la radioactivité contenue dans les actinides mineurs et
les produits de fission et d’activation à vie longue est
phénoménale : ces éléments sont au total responsables de plus
de 95 % de la radioactivité totale, quelle soit a , b et g . Le tableau suivant présente la décomposition
de la radioactivité totale des déchets issus du retraitement des
combustibles, dans le cas de l’usine UP3-800 de La Hague.
Tableau 38 : la radioactivité des différents
types de déchets et en particuliers des verres contenant les
produits de fission et les actinides mineurs
contenu des
déchets |
Produits de
Fission et Actinides mineurs |
Coques et embouts |
Déchets technologiques B |
Boues de précipitation |
Déchets technologiques
A |
Forme
physique |
verres |
ciments |
blocs de béton |
|
blocs de béton |
Catégorie |
C |
B |
B |
B |
A |
volumes prévus à la
conception (en litre par tonne
d’uranium après conditionnement mais sans
surconteneur) |
30 |
600 |
1700 |
30 |
3800 |
volumes en
1995 (même unité que ligne
précédente) |
130 |
600 |
150 |
0 |
? |
volumes prévus en 2000
(même unité que ligne
précédente) |
130 |
150 |
150 |
0 |
? |
pertes en uranium dans
tous les déchets |
0,12 % |
pertes en plutonium
dans tous les déchets |
0,12 % |
% activité a |
99,5 |
0,4 |
0,1 |
% activité b , g
|
97,6 |
2,3 |
0,1 |
S’agissant de la toxicité, les données sont
claires. Comme on l’a vu dans le chapitre précédent, la contribution
du plutonium est prépondérante sur toute l’échelle de temps. Quant à
celle des produits de fission à vie longue elle est très modeste,
encore que leur solubilité et leur vitesse de migration soient
considérablement plus élevées que celles des actinides.
Le tableau suivant indique la radiotoxicité d’un
combustible REP stocké dans l’état, c’est-à-dire dans l’hypothèse du
stockage direct. Les radiotoxicités des différentes composantes sont
indiquées en Sv. Il comprend également les déchets générés dans le
cycle du combustible : résidus miniers, uranium appauvri issu
des opérations d’enrichissement, uranium issu des opérations de
retraitement. Les chiffres sont données par Twhé, c’est-à-dire
qu’ils sont ramenés à la quantité d’électricité produite. Pour avoir
une évaluation globale, il suffit de se souvenir que la production
annuelle d’électricité est d’environ 400 TWh.
Rappelons à titre indicatif et pour fixer les
ordres de grandeur que les limites de dose annuelle sont
actuellement de 50 mSv/an pour les travailleurs du nucléaire et de
5mSv/ an pour le public. La CIPR dans sa recommandation 60 souhaite
qu’à partir de mai 2000, ces limites passent à 20 mSv/an en moyenne
sur 5 ans pour les travailleurs du nucléaire et à 1 mSv/an pour le
public.
Ce tableau, au demeurant fondamental, pose
toute la question des priorités dans la gestion des déchets
radioactifs.
Tableau 39 : composantes de la
source de radiotoxicité potentielle et évolution avec le temps (pour
un combustible REP UOx et un taux de combustion de 33 000 MWj/t)
d’après
Sv/Twhé |
1 000 ans |
10 000 ans |
100 000 ans |
1 000 000 ans |
résidus
miniers |
720 000 |
660 000 |
260 000 |
65 |
uranium
appauvri |
24 000 |
35 000 |
140 000 |
570 000 |
uranium de
retraitement |
21 000 |
48 000 |
220 000 |
140 000 |
plutonium, neptunium,
américium, curium et produits de fission ensemble |
310 000 000 |
77 000 000 |
4 000 000 |
380 000 |
contribution en % de
chacun des éléments à la toxicité de la ligne
précédente : |
|
|
|
|
·
plutonium |
90 % |
97 % |
93,6 % |
69,4 % |
·
neptunium |
- |
- |
1,4 % |
18,1 % |
·
américium |
9,2 % |
2,5 % |
2,9 % |
9,4 % |
·
curium |
0,3 % |
0,4 % |
- |
- |
· produits de fission à vie
longue |
0,0006 % |
0,0024 % |
0,034 % |
0,13
% |
Plusieurs remarques importantes doivent être faites sur la base
de ce tableau.
La première qui porte sur le plutonium, a déjà été
faite dans ce rapport mais mérite d’être rappelée. Le plutonium
contribuant pour plus de 90 % à la radiotoxicité totale du
combustible irradié, pendant une période de 100 000 ans, il est
absurde de se préoccuper de la transmutation des actinides mineurs
si le plutonium lui-même n’est pas éliminé dans du Mox ou dans des
RNR.
La deuxième remarque est que les produits de
fission contribuent potentiellement très peu à la radiotoxicité, à
condition d’être emprisonnés suffisamment efficacement pour ne pas
être emporté par les eaux souterraines.
La troisième remarque est qu’au-delà d’un million
d’années, la radiotoxicité de l’uranium appauvri issu de
l’enrichissement possède un impact supérieur à celui des actinides
et des produits de fission à vie longue. Si l’on veut, par une
ambition extrême, se préoccuper de cette échéance du million
d’années, alors le cercle des recherches doit s’étendre à d’autres
domaines non encore couverts.
La quatrième remarque est que l’ordre de grandeur
de la toxicité des produits de fission à vie longue est proche de
celui des résidus miniers. Il y a donc lieu de s’interroger sur
l’ascension de ces derniers dans le palmarès des priorités de
recherche.
- deux questions difficiles : la vitesse et le rendement de la
transmutation
7 ans après que la loi du 30 décembre 1991 a
clairement indiqué l’importance des études sur la transmutation des
déchets radioactifs de haute activité et à vie longue, force est de
constater la rareté des données chiffrées sur les deux paramètres
clés de l’intérêt de cette solution que sont la vitesse et le
rendement probables de la transmutation. Or il s’agit bien
évidemment de données fondamentales, puisqu’elles conditionnent en
particulier le nombre d’installations à prévoir pour effectuer cette
opération. L’interrogation de base est la suivante : combien
d’incinérateurs faudra-t-il installer pour traiter les déchets de
l’ensemble du parc ?
- une dizaine d’années pour transmuter ?
Le tableau suivant donne les résultats de calculs
neutroniques effectués à la fin des années 70 pour éclairer la
faisabilité de la transmutation en recourant aux réacteurs à eau
pressurisés et aux réacteurs à neutrons rapides. Les résultats de
ces calculs sont rien moins que décevants.
Tableau 40 : durée en années de
transmutation d’actinides mineurs en réacteurs REP ou RNR, ,
filière/années |
Np 237 |
Am 241 |
Am 243 |
Cm 243 |
Cm 244 |
REP : |
|
|
|
|
|
90 % détruits |
6,4 |
1,7 |
4,2 |
2,6 |
14,2 |
90 % détruits par fissions
cumulées |
15 |
15 |
30 |
9 |
27 |
RNR : |
|
|
|
|
|
90 % détruits |
11 |
9 |
11 |
6 |
19 |
90 % détruits par fissions
cumulées |
24 |
30 |
30 |
15 |
27 |
On atteint en effet dans les réacteurs REP et RNR
des rendements de quelques pour cents à quelques dizaines de pour
cents. La durée de séjour doit atteindre une dizaine d’années pour
atteindre un rendement de 90 % sur les actinides initiaux et les
corps lourds formés à partir d’eux.
- de 7 à 12 RNR pour réduire les flux d’actinides
mineurs
A la demande de vos Rapporteurs, le CEA a procédé à
des évaluations des réductions possibles des flux d’actinides
mineurs suivant la composition du parc nucléaire. La référence des
calculs correspond à une situation proche de l’actuelle,
c’est-à-dire un parc d’une puissance de 60 MWe, produisant
annuellement 400 TWh mais fonctionnant entièrement avec le
combustible standard à l’oxyde d’uranium.
Par rapport à ce parc, le CEA construit dans ce
raisonnement des parcs fictifs comprenant une part de RNR allant de
14 % à 20 % du nombre total de réacteurs.
Tableau 41 : ordres de grandeur des réductions
des flux d’actinides mineurs dans des parcs mixtes REP UOx – REP Mox
– RNR
puissance installée : 60 GW
production annuelle :
400 TWh |
Parc 1 |
Parc 2 |
type de réacteur |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
composition du parc |
100 % |
0 |
0 |
70 % |
16 % |
14 % |
taux de combustion en GWj/t |
55 |
55 |
140 |
mode de gestion |
cycle ouvert (stockage direct) |
multirecyclage du Pu : 2 passages en REP,
multirecyclage en RNR |
|
Pu |
AM |
total |
Pu |
AM |
total |
flux annuel de déchets (tonnes) |
11,6 |
1,5 |
13,1 |
0,03 |
3,2 |
3,23 |
facteur de réduction de masse des
déchets |
réf. |
4 |
Tableau 42 : ordres de grandeur des réductions
des flux d’actinides mineurs dans des parcs mixtes REP UOx – REP Mox
– RNR (suite et fin)
puissance installée : 60 GW
production annuelle :
400 TWh |
Parc 3-a |
Parc 3-b |
type de réacteur |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
composition du parc |
70 % |
10 % |
20 % |
70 % |
10 % |
20 % |
taux de combustion en GWj/t |
55 |
140 |
55 |
140 |
mode de gestion global du
combustible |
multirecyclage du plutonium et incinération
des actinides mineurs |
multirecyclage du plutonium et incinération
des actinides mineurs |
mode de traitement des actinides |
recyclage homogène du Np mélangé au Pu ;
multirecyclage des cibles d’Am et de Cm |
recyclage homogène du Np mélangé au Pu ;
monorecyclage des cibles d’Am et de Cm (retrait des cibles dès
que taux de fission égal à 90 %) |
|
Pu |
AM |
total |
Pu |
AM |
total |
flux annuel de déchets (tonnes) |
0,03 |
0,08 |
0,11 |
0,03 |
0,22 |
0,25 |
facteur de réduction de masse des
déchets |
120 |
50 |
On constate qu’il est possible de réduire d’un
facteur 4 le flux annuel de plutonium et d’actinides mineurs, avec
14 % de RNR et 16 % de REP moxés (parc 2). En langage
" décodé ", cela veut dire que l’on a une proportion d’un
RNR pour 5 REP, soit 7 à 8 RNR au total, en prenant comme hypothèse
que les réacteurs à neutrons thermiques ou à neutrons rapides sont
d’une puissance de 1 000 MWe.
Avec un parc encore plus important de RNR, soit
avec un RNR pour 3 à 4 REP, et avec un mode de traitement
particulier des actinides, il est possible d’atteindre un facteur de
réduction des flux de plutonium et d’actinides mineurs allant de 50
à 120.
Deux remarques sont à faire sur ces premiers
résultats, qui, comme les précédents, sont décevants pour l’avenir
de la transmutation.
D’une part, même dans l’hypothèse maximaliste (parc
3-a du tableau précédent, c’est-à-dire 12 RNR sur 60 réacteurs), il
reste une quantité incompressible d’actinides mineurs, soit 80
kg/an : le rendement de la réaction n’est pas égal à
100 %.
D’autre part, même pour atteindre une réduction
d’un facteur 4, il est nécessaire de mettre en place un parc d’une
configuration très sensiblement différent de celui qu’a la France,
surtout après la fermeture de Superphénix. En effet, pour obtenir
cette réduction d’un facteur 4, on doit recourir à 7 à 8 RNR pour
récupérer au final deux fois plus d’actinides que par rapport à la
situation de référence. Situation paradoxale, qui permet de douter
de l’intérêt de la démarche.
Ces premières approches nécessitent bien entendu
d’être confirmées. Si elles l’étaient, sans doute entendrait-on
sonner le glas pour la transmutation par les RNR. Le CEA entend
continuer sa réflexion, en essayant notamment d’évaluer l’apport des
réacteurs hybrides.
- le miracle attendu des réacteurs " papier "
Les projets de réacteurs hybrides sont nombreux à
prévoir pour la plupart l’incinération d’actinides. Le tableau
suivant présente les consommations d’actinides mineurs affichées par
les concepteurs.
Tableau 43 : estimation des
quantités d’actinides mineurs transmutables en réacteur hybride
nom du projet |
type de réacteur hybride |
quantités de déchets transmutés par
an |
ATW
(Accelerator for Transmutation of Waste)
– Los Alamos, Etats-Unis |
système hybride
thermique |
· actinides : 675 kg/an
· produits de fission : 75
kg/an |
ADFFT
- Jülich, Allemagne |
système hybride
thermique |
· actinides : 550
kg/an |
ATP
- Jaeri, Japon |
système hybride
rapide |
· actinides mineurs : 250
kg/an |
FSMH
(Fast Molten Salt Hybrid)
- CEA, France |
système hybride
rapide |
· actinides mineurs et
technétium : |
FEA
(Fast Neutron Operated High Power Energy Amplifier)
- C. Rubbia, CERN |
système hybride
rapide |
·
plutonium |
Les chiffres annoncés paraissent avoir une vocation
autant promotionnelle que scientifique. En tout cas, aucune
expérimentation n’a pour le moment démontré leur vraisemblance. Mais
au-delà de ces considérations, certains experts estiment que les
rendements ne pourront dépasser une certaine limite. Dans certains
cas, l’inventaire d’actinides en réacteur, c’est-à-dire le stock de
ces produits ou de plutonium, pourrait augmenter en cours
d’exploitation.
Une autre opinion a été récemment donnée par M.
Claude Détraz, directeur de l’IN2P3, à la commission d’enquête de
l’Assemblée nationale sur Superphénix et la filière des neutrons
rapide. Pour lui, un parc important de réacteurs hybrides serait
nécessaire pour transmuter les actinides mineurs et les produits de
fission issus des réacteurs à eau pressurisée. L’ordre de grandeur
de la quantité d’actinides mineurs transmutables serait d’une tonne
par an avec un réacteur hybride dédié à l’incinération. Par
conséquent, l’ordre de grandeur du parc de réacteurs hybrides qu’il
serait nécessaire de construire, serait de 10 à 15 réacteurs
hybrides, soit un réacteur hybride pour 4 réacteurs à eau
pressurisée REP.
Pour autant, d’autres voies sont aussi explorées,
afin de parvenir à des rendements acceptables. Pour Jean-Paul
Schapira, il est clair que " la présence d’uranium dans les
combustibles conduit non pas à une destruction poussée des actinides
mais à leur stabilisation. La destruction poussée des actinides et
l’amélioration des taux de transmutation requièrent la suppression
de l’uranium et l’augmentation du produit de la section efficace par
le flux ainsi que l’augmentation du rapport
fission/capture ".
Deux types d’installations seraient donc
envisageables pour détruire d’une manière poussée les
actinides : d’une part des réacteurs où le combustible serait
constitué uniquement des actinides à détruire et donc sans uranium
et d’autre part des réacteurs à haut flux.
Les incinérateurs d’actinides présentent pour le
moment des performances médiocres : 18 % d’actinides détruits
par an environ. Les réacteurs à haut flux quant à eux utilisent des
combustibles à uranium hautement enrichi mais produisent malgré tout
du plutonium et des actinides mineurs, même si c’est en quantité
réduite par rapport aux réacteurs classiques.
- la question du tout ou rien
S’il se confirmait que la transmutation ne peut
être réalisée à 100 %, la question se poserait de l’opportunité de
mettre en œuvre des processus coûteux, longs et eux-mêmes
producteurs de déchets additionnels, le tout pour atteindre une
réduction de volumes, dont on sait par ailleurs qu’ils sont en
réduction constante grâce aux progrès faits en matière de
concentration des matières radioactives et de compactage des
conditionnements.
Un critère de décision, le moment venu, sera, sans
conteste, le gain attendu de la séparation-transmutation, par
rapport à la situation de départ.
On a vu précédemment que la réduction de volume des
déchets concerne principalement les déchets B avec le compactage des
coques et embouts et l’utilisation du béton pour les déchets
technologiques. Seule une stabilisation des volumes est probable à
technologie constante avec les verres contenant les déchets C
(actinides mineurs et produits de fission). Toutefois, il n’est pas
exclu qu’à l’avenir d’autres techniques d’immobilisation fassent
leur apparition. De toute façon, les volumes en cause sont faibles
pour les déchets de haute activité à vie longue : 5 000
m3 en 2020.
L’intérêt de la transmutation est de diminuer la
quantité de déchets de ce type. Mais il faudra, à supposer que les
techniques de séparation et de transmutation soient opérationnelles,
rapporter leur coût au gain obtenu en termes de réduction de volume
et du nombre de gigabéquerels. Il n’est pas sûr alors que la
solution du stockage définitif ne l’emporte.
3. Le choix de l’entreposage ou du stockage et la problématique
de la réversibilité
Alors que l’opinion dominante des acteurs de la
filière nucléaire était à la fin des années 80 de considérer le
stockage définitif en profondeur comme la seule solution rationnelle
pour gérer les déchets radioactifs à haute activité et à vie longue,
la loi du 30 décembre 1991 a diversifié les approches en
introduisant non seulement l’idée de la séparation-transmutation
étudiée précédemment mais aussi celle de la réversibilité du
stockage en profondeur et enfin celle du conditionnement et de
l’entreposage de longue durée en surface.
L’attention tant du Gouvernement que des cercles
suivant de près la gestion des déchets nucléaires se porte depuis
peu mais avec un intérêt croissant sur le stockage ou l’entreposage
en sub-surface et sur la notion connexe de réversibilité.
En réalité, les efforts de réflexion sur cet axe de
recherche, qui avaient pris un retard dénoncé dès 1996 par l’Office,
ne font que débuter. Certaines difficultés de fond commencent à
apparaître. Vos Rapporteurs ne prétendent pas dans ce chapitre clore
la recherche sur le sujet mais essayer de mettre en évidence les
arbitrages qui seront vraisemblablement nécessaires et introduire
une réflexion sur les critères de choix à mettre au point dans cette
perspective.
La question de la sûreté du stockage en couche
profonde est examinée dans un premier temps, notamment à la lumière
des résultats des modèles de dissolution élaborés par le CEA et à
l’aune des études réalisées sur les réacteurs nucléaires naturels
que l’on peut trouver au Gabon.
Ces éléments sont ensuite comparés avec les
contraintes générées par la présence des dépôts de déchets en
surface ou en sub-surface.
La notion de réversibilité est enfin abordée
notamment au regard de sa durée de mise en œuvre et de son coût.
Introduction
Pour dégager la problématique de l’entreposage et
du stockage des déchets, il est indispensable de rappeler la
classification française des déchets radioactifs et leur mode de
conditionnement. Un récapitulatif des politiques de gestion des
déchets à l’étranger est également présenté ci-après.
- la classification française des déchets
radioactifs
Pour resituer le problème des déchets à haute
activité et à vie longue dans un cadre d’ensemble, on trouvera dans
le tableau suivant la classification française des déchets, ainsi
que les volumes générés annuellement et les stocks.
Tableau 44 : classification française des
déchets radioactifs et estimations des volumes
type de déchet |
nature, origine et
conditionnement |
activité |
durée
de vie |
quantités/an |
stocks |
Déchets TFA (très
faible act.) |
· gravats et ferrailles,
démantèlement (prochainement)
· pas de conditionnement
spécifique |
1 - 100 Bq/g |
|
4 000 m3/an |
· 9 millions m3 en 2020 – pas de
décision pour site |
Déchets FA (faible
activité) |
· déchets radifères issus du
traitement de l’uranium au sortir de la
mine |
100 –
100 000 Bq/g |
vie longue (30-10 000
ans) |
2 800 m3/an |
· pas d’estimation précise – pas
de décision pour site |
Déchets A |
· résines, filtres, gants,
etc. : exploitation des centrales, des usines de
retraitement, des labos médicaux ou industriels, etc.
· blocs de
béton |
1 000 - X00 000
Bq/g |
vie courte (<30
ans) |
· 20 000 m3/an
dont 4 000 m3 issu du retraitement ;
· 90 % des déchets produits
annuellement |
· 520 000 m3 sur le centre de
stockage de surface de la Manche
· actuellement 50 000 m3 à
Soulaines (capacité max : 1 million m3 ;
saturé en 2045) |
Déchets B |
· déchets produits lors du
retraitement et de la fabrication du plutonium
· coques et embouts provenant
des gaines de combustible
· boues issues du
retraitement
· matrice de béton, de bitume ou
de verre enchâssée dans du béton
· résidus métalliques compressés
dans containers d’inox |
X00 000 Bq/g |
vie longue |
3 000 m3/an |
· selon le Gvt :
57 000 m3 en 2020 |
Déchets C |
· déchets du retraitement :
PFVL et AM
· par extension combustible
irradié non retraité, |
milliards de
Bq/g |
vie courte
ou longue |
· verres : 200 m3/an
· combustible irradié non
retraité : 350 t/an |
· verres : selon le
Gvt : 5 000 m3 en
2020 |
Ainsi que cela a été vu plus haut, les déchets au
centre des attentions, sont ceux qui présentent la double
caractéristique d’être fortement radioactifs et d’avoir une période
longue. Les déchets C sont les " résidus du
retraitement ". Par extension voire abus de langage, si
l’on considère qu’ils ne seront " jamais "
retraités, les combustibles non retraités peuvent être considérés
comme des déchets C, de par leur radioactivité.
- le conditionnement des déchets
Le tableau précédent indique en particulier le type
de conditionnement utilisé pour chaque catégorie de déchets. On se
contentera ici de mettre l’accent sur les points critiques et les
évolutions en cours.
S’agissant du conditionnement des déchets B, une
évolution se produit à l’heure actuelle, avec pour objectif
d’améliorer à la fois la sûreté et la compacité des colis.
Le conditionnement d’origine pour les déchets B
était le béton, avec comme inconvénient des volumes relativement
importants par unité de volume de déchet. Le passage à un enrobage
par du bitume a permis de réduire les volumes résultants et
d’améliorer la résistance à la lixiviation, le bitume étant à la
fois étanche et très insoluble dans l’eau. Des difficultés existent
pour le bitumage de produits organiques car la température élevée
des bitumes lors du coulage peut échauffer et vaporiser d’éventuels
produits organiques. Un incident a d’ailleurs eu lieu en 1997 à
l’usine de Tokai Mura au Japon. Un feu s’est déclenché en phase
chaude de l’opération d’enrobage, avec dégagement d’aérosols et
explosion résultante.
Cogema a désormais pour objectif d’abandonner le
bitume des déchets B et de recourir au même milieu d’enrobage que
pour les déchets C, c’est-à-dire le verre ou la céramique. Ceci
vaudrait aussi bien pour les déchets technologiques que pour les
boues de retraitement. Les coques et embouts seraient, eux,
compactés sous forme de galettes non enrobées et placées dans des
containers d’inox de mêmes dimensions que les colis de verres.
S’agissant des déchets C, la pratique actuelle est
de recourir au mélange des solutions concentrées à du verre en
fusion, qui est ensuite refroidi pour donner un cylindre de verre.
La vitrification est un procédé qualifié industriellement qui permet
d’atteindre des durabilités très importantes – de 2 000 ans à 100
000 ans (voir ci-dessous) -. Mais d’autres matériaux sont
actuellement à l’étude, notamment les céramiques.
- les politiques nationales de gestion des déchets
radioactifs
Nombreux sont les pays de l’OCDE à avoir opté
d’ores et déjà et résolument pour une politique de gestion des
déchets.
Ainsi l’Allemagne a pris le parti du stockage en
profondeur pour l’ensemble de ses déchets radioactifs. Les anciennes
mines de sel ou de fer ont été utilisées pour réaliser des études de
comportement. Il est prévu, sauf enseignement négatif de celles-ci,
de passer ensuite à la phase de stockage. Recourant à une politique
mixte de retraitement et de stockage direct, l’Allemagne n’a
toutefois pas encore réglé concrètement le problème des combustibles
irradiés et celui des déchets hautement radioactifs issus du
retraitement. La Belgique a aussi opté pour le stockage souterrain,
en sub-surface pour les déchets A et B et à grande profondeur pour
les déchets C.
S’agissant des laboratoires d’étude du stockage en
profondeur, la plupart des pays en possèdent. La Suisse se signale
par son souci d’explorer en détail cette option, avec ses deux
laboratoires de Grimsel en milieu granitique et du Mont Terri en
milieu argileux.
Tableau 45 : gestion des déchets dans certains
pays de l’OCDE ,
pays/stratégie |
Déchets de faible et moy. activité à vie
courte |
Déchets de haute activité à vie
longue |
Combustible
irradié |
Laboratoire souterrain |
Allemagne
• 21 réacteurs
• retraitement et stockage direct
• entreposage en vue du stockage à grande profondeur de
tous les déchets
• stockage direct des combustibles usés autorisé depuis
1994 |
• stockage à Morsleben depuis 1981 dans ancienne mine de
sel (anciennement en RDA)
• stockage en cours d’autorisation à Konrad dans ancienne
mine de fer ; -800 – 1000 m ; date de
démarrage : 2001 |
• entreposage à sec des déchets provenant du retraitement
à Gorleben, Ahaus et Greifswald |
• entreposage en piscine sur les centrales
• centres d’entreposage de Gorleben définitivement
autorisé début 1998 (à sec), Ahaus en fonctionnement (à sec)
et Greifswald (piscine)
• stockage profond prévu |
• Konrad : mine de fer ; études depuis 1976
• Asse : -1000m ; sel ; études depuis
1978
• Gorleben : -900m ; sel sous couverture de
gypse ; études depuis 1986
• Morsleben : - 525m ; sel ; études dans
les années 60 |
Belgique
• 7 réacteurs
• retraitement du combustible |
• entreposage sur les sites des centrales et entrepôt
centralisé en surface à Mol-Dessel
• projet de stockage en
sub-surface |
• entreposage à Mol-Dessel
• stockage en profondeur dans l’argile
prévu |
• entreposage sur le site des centrales, avant
retraitement |
• Mol-Dessel : -230m ; argile de Boom ;
depuis 1983 |
Canada
• 22 réacteurs Candu
• pas de retraitement
• importance des résidus des mines d’uranium |
• entreposage à Bruce, Chalk River et
Whiteshell |
|
• entreposage à sec sur le site des centrales
• projet de stockage à –500/-1 000 m dans le bouclier
canadien |
• Underground Research Laboratory au Lac du Bonnet
(Manitoba) : -240/-420 m ; granite ; depuis
1984 |
Etats-Unis
• 109 réacteurs
• retraitement abandonné officiellement en 1992
• typologie particulière : a) déchets de faible
activité ; b) transuraniens (matières contaminées par
émetteur a ) |
• déchets de faible activité
• entreposage sur le site |
• transuraniens : a) entreposage de différents
types
b) stockage géologique dans couche de sel : WIPP
(Waste Isolation Pilot Plant) : - 655m Nouveau
Mexique ; entrée en service en 1998 ; caissons de
béton ; reprise possible |
• entreposage du combustible irradié des réacteurs
commerciaux en piscine et installation MRS en projet (centre
de stockage réversible : piscines, casemates
modulaires, conteneurs scellés placés dans modules en
béton |
• Yucca Mountain (Nevada) : ± 300 m ;
tuf ; depuis
1983 |
Tableau 46 : gestion des déchets dans certains
pays de l’OCDE , (suite)
pays/stratégie |
Déchets de faible et moyenne activité à vie
courte |
Déchets de haute activité à vie
longue |
Combustible
irradié |
Laboratoire souterrain |
Etats-Unis
(suite)
c) déchets de haute activité stockés sous forme liquide d)
combustibles irradiés |
|
|
• entreposage des combustibles irradiés et des déchets de
haute activité du DOE sous forme liquide à Hanford, en Idaho
et à Savannah River
• stockage envisagé à Yucca Mountain (Nevada) :
galeries accessibles par rampes |
|
Finlande
• 4 réacteurs : 2 BWR à Olkiluoto ; 2 VVER à
Loviisa
• abandon du renvoi du combustible en Russie en
1996 |
• entreposage sur le site des centrales (Loviisa et
Olkiluoto) ;
• stockage en sub-surface sur les sites des
centrales : a) Olkiluoto (-60m sous le niveau de la
mer ; silos remblayés ; entrée en service en
1992) ;
b) Loviisa (-110m ; construction achevée en
1997) |
|
• entreposage sur le site des centrales
• étude d’un stockage irréversible à –600 m dans roches
cristallines ; début de construction prévu pour
2010 |
• études de caractérisation seulement pour 3 sites
• études dans les centres de stockage en sub-surface
d’Olkiluoto et de Loviisa |
Japon
– 50 réacteurs
– retraitement du combustible |
• stockage des déchets à faible activité en sub-surface à
Rokkasho-Mura ; installation mise en service en
1992 |
• entreposage des déchets liquides de haute activité à
Tokai |
• entreposage en piscine sur le site des centrales et à
Rokkasho-Mura pour le combustible en attente de
retraitement
• projet de stockage en couche profonde des déchets C
vitrifiés |
• projet de construction de labo souterrain à
Horonobe |
Tableau 47 : gestion des déchets dans les pays
de l’OCDE , (suite et fin)
pays/stratégie |
Déchets de faible et moyenne activité à vie
courte |
Déchets de haute activité à vie
longue |
Combustible
irradié |
Laboratoire souterrain |
Royaume-Uni
• 2 usines de retraitement à Sellafield (Cumbria) :
l’une pour le combustible Magnox et l’autre (Thorp), pour le
comb. AGR et REP |
• déchets de moyenne activité :
a) entreposage sur le site
b) stockage envisagé à grande profondeur près de
Sellafield (-650m) |
|
|
|
Suède
• 12 réacteurs
• abandon du retraitement après recyclage de 140
t |
• entreposage sur les sites
• stockage irréversible SFR en sub-surface de Forsmark
(sous la Baltique et sous 60 m de soubassement
rocheux) : silos et cavités
remblayés |
|
• entreposage en piscine sur le site des centrales (1-5
ans) et sur le centre de sub-surface CLAB (près
Okarshamn ; -30m);
• projet de stockage souterrain irréversible à –500m
(assemblages combustibles placés dans cylindres d’inox
eux-mêmes logés dans containers en cuivre installés dans
cavités remplies de bentonite) |
• construction du laboratoire souterrain d’Äspö achevée
en 1994 : 3,6 km de tunnel menant à –460m dans le
granite ;
• études sur le granite depuis 1977 dans une ancienne
mine de fer à Stripa |
Suisse
• 5 réacteurs
• retraitement partiel (2/3) à l’étranger |
• à terme stockage géologique |
• centre commun d’entreposage à sec et en surface en
construction à Würenlingen (centre Zwilag) ;
• à terme stockage géologique à -1200m dans socle
cristallin ou à –500-800 m dans l’argile ; dépôt sous
montagne accessible par tunnel |
• entreposage à sec et en surface pendant 40 ans à
Würenlingen ;
• aucune décision définitive pour le combustible non
retraité
• étude d’un stockage en profondeur accessible par
puits |
• Grimsel : granite ; 1 km à l’intérieur d’une
montagne ; études depuis 1984
• Mont Terri : argile, Jura
suisse |
3.1. la sûreté maximale est-elle apportée par le stockage en
couche profonde ?
Le problème posé par les déchets radioactifs à
haute activité et à vie longue est simple à formuler mais évidemment
complexe à résoudre. Certains radioéléments présents dans les
déchets, émetteurs a radiotoxiques ayant
une période de 7 380 années comme l’américium 243 ou de 2 millions
d’années comme le neptunium 237, comment concevoir un stockage
assurant leur immobilisation sur une telle durée dont l’échelle
dépasse en réalité notre entendement ?
Le principe de sûreté du stockage profond est
l’interposition, entre le colis de déchets et les populations
environnantes, d’une barrière dont la dimension est telle que la
migration des radioéléments est très peu probable vers la
surface.
Le sens commun veut que plus le stockage est
profond et plus grande est la sûreté. Avec un dispositif de stockage
en couche géologique profonde, des durées extrêmement longues, de
plusieurs centaines de milliers d’années, peuvent être envisagées,
en termes de stabilité de la présence des radioéléments en
profondeur.
Ceci est vrai à condition qu’aucun lien, artificiel
ou naturel n’existe ou n’apparaisse entre les cavités et la surface.
Les eaux souterraines peuvent éventuellement parvenir sur les
longues durées étudiées à dissoudre les radioéléments. La
circulation naturelle ou provoquée par l’Homme peut alors assurer la
diffusion ou la remontée de ces éléments toxiques. De même, des
forages intempestifs peuvent entraîner une rupture du confinement.
Enfin, des mouvements géologiques doivent être envisagés sur la
durée de référence, entraînant une remontée voire une mise à jour du
centre de stockage.
En réalité, des techniques existent pour maximiser
la sûreté des colis. La première méthode est la multiplication des
barrières. La deuxième consiste en l’utilisation de matrices
d’immobilisation d’une durabilité étendue.
- la multiplication des barrières
Les colis de déchets radioactifs à haute activité
et à vie longue se présentent sous la forme de lingots de verre
coulés dans un container en inox.
La méthode retenue est d’opposer des barrières
successives à la migration éventuelle, par lixiviation, des
radioéléments retenus dans les verres. La figure suivante indique la
forme physique d’un dispositif étudié par le CEA.
Figure 18 : schéma simplifié du
confinement d’un colis de verres contenant des déchets C
Pour piéger avec plus de sûreté les radioéléments,
on place le conteneur en inox dans une deuxième enveloppe, un
cylindre extérieur en acier noir. Puis cet ensemble est placé dans
une enveloppe de béton de dimension largement supérieure, le volume
étant rempli avec de l’argile. Le schéma ci-après récapitule le
système de barrières.
Figure 19 : les barrières successives
garantissant le confinement des radioéléments à haute activité et à
vie longue
colis de verre acier acier argile milieu
40 cm de diamètre inoxydable noir géologique
1m30 de hauteur épaisseur : épaisseur : épaisseur
épaisseur :
» 2 cm » 7 cm
» 30 cm
– 1m » centaine de m
1ère barrière 2ème barrière
3ème barrière
L’approche est de considérer qu’avec un tel
dispositif, l’on dispose de 3 barrières. La première est celle du
cylindre d’acier noir ou surconteneur. La 2ème est celle
de l’argile remplissant l’enveloppe de béton. La troisième est celle
du milieu géologique. Cette approche est très conservative,
puisqu’elle conduit à ne pas tenir compte du pouvoir
d’immobilisation des verres, de la barrière représentée par le
conteneur d’inox, non plus que celle de l’enveloppe de béton.
La même approche est retenue en Suède par les
responsables de SKB pour leurs études du confinement des
combustibles irradiés non retraités. Les assemblages combustibles
sont en effet dans un conteneur en acier inox. Ce conteneur est
lui-même placé dans un surconteneur en cuivre dont les parois font 5
centimètres d’épaisseur. Le surconteneur est alors enfoui dans un
trou que l’on comble avec de la bentonite, un matériau qui s’expanse
rapidement en présence d’eau et devient imperméable.
La multiplication des barrières permet de lutter
efficacement contre le phénomène le plus contraignant vis-à-vis de
la sûreté, à savoir la corrosion par les eaux souterraines.
Celles-ci, basiques et réductrices dans la plupart des cas, ne sont
pas une source de corrosion majeure. La modélisation permet en tout
état de cause de vérifier l’étanchéité à très longue échéance du
stockage.
- un confinement satisfaisant selon les modèles de cinétique de
dissolution
Le CEA a mis au point des modèles mathématiques du
comportement des matrices de verres en situation de dissolution. On
représente la matrice saine, la zone de surface attaquée par la
corrosion, la barrière de diffusion, ainsi que le site environnant.
La conclusion de ces études rejoint l’appréciation intuitive que
l’on peut avoir. D’une part, l’altération de la matrice dépend
fortement de son environnement. D’autre part, l’interposition d’une
barrière ralentit fortement voire stoppe le phénomène.
Sous réserve de vérifications expérimentales, ces
modèles montrent que la durabilité d’une matrice de verre en contact
direct avec une eau basique et réductrice est de 100 000 ans. La
présence de la barrière ouvragée argileuse – le contenu de
l’enveloppe de béton selon le schéma simplifié ci-dessus – permet de
multiplier la durabilité par 100 et d’atteindre 10 millions
d’années. Avec la barrière supplémentaire que constituent les
couches profondes jusqu’à la surface, et que l’on peut considérer
comme infinie, une durabilité de 1011 années est
probable, garantissant, sauf événement accidentel ou géologique, le
piégeage sur la durée requise.
- l’immobilisation naturelle de radioéléments sur des millions
d’années
Le 7 juillet 1972, des chercheurs du CEA Cadarache
découvrent une anomalie dans le minerai d'uranium provenant d'Oklo
au Gabon. Sa teneur en uranium 235 est très inférieure, alors que le
ratio uranium 235 / uranium 238 est toujours le même, aux alentours
de 0,7 %. Un mois plus tard, le CEA confirme que cette anomalie dans
la concentration isotopique résulte de l'existence d'une réaction
nucléaire naturelle. De fait, 16 réacteurs nucléaires sont
découverts au Gabon, entre Oklo et Bangombé dans le plus vieux
bassin sédimentaire du monde, datant de 2 milliards d’années.
Aujourd’hui, les 15 réacteurs naturels d'Oklo ont disparu ou sont en
cours d'exploitation. Les teneurs en uranium y étaient
exceptionnelles - de 60 à 85 % d'uranium. Reste celui de
Bangombé.
Bangombé raconte l'histoire d'un stockage de
déchets radioactifs, réussi à 12 mètres sous terre, pendant 2
milliards d'années. Cette pile atomique naturelle a fonctionné
pendant 500 ans, il y a 2 milliards d’années, puis s’est éteinte.
Les produits de fission radioactifs sont restés piégés quasiment sur
place. L’étude du terrain permet de suivre leur évolution, leur
migration dans la roche et leurs mutations. Exemples inespérés
donnés par la nature, les réacteurs d’Oklo et de Bangombé démontrent
qu’il existe des méthodes d’immobilisation des actinides et des
produits de fission. D’où l’idée de repliquer la nature.
En réalité, l’on trouve à l’état naturel de
nombreuses roches qui conservent à l'état de trace de l'uranium ou
du thorium. Les matrices cristallines correspondantes (silicates de
zirconiums, monazites, apatites) sont des structures stables aptes à
immobiliser des matériaux radioactifs jusqu'à des milliards
d'années.
Ainsi qu’on l’a vu plus haut à propos du plutonium,
des chercheurs français de l'IN2P3 ont réussi à synthétiser un
phosphate de thorium de formule
Th4(PO4)4P2O7
et à remplacer une partie des ions thorium de ce phosphate par des
ions uranium ou plutonium, sans que la structure cristalline du
phosphate de thorium change.
Cette voie de recherche dont l’intérêt est confirmé
par des équipes australiennes et canadiennes, devrait déboucher sur
la possibilité d’immobiliser les radioéléments à haute activité et à
vie longue.
- avec les céramiques, peut-être l’immobilisation des actinides
mineurs et des produits de fission sur 2 milliards d’années, sauf
accident naturel ou provoqué par l’Homme
Les nouveaux matériaux regroupés sous le nom
générique de céramiques regroupent en fait différentes matrices
comme les apatites, déjà présentées plus haut comme intéressantes
pour l’immobilisation du plutonium. Leur intérêt est aussi grand
pour l’immobilisation des actinides mineurs et des produits de
fission à vie longue que pour celle du plutonium. La céramique à
base de phosphate de thorium mise au point par l'IN2P3 permettrait
d'incorporer jusqu’à 40 % de plutonium, 53 % de neptunium ou 75 %
d'uranium sans que sa structure cristalline se modifie.
En réalité, il s’agit de vitro-céramiques préparées
par fusion des matières de départ, fusion suivie d’un
refroidissement qui conduit à la formation d’une solution solide.
Ces (vitro-)céramiques sont beaucoup plus résistantes à la corrosion
que des simples céramiques fabriquées par frittage. Dans ce dernier
cas, on obtient en effet un réseau polycristallin constitué de
cristaux d’une taille de 100 µ avec des joints de grain qui
fragilisent la structure.
Compte tenu de l’importance du sujet, il apparaît
souhaitable à vos Rapporteurs de voir ces techniques explorées
résolument.
- la nécessité de construire au moins deux laboratoires
souterrains profonds
Les thèmes de recherche qui nécessitent des
expériences en laboratoire souterrain sont nombreux. Parmi ceux-ci,
on peut citer la durabilité des conditionnements et des barrières
dans les milieux géologiques profonds, la migration des
radioéléments, les procédés de manutention, de dépôt et de reprise
des colis, etc. Tout cela rend nécessaire la construction des deux
laboratoires - au moins - prévus par la loi du 30 décembre 1991. Au
terme d’un long parcours, le dossier déposé par l’Andra est complet
et dispose des avis favorables nécessaires. Le temps de la décision
est venu.
En janvier 1994 s’achève le processus de
concertation entre les élus, la population et l’Andra, l’opérateur
clé dans le domaine des laboratoires souterrains. Ce processus
original a été animé par votre Rapporteur. Sur la base de ses
recommandations, le Gouvernement choisit 4 zones favorables, dans le
Gard, la Haute-Marne, la Meuse et la Vienne. Les travaux de
reconnaissance géologique subséquents menés par l’Andra, conduisent
au choix de 3 sites : un site argileux à Bure aux confins de la
Haute-Marne et de la Meuse, un autre site argileux à Marcoule près
de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard, et le troisième site, cette fois
granitique, de la Chapelle-Bâton dans la Vienne.
Le 15 mai 1996, le Gouvernement autorise l’Andra à
déposer 3 Dossiers d’Autorisation d’Implantation et d’Exploitation
de laboratoire souterrain (DAIE), ce qui est fait au cours du
2ème semestre de l’année 1996. La DSIN envoie alors les
dossiers aux préfectures concernées en vue du déclenchement de
l’enquête publique prévue par le décret d’application de la loi de
1991. La DSIN fait aussi parvenir pour consultation les dossiers aux
conseils municipaux, généraux et régionaux concernés.
Les enquêtes publiques se concluent toutes les
trois par des avis positifs en 1997. Les préfets donnent également
un avis positif. La très grande majorité des collectivités
concernées manifestent également leur accord aux projets.
Simultanément, à ces procédures locales, la DSIN
transmet les demandes de l’Andra au groupe permanent d’experts, qui
examine les dossiers les 10 et 24 mars, et le 2 avril 1997.
L’analyse poussée à laquelle se livrent ces instances de conseil de
la DSIN, sorte de " parlement de la sûreté
nucléaire " porte sur 3 points : d’une part, le degré
de connaissance et de compréhension des sites au regard des règles
fondamentales de sûreté afférentes, d’autre part la cohérence
d’ensemble du programme de recherche et la stratégie de
démonstration de sûreté globale du stockage et enfin la méthodologie
du programme de recherche.
Le groupe permanent compétent sur l’aval du cycle
donne un avis favorable pour les trois sites. Rappelons que M.
Claude Birraux, député de Haute-Savoie, a assisté en 1991 aux
réunions d’un autre groupe permanent, celui-là chargé des réacteurs,
et qu’il en a apprécié le sérieux.
S’agissant du site de La Chapelle-Bâton, le groupe
permanent note les caractéristiques positive du site en ce qui
concerne les critères importants de la Règle Fondamentale de Sûreté
(RFS III 2 f). Il note qu’il existe selon toute vraisemblance sur le
site, des blocs de granite de faible perméabilité et de dimensions
hectométriques suffisantes pour y aménager un laboratoire d’étude.
Il relève aussi la présence d’aquifères exploités entre la surface
et la couche de granite visée, qui peuvent apporter des
perturbations hydrauliques dans le granite et convient que la
difficulté de caractérisation des fracturations conductrices est en
réalité une difficulté commune à tous les milieux granitiques. Ce
faisant, le groupe permanent donne un avis positif à l’installation
d’un laboratoire souterrain à la Chapelle-Bâton.
Le rapport conclusif de la DSIN remis au
Gouvernement le 1er décembre 1997 indique que les 3
projets de laboratoire souterrain ne présentent aucune
caractéristique rédhibitoire et conclut à la qualification des
formations géologiques spécifiques locales. La DSIN établit un ordre
de priorité technique, en classant n°1 le site de Bure, n°2 le site
du Gard et n°3 le site de la Chapelle-Bâton. A propos de ce
3ème site, la DSIN précise " qu’un laboratoire
n’aurait que peu de chances de déboucher sur un stockage, compte
tenu des réserves techniques émises ".
Vos Rapporteurs estiment que le site de la Vienne
ne doit pas être écarté pour deux raisons essentielles.
La première est que les laboratoires sont
considérés comme des instruments d’étude par la loi de 1991.
Certains veulent voir ces laboratoires comme des outils de
qualification d’un stockage géologique répondant à l’impératif de la
loi de 1991 à l’échéance de 2006. Au contraire, l’esprit de la loi
veut qu’il s’agisse d’abord d’un instrument de recherche. Or le site
de la Vienne correspondant au granite apporte une diversité de
milieu géologique face à l’argile des deux autres sites. Il offre
donc une option supplémentaire.
Par ailleurs, la majorité des laboratoires en
profondeur – 4 sur 7 – construits par d’autres pays se trouvent en
milieu granitique. Les comparaisons internationales notamment avec
les pays étudiant le stockage direct des combustibles usés seraient
possibles et viendraient enrichir la connaissance du sujet.
- des investissements et des coûts d’exploitation à la portée de
la filière
Le coût de construction des 3 laboratoires est
estimé par l’Andra à 2,694 milliards de F. Les dépenses déjà
faites s’élèvent à 1,73 milliard de F. Le tableau suivant indique
les coûts annuels de fonctionnement et d’expérimentation, coûts qui
varient fortement selon la période considérée – étude, construction,
expérimentation.
Tableau 48 : budget
d’investissement et de fonctionnement des 3 laboratoires de
l’Andra
|
1994-1997 |
1998-2001 |
2002-2006 |
total |
durée (année) |
4 |
4 |
4 |
12 |
coûts annuels (millions de
F) |
|
études
préliminaires |
433,5 |
|
|
1734 |
exploitation
technique |
|
|
345,0 |
1380 |
études |
|
|
418,3 |
1673 |
expérimentations |
|
|
359,8 |
1439 |
communication |
29,1 |
29,1 |
29,1 |
349 |
mesures
d'accompagnement |
136,8 |
136,8 |
136,8 |
1641 |
conseil
scientifique et commission nationale d'évaluation |
1,5 |
1,5 |
1,5 |
18 |
coût de
fonctionnement annuel |
600,8 |
167,3 |
1 290,3 |
- |
cumul sur la
période |
2 403,3 |
669,3 |
5 161,3 |
8234 |
construction (millions de F) |
|
2 694 |
|
|
total
général en millions de F pour période 1994-2006 |
|
|
|
10
928 |
Les coûts du tableau précédent sont à comparer avec
les budgets des laboratoires souterrains construits et exploités
dans d’autres pays. Des données fragmentaires existent pour la
Suède, la Belgique et le Canada. Il semble que le coût moyen annuel
d’investissement et de fonctionnement d’un laboratoire proposé par
l’Andra soit au milieu de la fourchette des coûts affichés dans ces
trois pays.
3.2. les contraintes de sûreté de la surface ou de la
sub-surface
Ainsi qu’il a été dit plus haut, les travaux de
réflexion approfondie sur l’entreposage en surface ou en sub-surface
ont réellement commencé en France au milieu de l’année 1997, avec un
retard certain par rapport à ceux menés sur les deux premières voies
de recherche.
Toutefois, ces réflexions sont loin de partir de
zéro. L’on dispose en effet d’une expérience de l’entreposage en
surface avec les installations Cascad du CEA Cadarache et EVT7 de
Cogema La Hague. Différentes problématiques apparaissent d’ores et
déjà avec netteté.
- le retour d’expérience de Cascad, installation d’entreposage
de combustibles irradiés
L’installation Cascad, mise en service en 1990,
assure l’entreposage à sec pour une durée maximale de 50 ans des
combustibles EL4 de Brennilis et des combustibles des réacteurs
embarqués de propulsion navale. Le retour d’expérience de Cascad est
pertinent pour l’entreposage à sec des combustibles irradiés mais
aussi pour celui des colis de verres contenant des déchets C
(actinides mineurs et produits de fission). Sa capacité est de 315
puits dont un tiers environ seulement est occupé à la mi-98. Les
trois priorités de construction de l’installation ont été le
confinement des produits, l’évacuation de la puissance thermique et
la tenue des équipements au séisme. La ventilation s’effectue par
convection naturelle auto-régulée.
Le bilan de cette installation est largement
positif : aucun problème sérieux de sûreté ou de manutention
n’est apparu au cours des 7 premières années d’exploitation, mis à
part les trois pannes de la ventilation nucléaire qui ont été sans
gravité compte tenu du large délai large pour intervenir, donné lors
de la conception. L’autorisation de fonctionnement est donnée pour
50 ans. Il ne paraît pas impossible qu’elle puisse être étendue le
moment venu.
En tout état de cause, l’expérience Cascad nourrit
la réflexion des équipes chargées au CEA du projet
" Entreposage de Très Longue Durée " (ETLD). Avec
les premières ébauches élaborées par le CEA et exposées à vos
Rapporteurs, apparaissent les lignes de force des difficultés à
résoudre et des arbitrages à prendre.
- des précautions multiples pour assurer la sûreté en surface et
en sub-surface
Plusieurs concepts d’entreposage sont à l’étude au
CEA. L’entreposage en surface ou en sub-surface n’est un problème
simple qu’à moyen terme. Au-delà des 50 années correspondant à
l’exercice actuel de Cascad, la durabilité exige des approches et
des techniques nouvelles. Les figures suivantes présentent divers
concepts retenus comme base de travail. Ces schémas sont utiles pour
toucher du doigt la complexité de la problématique du
" provisoire de longue durée ".
Figure 20 : divers concepts d’entreposage de
très longue durée en surface
Figure 21 : divers concepts d’entreposage de
très longue durée en sub-surface
La première contrainte de la surface et de la
sub-surface provient de la nécessité d’une surveillance permanente,
même à distance, des installations. Le risque d’intrusion est
évidemment plus élevé qu’en stockage profond. Les conséquences d’un
éventuel relâchement de radioactivité sont plus immédiates. Cette
surveillance doit porter à la fois sur la sécurité physiques des
installations et sur leur sûreté.
La circulation des eaux de surface ou des eaux
souterraines est un exemple de paramètre fondamental pour la sûreté
et dont il faut pouvoir anticiper les évolutions à long terme.
L’objectif est double en la matière : il faut éviter
l’inondation des locaux d’entreposage et à l’inverse, garantir la
récupération des effluents qui pourraient se former dans
l’installation.
La sûreté de l’entreposage dépend évidemment de la
qualité des équipements mais aussi de l’environnement de ceux-ci.
Dans le cas de l’entreposage en surface, avec une casemate type
Cascad (cas B), l’obturation des entrées ou des sorties d’air
empêche l’évacuation de la chaleur résiduelle et compromet la
sûreté. Dans le cas d’une piscine en sub-surface, il est nécessaire
de prévoir, comme dans l’installation CLAB d’Okarshamm en Suède, la
tenue au séisme du bassin d’immersion, ce qui peut conduire à des
dépenses considérables. La surveillance de l’installation doit donc
comprendre la surveillance de l’environnement utile, ce qui doit
conduire à identifier et à équiper en instruments de contrôle les
zones ayant un impact sur la sûreté du centre d’entreposage.
Au reste, la surveillance des paramètres physiques
de l’entreposage pose en elle-même des questions scientifiques
difficiles. En effet, pour surveiller, il faut définir des seuils
d’alerte. Or, par exemple, pour le moment, on ne connaît pas le
comportement à long terme des combustibles et des gaines. Quels gaz
sont susceptibles de se former dans les assemblages à long
terme ? Quelle sera la diffusion de ces gaz dans les gaines et
quel sera leur impact sur la tenue de celles-ci ? Il faudra
donc connaître avec précision le schéma d’évolution de ces divers
matériaux irradiés. Par ailleurs, l’instrumentation de détection
devra avoir une longévité certaine, ce qui obligera à recourir à des
solutions éprouvées.
- l’opposition ou la complémentarité surface -
sub-surface
L’entreposage en sub-surface prend deux acceptions
principales à l’étranger. D’une part l’utilisation d’une
anfractuosité naturelle ou non dans un relief préexistant à laquelle
on accède par une rampe horizontale. D’autre part une cavité
artificielle située à une profondeur variant d’une dizaine à une
centaine de mètres.
On peut rajouter une autre variante de la
sub-surface. Cette variante est proche de la configuration des
centres de stockage de déchets de faible et moyenne activité. Il
s’agirait d’une tranchée, que l’on saturerait progressivement et que
l’on recouvrirait en fin d’exploitation d’une couche de terre
d’épaisseur significative.
Par rapport à la surface, la sub-surface présente
évidemment une sûreté accrue vis-à-vis des risques d’intrusion ainsi
que de destruction des infrastructures. Ses contraintes
d’exploitation ne sont pas pour autant nulles.
3.3. le prix de la réversibilité
La réversibilité est une notion séduisante en ce
qu’elle laisse ouvert le champ du possible.
La reprise des combustibles usés et des déchets
peut en effet être nécessaire dans différents cas. Le premier cas
est celui d’une perte de confinement dangereuse pour l’environnement
qui obligerait à reprendre les colis pour mieux les conditionner,
par exemple.
Le deuxième cas est celui où la mise au point de
nouvelles techniques de destruction des déchets rendrait possible
une diminution de la radiotoxicité des déchets.
Le troisième cas est celui où les déchets – ou
plutôt les combustibles irradiés dans cette hypothèse – pourraient
voir leur contenu énergétique valorisé parce que les conditions de
marché les rendraient alors compétitifs.
La réversibilité a donc son prix. Mais elle a aussi
un coût important car elle oblige à renforcer les conditions de
sécurité et de sûreté et impose une durabilité inhabituelle à un
ensemble de technologies et d’équipements.
La réversibilité apparaît comme compliquant la
sécurité, sinon comme contraire à celle-ci. La réversibilité
signifie possibilité de désentreposer les colis, de réouvrir ces
derniers et d’en extraire les matières radioactives. Des techniques
d’interdiction de toutes ces étapes aux cas non autorisés devraient
pouvoir être imaginées mais leur coût viendra alourdir les coûts
d’entreposage.
La réversibilité rend plus complexe également le
maintien d’un niveau de sûreté satisfaisant. Les matrices
immobilisant les radioéléments dans la masse, comme les verres ou
mieux les céramiques, devraient, en bonne logique, être abandonnées,
alors qu’elles sont un puissant élément de sûreté. La multiplication
des barrières serait toujours envisageable, avec toutefois des
risques de contournement de celles-ci ou de fuites, puisque ces
barrières devraient être amovibles.
La réversibilité oblige par ailleurs à une
pérennité des équipements de manutention. Cette pérennité peut
résulter de la robustesse et de la simplicité des appareils de
départ. Elle peut aussi être obtenue par une maintenance attentive
et régulière qui viendrait obérer les coûts d’exploitation.
Si la réversibilité était considérée comme une
priorité, il faudrait alors délaisser les solutions sophistiquées et
les équipements spécialisés, sauf à accroître les coûts
d’entreposage. Mais dans cette hypothèse, il apparaît clairement que
la simplicité et le caractère standard des équipements de transport
ou de levage ne militent pas en faveur de la sécurité.
Au final, la réversibilité pourrait favorablement
être limitée dans le temps. Un compromis pourrait être trouvé avec
le coût et la sûreté.
Si l’on prend le cas d’un entreposage en
sub-surface avec l’insertion des colis dans des puits verticaux ou
horizontaux, l’on peut imaginer que la réversibilité soit fonction
du taux de remplissage. Dès qu’un puits serait saturé, il serait
obstrué, par exemple avec de la bentonite. Il en serait de même pour
une galerie puis pour un niveau de stockage, etc. En fonction des
dimensions de l’entrepôt, on pourrait optimiser la réversibilité
avec le coût et la sûreté de l’installation.
En réalité, un optimum devrait pouvoir être dégagé,
pour chaque type d’installation, entre la durée de la réversibilité,
le coût de l’entreposage et le niveau de sûreté de celui-ci.
3.4. la charge pesant sur les générations
futures
Le débat sur la réversibilité a comme fondement la
question de la charge que la mise en œuvre de l’énergie nucléaire
fait peser sur les générations futures.
Faut-il résoudre définitivement le problème de la
gestion des déchets, en les stockant d’une manière aussi sûre que
possible - et en tout cas irréversible
- de façon que les générations futures
n’aient, sauf accident, aucune obligation de gestion, de contrôle et
de surveillance ?
Faut-il au contraire préférer une gestion
consciente et donc un suivi permanent de génération en génération
pour surveiller, contrôler et éventuellement reprendre les déchets
si cela présente un avantage ?
La discussion sur ces questions ressort de
l’éthique mais elle gagnerait à être nourrie par une évaluation des
coûts des solutions alternatives. Des calculs de probabilité
devraient en outre pouvoir éclairer la décision en la matière, bien
que ce genre d’exercice soit particulièrement complexe et
périlleux.
En définitive, compte tenu des durées moyennes
d’activité des radioéléments présents dans les déchets, il reste de
toute façon à inventer, les moyens de transmettre une information
complète sur les installations d’entreposage ou de stockage et sur
leurs contenus, à l’horizon de plusieurs dizaines de milliers
d’années.
3.5. la nécessité d’éviter des décisions
hâtives
La tentation est grande pour les intervenants ou
les observateurs de l’aval du cycle de se livrer au jeu de
l’ordonnance " minute " du docteur ès déchets, en
affectant telle catégorie de déchets à tel type de dépôt, sur la
base d’analyses au demeurant incomplètes en l’état actuel des
connaissances.
Vos Rapporteurs en tout cas s’y refusent. Les
réflexions sérieuses sont engagées depuis peu. Il manque encore des
pans entiers de connaissances, notamment sur les durabilités, la
sûreté et les coûts.
Certes, de nombreux pays ont déjà fait des choix
clairs en la matière. Mais l’intervalle de temps qui nous sépare du
rendez-vous de 2006 fixé par la loi du 30 décembre 1991 est
précisément fait pour accumuler les données et dégager les critères
de décision qui permettront une décision rationnelle à cette date,
et seulement à cette date.
4. Le jeu institutionnel : réussites et
débordements
La mise en œuvre des axes de recherche définis par
la loi de 1991 exige des efforts continus de la part d’un nombre
important d’opérateurs de la filière nucléaire. Il semble essentiel
important à vos Rapporteurs de faire le point sur les stratégies
individuelles en la matière et sur la coopération indispensable
entre les acteurs. A cet égard, vos Rapporteurs notent avec
satisfaction davantage de réussites que de débordements ou
d’insuffisances.
4.1. La commission nationale d’évaluation : du jury de
thèse au gouvernement mandarinal
La commission nationale d’évaluation a été
instituée par la loi du 30 décembre 1991. Dans la préparation de
cette loi, l’Office parlementaire d’évaluation des choix
scientifiques et technologiques a joué un rôle clé qui a été reconnu
unanimement par tous les observateurs du dossier de la gestion des
déchets nucléaires. L’Office parlementaire, par la voix de vos
Rapporteurs, est d’autant plus libre aujourd’hui de signaler une
certaine dérive des pratiques, dérive qui n’est pas, au minimum,
compatible avec l’esprit de la loi.
La loi impose un certain type de rapports entre la
commission nationale d’évaluation, le Gouvernement et le Parlement.
Un glissement des pratiques semble s’être produit, au détriment de
l’esprit de la démarche globale qui a présidé à l’élaboration de la
loi de 1991. Il semble également que la répartition des rôles des
différents acteurs de la filière nucléaire s’infléchit dans un sens
qui n’est pas souhaitable.
Ce sont ces points qui sont soulignés dans la
suite, sans, bien entendu, qu’il entre dans les intentions de vos
Rapporteurs de mésestimer en quoi que ce soit les apports de la
commission nationale d’évaluation.
- la mission fixée par la loi : aider le Gouvernement à
informer le Parlement
Dans son article 4, la loi n° 91-1381 dispose
que :
" Art. 4. - le Gouvernement adresse
chaque année au Parlement un rapport faisant état de
l’avancement des recherches sur la gestion des déchets
radioactifs à haute activité et à vie longue et des
travaux qui sont menés simultanément pour :
- la recherche des solutions permettant la
séparation et la transmutation des déchets radioactifs à vie
longue présents dans ces déchets ;
- l’étude des possibilités de stockage
réversible ou irréversible dans les formations géologiques
profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires
souterrains ;
- l’étude de procédés de conditionnement et
d’entreposage de longue durée en surface de ces déchets.
A l’issue d’une période qui ne pourra excéder
quinze ans à compter de la promulgation de la présente loi, le
Gouvernement adressera au Parlement un rapport global
d’évaluation de ces recherches accompagné d’un projet de loi
autorisant, le cas échéant, la création d’un centre de
stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie
longue et fixant le régime des servitudes et des sujétions
afférentes à ce centre.
Le Parlement saisit de ces rapports l’Office
parlementaire des choix scientifiques et technologiques.
Ces rapports sont rendus publics.
Ils sont établis par une commission
nationale d’évaluation, composée de :
- six personnalités qualifiées, dont au moins
deux experts internationaux, désignées, à parité par
l’Assemblée nationale et par le Sénat, sur proposition de
l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et
technologiques ;
- deux personnalités qualifiées désignées par
le Gouvernement, sur proposition du Conseil supérieur de la
sûreté et de l’information nucléaires ;
- quatre experts scientifiques désignés par
le Gouvernement, sur proposition de l’Académie des
sciences. "
La loi est donc claire sur le processus
d’information. Le Gouvernement doit informer chaque année le
Parlement sur les recherches relatives à la gestion des déchets
nucléaires à haute activité et à vie longue. La commission nationale
d’évaluation établit à cet effet un rapport d’information pour le
compte du Gouvernement. Le Gouvernement transmet ce rapport au
Parlement. Le Parlement saisit l’Office parlementaire.
- une solennité et une séquence symboliques
Première et unique loi - pour le moment - faisant
intervenir le Parlement dans le processus de décision sur l’énergie
nucléaire, la loi du 30 décembre 1991 instaure une répartition des
rôles à l’intérieur d’un calendrier précis.
Le contexte du vote de la loi doit être rappelé. La
France, tous responsables confondus, s’était fourvoyée à la fin des
années 80 dans un processus volontariste de création de centres de
stockage souterrains, processus incompatible avec la volonté de
transparence de l’opinion. Le Gouvernement de l’époque avait
sollicité l’intervention du Parlement pour débloquer la situation et
trouver une solution de réconciliation.
L’esprit de la loi du 30 décembre 1991, c’est de
dire que, jusqu’en 2006, c’est le temps de la recherche. Jusqu’à
cette date, la mission des acteurs de la filière est d’ouvrir le
plus grand nombre possible d’options. Mais l’esprit de la loi, c’est
aussi d’instaurer un dialogue permanent et une information mutuelle
constante entre le Gouvernement et le Parlement.
C’est le Gouvernement dans sa plénitude qui est
concerné et non une commission d’experts, même créée par la loi.
La loi ne prévoit pas expressément une transmission
officielle semblable à celui du rapport de la Cour des Comptes. Mais
son esprit est exactement le même. Vos Rapporteurs regrettent à cet
égard que les Gouvernements successifs n’aient pas pris l’initiative
d’une transmission solennelle du rapport annuel d’avancement des
recherches, selon une procédure qui aurait facilement pu être
élaborée.
Un deuxième constat doit être fait. Une séquence
est introduite par la loi. Le Gouvernement adresse chaque année au
Parlement le rapport d’avancement des recherches. Le Parlement
saisit l’Office parlementaire. Ce rapport est rendu public. Il y a
donc lieu de respecter cette séquence. En toute logique, c’est à la
fin de ce processus que la publication du rapport est autorisée. On
peut même y voir la responsabilité de l’Office parlementaire de
publier ce rapport et ceci sous son timbre.
Comment ne pas voir dans la pratique des choses une
dérive par rapport à la loi quand on lit dans le rapport n° 3 de
septembre 1997 la phrase suivante :
" La Commission a également consacré 9
séances plénières ou partielles à la rédaction de ce document
qui est présenté aux Ministères et à l’Office parlementaire
des choix scientifiques et technologiques, le 10 septembre
1997, puis aux acteurs de la loi et à la
presse ".
- l’affaire du site granitique : information, évaluation ou
décision ?
La loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches
sur la gestion des déchets radioactifs dispose que des études seront
menées sur l’étude des possibilités de stockage réversible ou
irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment
grâce à la réalisation de laboratoires souterrains.
Le processus devant aboutir au choix d’au moins
deux laboratoires - comme le spécifie la
loi en utilisant le pluriel - est désormais
achevé. La DSIN a remis le 1er décembre 1997 le rapport
final qui rend possible la prise de décision par le
Gouvernement.
Il faut bien constater que la commission nationale
d’évaluation a, par son intervention non prévue par les textes,
restreint le choix du possible. Son raisonnement est contesté par
l’Andra qui y décèle une prudence excessive et non fondée et qui
restreint a priori la dimension de la recherche. Ainsi apparaît
posée la grave question de la définition des responsabilités.
L’Andra est-elle maîtresse de ses choix, sur la base d’une
responsabilité de sa direction ou au contraire est-on insensiblement
passé à une situation de cogestion voire à une mise sous tutelle des
organismes du nucléaire ?
Quelle est l’intervention de la commission
nationale d’évaluation sur ce dossier ?
Ni la loi de 1991 ni son décret d’application n°
93-940 du 16 juillet 1993 ne prévoient son intervention directe.
Selon la loi de 1991, la mission de la commission nationale
d’évaluation est d’élaborer pour le Gouvernement, un rapport sur
l’état d’avancement des recherches destiné au Parlement.
Mais dans son rapport n° 2 de juin 1996, la
commission émet des réserves sur le site de la Vienne. Dans son
rapport n° 3 de septembre 1997, la commission note que " en
l’absence de concept de stockage propre à ce site précisant
notamment le rôle de la barrière géologique, les risques de
circulation de fluides entre le granite et les aquifères exploités
augmentent considérablement la difficulté de qualifier ce site
particulier pour un éventuel stockage. [...] L’évaluation de ce site
conduit donc à constater l’existence d’aspects négatifs paraissant
aujourd’hui incontournables et qui amènent la commission à aller
au-delà des réserves qu’elle avait exprimées dans le rapport
n°2 ".
Trois questions se posent :
- La vérité scientifique est-elle établie en ce qui
concerne les éventuelles connections entre les eaux souterraines et
les nappes phréatiques ?
- La DSIN est-elle fondée à invoquer d’autres avis
que ceux du groupe permanent d’experts qu’elle a placée auprès
d’elle ?
- L’avis de la commission repose-t-il sur des bases
scientifiques objectives ou sur l’insuffisante préparation du
dossier présenté par l’Andra ?
- un jury de thèse souverain
Les exemples sont nombreux de rapports tendus entre
la commission nationale d’évaluation et les responsables des
recherches sur la loi de 1991.
Dans le cas du choix des sites des laboratoires
souterrains, l’Andra, constatant les réserves émises sur le site de
la Vienne - réserves qu’elle estime non
fondées et c’est sa responsabilité et son droit le plus strict - essaie sans succès de dialoguer avec la
commission pendant un semestre entier.
D’une manière générale, la communication spontanée
de nombre d’acteurs de la filière se focalise sur la commission,
alors que l’Office doit solliciter les documents, qui lui sont au
demeurant fournis bien volontiers, il faut l’admettre. La
formulation des rapports écrits de la commission revêt un ton abrupt
sinon comminatoire. Enfin, ainsi que cela a été confié à vos
Rapporteurs par de multiples chercheurs, les comparutions devant la
commission se déroulent comme devant un jury de thèse, avec un
esprit de jugement et non pas la volonté de dialogue ou de conseil
qu’il conviendrait de trouver et qui aurait sans doute une
efficacité plus grande.
En vérité, pour s’arroger ce rôle de censeur, la
commission s’appuie non pas sur l’esprit de la loi de 1991 mais sur
la lettre de sa dénomination et sur une interprétation abusive du
concept d’évaluation.
- l’impossibilité d’un gouvernement mandarinal de la recherche
sur les déchets radioactifs
La loi du 30 décembre 1991 a soigneusement évité
l’erreur qui aurait été de faire intervenir la représentation
nationale dans les décisions quotidiennes de la recherche sur les
déchets radioactifs de haute activité. Trois grands axes ont été
fixés, à charge pour les organismes du secteur de prendre leurs
responsabilités. Compte tenu de l’importance des enjeux, le
Parlement doit seulement, chaque année, être informé de la
progression des recherches par le Gouvernement.
Le découpage la plupart du temps recommandé pour
l’organisation de la recherche comprend trois catégories :
l’impulsion, la décision et le contrôle. La confusion entre les
mêmes mains de deux ou trois domaines connexes est toujours contre
productive. Mais la mission fixée par la loi à la commission
n’appartient à aucun des trois. Le texte de la loi et son esprit
attestent qu’il s’agit seulement pour elle, en dépit de sa
dénomination, non pas de décider ni même de contrôler mais de
participer à l’action d’information du Parlement qui incombe au
Gouvernement.
Comment ne pas voir dans la pratique une
contradiction quand on lit que le rapport de la commission
s’intitule " rapport d’évaluation ", alors qu’il
s’agit pour le Gouvernement de transmettre au Parlement un
" rapport faisant état de l’avancement des recherches "
établi par cet aréopage ?
Par l’audition des responsables de la recherche sur
la gestion des déchets, par la confrontation des idées et la
suggestion de pistes de recherche, la commission nationale
d’évaluation a certainement eu un apport positif ces dernières
années. Mais son intervention sur la conduite des programmes de
recherche semble dépasser sa stricte mission. Il est vrai qu’il n’y
a jamais loin du pouvoir d’informer au pouvoir de décider, en
passant par le pouvoir d’influencer.
Il convient donc que la commission s’en tienne au
seul rôle d’enquête et d’information que la loi lui confère.
4.2. le nouvel engagement du CEA
Tout au long de leurs entretiens avec ses
représentants et lors des visites de ses installations, vos
Rapporteurs ont perçu le dynamisme, la compétence et l’engagement
presque vibrant de l’institution en faveur des recherches sur l’aval
du cycle. La ligne tracée au CEA est claire et ferme. Si cet
organisme incomparable possède une compétence et une réactivité
exemplaires, il faudrait ni le surcharger par des demandes trop
nombreuses ni le priver de sa marge d’action par des exigences trop
pressantes.
- un réel effort intellectuel et budgétaire
Les moyens financiers et humains alloués par le CEA
à la recherche sur les 3 axes de la loi du 30 décembre 1991 ont été
presque multipliés par deux depuis le vote de cette loi. En 1998,
616 chercheurs travaillent sur ces domaines. Le budget total de 1998
atteint 770 millions de F, dont 129 pour les investissements. Le
tableau suivant illustre l’importance relative des trois axes.
Tableau 49 : évolution des moyens humains et
financiers du CEA consacrés aux recherches de la loi de 1991
nbre de
chercheurs – millions de F |
effectifs |
budget total |
investissements |
1991 |
1998 |
1991 |
1998 |
1991 |
1998 |
Axe 1 :
séparation-transmutation |
102 |
265 |
132 |
359 |
31 |
90 |
Axe 2 : stockage réversible ou
irréversible en couche profonde |
49 |
102 |
53 |
113 |
9 |
8 |
Axe 3 : conditionnement et
entreposage de longue durée en surface |
176 |
250 |
201 |
298 |
28 |
31 |
Total |
327 |
616 |
385 |
770 |
68 |
129 |
La faiblesse des moyens alloués à l’axe 2
s’explique par le fait que c’est l’Andra qui pilote les recherches
dans ce domaine.
- une surcharge et une urgence préjudiciables à de bonnes
décisions
Il paraît important de souligner le fait que le CEA
se trouve aujourd’hui pressé, sans doute trop pressé, de prendre des
décisions dans des délais très courts sur des sujets au demeurant
complexes et importants pour son avenir. Ainsi, en ce qui concerne
le futur réacteur d’irradiation Jules Horowitz (RJH), le CEA
pourrait être tenté de vouloir atteindre des objectifs trop
nombreux, à savoir de disposer grâce à ce même réacteur d’une source
de neutrons thermiques mais aussi d’une source de neutrons rapides.
Le CEA pourrait dès lors être conduit à choisir une configuration
complexe qui ferait déraper le coût de cet équipement lourd. Le coût
du RJH est situé pour le moment situé dans une fourchette de 2 à 3
milliards de F.
Sur un autre plan et du fait d’une accélération du
processus de décision, le CEA semble être obligé de prendre parti
sur les réacteurs hybrides dans des délais trop restreints. Il est
vrai que l’arrêt de Phénix à la fin de l’année 2004 privera la
France de sa dernière source de neutrons rapides, source
indispensable pour les études de transmutation. Mais de toute façon
l’échéance d’un éventuel réacteur hybride est 2010.
Même si le calendrier des opérations devant
conduire à la décision d’un démonstrateur prévoit que le choix des
options n’interviendra qu’en 2000, on peut se demander non seulement
si le sujet peut valablement mûrir en deux ans mais surtout s’il
sera possible, dans l’intervalle, d’évaluer correctement son apport
pour les études de transmutation. Enfin, la question peut être posée
de savoir, du fait d’une accélération du processus de décision, si
le CEA a les moyens humains et financiers d’entreprendre
simultanément la réalisation de deux réacteurs de cette taille, même
si le projet de réacteur hybride doit s’inscrire dans une
coopération internationale.
4.3. l’Andra, un organisme qui doit affirmer sa compétence
scientifique
En créant l’Agence nationale pour la gestion des
déchets radioactifs (Andra), le législateur a voulu officialiser
l’importance de ce sujet pour l’avenir de l’aval du cycle et créer
un organisme responsable destiné à devenir l’interlocuteur de
l’ensemble des opérateurs de la filière.
Pour atteindre les objectifs que la loi lui a
fixés, l’Andra assume la responsabilité de maître d’ouvrage
scientifique. A ce titre, l’agence définit et contrôle les
programmes de recherche nécessaires à l’évaluation des possibilités
de stockage sur les sites géologiques étudiés. L’Andra mobilise des
compétences scientifiques externes par exemple pour réaliser des
reconnaissance géologiques, pour élaborer des concepts de stockage
ou préparer des programmes expérimentaux pour les futurs
laboratoires souterrains.
L’Andra se présente ainsi comme un maître d’ouvrage
scientifique qui confie la responsabilité de contrats de recherche à
des organismes tels que le CNRS, le BRGM et le CEA. Pour autant,
l’Andra compte parmi son personnel plus de 70 chercheurs et
ingénieurs, spécialistes des sciences de la terre, de la sûreté ou
de l’ingéniérie.
Il est évident que l’Andra ne peut avec ses propres
moyens couvrir tout l’éventail des compétences scientifiques. Sa
position de " maître d’ouvrage scientifique " est
donc la seule viable pour cet organisme au demeurant récent dans le
paysage technique français. Il semble toutefois que pour renforcer
la crédibilité des solutions qu’il propose et qu’il proposera à
l’avenir, il lui soit nécessaire de développer une compétence propre
dans un domaine scientifique et technique.
Peut-être faudrait-il que l’Andra définisse un
champ de recherche en ligne avec ses points forts actuels et
développe un savoir-faire sans équivalent, ce qui lui permettrait de
débattre dans de meilleures conditions avec ses partenaires.
5. Optimiser la durée et les coûts
Alors que les opérateurs du cycle du combustible
s’étaient mis dans une impasse à la fin des années 80, en supposant
acquis le consentement des populations à l’enfouissement des déchets
radioactifs à haute activité et à vie longue, la loi du 30 décembre
1991 a permis de donner un temps de respiration et de réflexion à la
collectivité nationale pour choisir le meilleur mode de gestion des
déchets nucléaires.
Le laps de temps de 15 ans introduit pour pousser
les recherches et informer le public pourrait paraître, en première
analyse, comme un temps d’arrêt ou d’indécision prononcée, alors que
certains pays ont progressé rapidement dans la recherche et
l’adoption d’une organisation particulière de l’aval du cycle du
combustible.
En réalité, il n’en est rien. L’unité de temps du
nucléaire, c’est le demi-siècle. Cette durée correspond à la durée
de vie probable des centrales nucléaires de la première génération.
C’est le temps qu’il aura fallu attendre entre la conception des
premiers réacteurs à eau pressurisée et la mise au point du réacteur
européen du futur EPR.
A l’intérieur de l’étape de 15 ans fixée par la loi
de 1991, des progrès considérables ont déjà été faits non pas
tellement sur la mise au point de solutions opérationnelles que sur
le recensement des enjeux, des problématiques et sur la définition
de l’approche qu’il faudra retenir le moment venu.
Vos Rapporteurs estiment toutefois que le temps est
venu d’accélérer l’allure. Il convient d’optimiser l’intervalle de
temps qui nous sépare du rendez-vous de 2006 fixé par la loi.
Pour ce faire, les dates fondamentales des
prochaines décennies doivent être connues de tous. Le temps restant
de 7 années doit être utilisé à plein pour poser les problèmes
fondamentaux. Un recensement des dates clés est effectué dans la
suite pour contribuer à la transparence du futur.
Par ailleurs, une démarche novatrice doit être
introduite dans le domaine de l’aval du cycle.
Il fut un temps où, pour se rapprocher de
l’indépendance énergétique, le recours à l’énergie nucléaire a été
décidé dans l’urgence. Cette situation est derrière nous.
L’électricité nucléaire, ressource nationale inespérée, a donné à la
France une marge de manœuvre économique précieuse pour la bonne
tenue de son commerce extérieur. Aujourd’hui, l’ouverture du marché
de l’électricité oblige à un nouvel effort de compétitivité
l’électricien national. Il est temps d’introduire avec un poids
accru les raisonnements économiques pour valider des choix
techniques et industriels du nucléaire.
Les développements qui suivent ne constituent
qu’une esquisse d’ébauche de la démarche que vos Rapporteurs
voudraient développer dans une future étude.
5.1. les rendez-vous essentiels
L’avenir d’un outil industriel de la taille et de
l’importance économique du nucléaire se prépare en anticipant de
très loin – c’est-à-dire une dizaine d’années en avance – les
évolutions nécessaires. La démarche de la loi de 1991 est
progressive. Elle vise à préparer les décisions par la mise au point
d’un corpus de connaissances et de méthodes qui permettront des
décisions non seulement rationnelles mais aussi respectueuses des
attentes souvent contradictoires de nos concitoyens. Il s’agit de se
préparer à résoudre des problèmes incontournables comme la mise à
disposition d’outils de recherche, l’éventuel renouvellement du parc
nucléaire ou la saturation des entreposages.
- la démarche progressive de la loi de 1991 :
La démarche de la loi de 1991 est une démarche
progressive voire progressiste. La loi a recensé, avec l’aide des
scientifiques, l’ensemble des pistes de recherche susceptibles
d’apporter une solution au problème de la gestion des déchets
radioactifs à haute activité et à vie longue. La loi oblige ensuite
la collectivité à un effort programmé de recherche. Il s’agit sans
doute d’un exemple unique où la foi dans la recherche est inscrite
concrètement dans la loi.
L’esprit de la loi, vos Rapporteurs ne le
répéteront jamais assez, est de ne fermer aucune porte, y compris
celle du stockage profond. Cette dernière ne saurait désormais être
considérée comme la solution satisfaisante entre toutes. Au
contraire, c’est la solution de rattrapage dont il faut pouvoir
disposer, au cas où toutes les autres s’avéreraient trop coûteuses
ou trop aventureuses.
Vos Rapporteurs insistent sur le fait qu’au
contraire de ce que quelques-uns veulent laisser croire, rien ne
démontre pour l’instant que le stockage profond représente une
solution obscurantiste, à laquelle on opposerait les voies iréniques
de la transmutation intégrale ou du " provisoire
définitif ".
Mais pour vos Rapporteurs, se préoccuper des
générations futures ne signifie pas qu’il faut prendre des décisions
immédiates dès lors qu’elles ne seraient pas fondées. Il ne s’agit
pas non plus de ne rien faire et d’opter pour un immobilisme qui,
paradoxe, serait considéré avec plus de faveur qu’une démarche
responsable. Selon la formule classique, dans le domaine de la
gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue
comme dans toute activité humaine, l’avenir s’inventera en marchant,
c’est-à-dire au fur et à mesure des échecs et des avancées des
travaux menés, comme c’est le cas en France, avec talent et
détermination par des chercheurs et ingénieurs dévoués à leur
mission.
- quelques défis incontournables à relever en temps et en
heure
Les échéances capitales ou les périodes critiques
sont nombreuses pour les cinquante prochaines années dans le domaine
de l’électricité nucléaire. Les deux schémas suivants recensent
quelques dates d’un basculement possible vers une l’incohérence ou
la faillite programmée d’une filière qui a contribué d’une manière
décisive à l’amélioration du niveau de vie des Français. On
distingue les dates clés concernant les réacteurs de celles
relatives au cycle du combustible.
Figure 22 : principales échéances pour les
réacteurs nucléaires
2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040
RNR
début
PX
pleine
charge
entrée
REP
Calendrier EPR selon projections EDF
Pour les recherches sur l’axe 1 de la loi de 1991,
l’enjeu majeur des 7 années qui nous séparent du rendez-vous de
2006, c’est l’arrêt définitif de Phénix programmé pour la fin de
l’année 2004. Le CEA indique qu’il recourra alors aux sources de
neutrons rapides de ses partenaires étrangers et aux services de son
nouveau réacteur d’irradiation, le RJH, pour continuer ses études
sur la transmutation. On peut toutefois estimer qu’il y aura alors,
à compter de 2006, suite à l’arrêt de Superphénix, un vide de 4 ans
au minimum pour continuer des recherches ou valider des résultats, à
condition toutefois qu’un futur réacteur hybride optimisé pour
l’incinération des déchets voit effectivement le jour à la date
prévue de 2010.
Une autre échéance fondamentale pour l’aval du
cycle est celle de la construction d’une tête de série EPR. C’est en
effet tout l’équilibre de l’aval du cycle qui est conditionné par la
capacité de l’EPR à utiliser le stock de plutonium en en produisant
moins qu’il n’en consomme. Il est en l’occurrence indispensable
qu’une décision soit prise dès l’année prochaine afin qu’un EPR non
seulement soit opérationnel mais aussi ait accumulé un retour
d’expérience suffisant, au moment, en 2010, où commencera le
processus d’instruction du renouvellement éventuel du parc
nucléaire.
Mais d’autres décisions constituent des échéances
capitales pour l’aval du cycle. Les observateurs avertis voient la
période 2020-2030 comme la période névralgique des prochaines
années. C’est à partir de cette année en effet que les réflexions
sur un éventuel renouvellement des installations de La Hague devront
prendre un tour très concret.
En effet, c’est à cette occasion que sera
éventuellement amendée la règle structurante pour tout l’aval du
cycle, du rendement de l’extraction du plutonium dans les solutions
de retraitement.
Que la décision soit prise d’admettre un certain
pourcentage (par exemple 2 à 3 %) de plutonium dans les déchets de
retraitement, et c’est tout l’équilibre économique du cycle qui
serait à terme modifié, avec une baisse corrélative du coût du
retraitement, donc du plutonium et du Mox, dont l’intérêt croîtrait
pour EDF en termes de fournisseur d’énergie.
Enfin la rétroaction des décisions sur les
quantités retraitées est manifeste sur les marges d’entreposage,
avec des échéances très précises, selon les cas (voir figure
suivante).
Figure 23 : échéances importantes concernant
l’aval du cycle
2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040
5.2. remettre à l’honneur la rationalisation des choix
d’investissement
L’analyse de la rentabilité de dépenses de
recherche est un exercice par essence délicat. La recherche a pour
but d’ouvrir de nouvelles voies et pour ce faire, il est
indispensable d’investir des moyens dans des travaux dont on ne peut
savoir à l’avance s’ils déboucheront sur des résultats valorisables.
L’évaluation économique directe des efforts
conduits pour l’application de la loi de 1991 est d’autant plus
difficile que l’on se trouve actuellement à mi-parcours du temps
imparti. De surcroît, la pratique française dans la recherche et le
développement sont souvent de considérer le chiffrage a priori des
dépenses nécessaires et l’évaluation a posteriori de leur utilité
comme une question d’intendance sans intérêt par rapport aux progrès
à apporter à la connaissance.
C’est pourquoi, bien qu’ils aient trouvé, auprès de
leurs interlocuteurs, le meilleur accueil à leurs demandes de
précisions budgétaires, vos Rapporteurs ne se risqueront pas dans le
cadre du premier tome de ce rapport à donner des chiffres
définitifs, c’est-à-dire précis et exhaustifs, sur les dépenses
actuellement faites. Mais quelques ordres de grandeur peuvent
néanmoins être fournis, en précisant qu’il s’agit de données
fragmentaires et dont les bases nécessiteraient d’être explicitées
et vérifiées.
Le tableau suivant donne à cet égard les coûts de
fonctionnement et d’investissement approximatifs de quelques
programmes relatifs à la loi de 91.
Tableau 50 : éléments financiers relatifs aux
recherches sur l’aval du cycle
installation |
fonctions-modalités |
budget annuel |
coût d’investissement – études et
construction |
Axe 1 : séparation-
transmutation |
budget CEA |
· recherches sur la séparation
et la transmutation |
359 millions de F (1998) |
90 millions de F
(1998) |
Atalante |
· laboratoire de recherche et
développement de procédés sur la
séparation |
· une part substantielle du
budget CEA axe 1 correspond aux travaux conduits les 212
chercheurs |
· investissement cumulé de 1,5
milliard de F sur la période 1984-1998
· investissements additionnels
de 0,6 milliards sur la période
1996-2008 |
démonstrateur européen
de réacteur hybride |
· réacteur spécialisé dans les
études sur la transmutation |
nd |
· 2 à 3 milliards de F, dont 50
% à la charge de la France |
réacteur Jules
Horowitz |
· réacteur d’irradiation pour la
recherche adapté aux études sur la
transmutation |
nd |
· ¼ du montant total d’un
investissement de 2 à 3 milliards de
F |
Axe 2 : stockage profond réversible ou
irréversible |
budget CEA |
|
113 millions de F (1998) |
8 millions de F (1998) |
budget Andra |
|
323 millions de F (1997) |
|
Laboratoires
souterrains de l’Andra sur les 3 sites de Bure, Marcoule et La
Chapelle-Bâton |
· laboratoires d’étude du
stockage réversible ou irréversible en couches
géologiques |
· 728 millions de F par an en
moyenne sur la période 1998-2006 pour les 3
laboratoires |
2,694 milliards de F |
Axe 3 : conditionnement et entreposage
de longue durée en surface ou en
sub-surface |
budget CEA |
· conditionnement et entreposage
en surface |
298 millions de F (1998) |
31 millions de F (1998) |
base de
référence : Cascad – CEA Cadarache |
· entreposage à sec de
combustibles usés
· capacité :
· durée de vie : 50
ans |
· 8 millions de F (frais de
personnel inclus) |
· 100 millions de
F |
base de
comparaison : CLAB (Suède) |
· entreposage en sub-surface de
combustibles irradiés
· capacité : 8000 tonnes de
métal lourd
· durée de vie : 60
ans |
· 9,3 millions de F par an
|
· 5, 5 milliards de F
· 400 millions de F prévus pour
le
démantèlement |
Ces éléments partiels doivent être mis en regard
des évaluations globales dont on dispose sur le coût de l’aval du
cycle. Selon certaines sources, au demeurant bien peu nombreuses,
l’ordre de grandeur du coût d’investissement pour l’aval du cycle
serait pour les quatre prochaines décennies de la centaine de
milliards de francs. La marge d’incertitude serait très grande,
dépendant des options qui seront ouvertes par la recherche. Les
incertitudes majeures sont les suivantes : l’ouverture ou non
d’un centre de stockage en profondeur, le renouvellement ou non des
installations de La Hague, la construction ou la non-construction de
réacteurs d’incinération des actinides mineurs. La base de référence
reste toutefois le coût de production des 400 TWh produits
annuellement en France, qui est aussi de l’ordre de la centaine de
milliards de F.
On estime à l’heure actuelle que le coût de gestion
de l’aval du cycle représente 5 à 10 % du coût du kilowattheure.
Avec une gestion intégrée et complète de l’ensemble du cycle, la
dépense devrait passer à environ 20 % du coût total.
Ce coût est évidemment à comparer à celui de la
gestion des déchets produits dans d’autres filières énergétiques.
On ne dispose évidemment pas, pour le moment, de
chiffres relatifs au coût de la nuisance occasionnée par le gaz
carbonique. Ce chiffrage essentiel pour évaluer la compétitivité
globale de l’électricité nucléaire reste à faire et restera sans
doute longtemps dans l’ombre, compte tenu de la puissance des
intérêts pétroliers en jeu.
La seule base de comparaison dont on peut faire
état est celle du coût de désulfuration d’une centrale thermique à
charbon qui est de l’ordre de 10 à 20 % du coût du kWh produit.
L’aval du cycle nucléaire représenterait donc une dépense d’un ordre
de grandeur parfaitement acceptable.
En tout état de cause, vos Rapporteurs estiment que
des études économiques complètes doivent désormais être inscrites au
premier rang des priorités de tous les acteurs de l’aval du cycle,
et bien entendu, souhaitent les encourager.
Conclusion
Comment produire l’électricité sans le nucléaire,
en France et en Europe ? Pour nos pays, la question n’a pas de
solution à court terme. Elle n’en a pas non plus à moyen terme, si
l’on veut respecter les engagements pris à Kyoto de réduire de 8 % à
l’horizon 2008-2012 les émissions de gaz à effet de serre. Car la
montée en régime des énergies renouvelables va prendre du temps et
plafonner en raison des leurs contraintes techniques et de leurs
coûts. Indispensable dans nos pays développés, l’électricité
nucléaire le deviendra également dans les pays en développement, où
les besoins en énergie vont exploser avec le développement
économique. Pour vos Rapporteurs, le dilemme est le suivant :
déchets nucléaires ou changement climatique.
C’est dans ce contexte que des échéances capitales
se profilent à l’horizon pour la filière nucléaire française :
le rendez-vous de 2006 fixé par la loi du 30 décembre 1991 pour
décider de l’organisation de la gestion des déchets radioactifs à
haute activité et à vie longue et le renouvellement du parc
nucléaire.
Dans son rapport de mars 1996 sur les déchets civils, votre
Rapporteur insistait sur le besoin de cohérence dans l’aval du
cycle. Il semble que, dans la droite ligne de cette recommandation,
il soit nécessaire de rappeler, à la mi-temps du délai instauré par
la loi, les règles du jeu aux différents protagonistes.
Il est malheureusement clair qu’aujourd’hui les
acteurs de la filière nucléaire sont soumis à des influences trop
nombreuses.
Pendant des décennies, les grands choix de la
filière nucléaire ont été faits sous l’emprise de l’urgence par des
cercles restreints, sans consultation de la représentation
nationale, voire sans transparence vis-à-vis de l’opinion.
Voici venu le temps de la sollicitation tous
azimuts des organismes de la filière nucléaire. Pressés de toute
part de répondre à des demandes provenant de cercles divers -
habilités ou non à recueillir l’information ou à orienter des
programmes - il ne faudrait pas qu’ils n’aient plus le temps de
faire leur métier ou qu’ils cèdent à des fausses urgences.
Le cas du CEA est à cet égard éclairant. Il vient
d’encaisser, avec la fermeture de Superphénix, un coup d’arrêt sur
son programme d’expérimentation sur les réacteurs à neutrons rapides
de grande puissance. Le voici maintenant pressé de définir dans
l’urgence son futur réacteur d’irradiation, destiné à la recherche
fondamentale, en essayant d’en faire aussi une machine à neutrons
rapides, ce qui n’était pas du tout prévu au départ. Simultanément,
le soufflé médiatisé des réacteurs hybrides prend une ampleur telle
qu’il lui faut aussi prendre parti sur les caractéristiques d’un
réacteur hybride européen dont les contours et le coût sont aussi
flous que sont nombreuses les écoles de pensée ou les stratégies
budgétaires des organismes concernés.
Le temps de la recherche n’est pas celui de l’année
calendaire ou de l’exercice comptable. Les coups de barre à
intervalles trop rapprochés, surtout quand ils sont peu ou
totalement non fondés, sont nuisibles au bon déroulement d’un
programme de recherche fondamentale et même de recherche
appliquée.
La confusion des rôles est aussi un grand danger
qui guette la deuxième mi-temps de la période de 15 ans instaurée
par la loi du 30 décembre 1991. Les glissements progressifs de la
commission nationale d’évaluation dans l’exécution de la partition
qui lui est confiée, en sont un exemple.
L’opacité des décisions a été longtemps la règle
dans le nucléaire et est uniment dénoncée et regrettée. La
transparence s’installe peu à peu, grâce en particulier à l’action
persévérante et même inlassable de l’Office parlementaire
d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Il ne faudrait pas qu’après le temps de l’opacité,
vienne le temps de l’obscurité, où, sous l’action de quelques
conseillers et de lobbies occultes tout aussi simplificateurs que ne
l’étaient les nucléocrates en leur temps, s’élaborent des choix
tronqués déconnectés des responsabilités concrètes et de la
nécessaire transparence démocratique.
Laissons les acteurs de la recherche jouer leur
rôle. Informons clairement nos concitoyens sur les enjeux de la
gestion des déchets, au fur et à mesure qu’ils sont dévoilés par des
études aussi complètes que possible.
Réfléchissons aussi dès aujourd’hui sur les
critères de décision, en particulier économiques, dont la
représentation nationale devra disposer en 2006 pour faire face à sa
responsabilité écrasante mais assumée avec courage de décider de
l’organisation de la gestion des déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue.
RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS
Les Rapporteurs insistent sur la nécessité
de :
1. Autoriser le passage à 28 tranches de
centrales moxées dans des délais rapides
2. Etudier les coûts du stockage profond
3. Mettre en place une procédure assurant la
reprise par les électriciens étrangers de leurs stocks de
plutonium dans les meilleurs délais
4. Eviter les solutions hâtives pour le
réacteur Jules Horowitz et le projet de réacteur hybride
5. Concevoir un EPR fonctionnant au combustible
Mox
6. Préciser le concept et les coûts
d’entreposage des combustibles irradiés non retraités
EXAMEN DU RAPPORT PAR L’OFFICE
Le présent rapport a été examiné par les députés et
les sénateurs membres de l’Office lors de la réunion qui s’est tenue
à l’Assemblée nationale le mercredi 10 juin 1998.
A l’issue de l’exposé par M. Christian Bataille et
M. Robert Galley des conclusions de leur rapport, M. Jean-Yves Le
Déaut, député et président de l’Office a félicité les Rapporteurs de
traiter des questions nouvelles relatives à la gestion des déchets
radioactifs à haute activité et à vie longue et de montrer quelles
sont les réflexions et les décisions prises à l’étranger. M.
Jean-Yves Le Déaut a insisté sur le parallélisme nécessaire entre la
démarche de création de laboratoires souterrains et la reprise par
les électriciens étrangers des déchets issus du retraitement de
leurs combustibles.
Mme Michèle Rivasi, députée, a remercié les
Rapporteurs d’avoir obtenu la transparence sur les flux de plutonium
et souhaité que leur étude soit approfondie dans le domaine des
coûts, de façon à permettre des choix pertinents, non seulement sur
le plan technique mais aussi sur le plan économique. Mme Rivasi a
également insisté sur la nécessité de porter en pleine lumière le
problème des réexpéditions du plutonium et des déchets correspondant
aux combustibles étrangers.
Mme Rivasi a proposé une réflexion portant sur la
création d’une structure pluripartite qui aurait pour mission de
dégager les implications financières d’éventuelles décisions sur le
cycle du combustible.
M. Bataille a alors rappelé que l’Office n’est pas
une structure de décision mais de proposition.
M. Yves Cochet, député, a indiqué qu’il ne pourrait
voter en faveur du rapport, en raison des prises de position en
faveur du nucléaire énoncées dans l’avant-propos. Pour autant, de
son point de vue, les Rapporteurs ont eu raison de se pencher sur la
question du plutonium, qui est actuellement une question décisive,
en raison de ses implications militaires et diplomatiques. Il s’est
également interrogé sur l’intérêt de continuer à retraite le
combustible irradié et sur les possibilités réelles de transmutation
des déchets.
M. Cochet, député, a également relevé que le
rapport soulève nombre de questions pertinentes sur les chances de
succès de certains travaux de recherche menés en application de la
loi du 30 décembre 1991.
En réponse à une remarque de M. Cochet, M. Bataille
a précisé qu’il n’avait jamais caché dans ses rapports successifs
que les formations géologiques étudiées dans les laboratoires
souterrains pourraient devenir, si le Parlement le décidait en 2006,
des sites d’accueil pour les centres de stockage des déchets
nucléaires.
M. Claude Gatignol, député, a souligné l’intérêt du
rapport et a souligné son opportunité, alors que l’industrie
nucléaire civile aborde un moment important de son histoire.
M. Gatignol a estimé que si le stockage en couches
géologiques s’avérait inévitable, ce serait, somme toute, un
inconvénient limité par rapport aux effets très positifs de
l’énergie nucléaire quant à la lutte contre l’effet de serre.
M. Bataille précise alors que c’est grâce aux
laboratoires souterrains prévus par la loi du 30 décembre 1991 que
l’on pourra évaluer l’intérêt et les limites du stockage
souterrain.
M. Serge Poignant, député, a noté que le rapport
contribue à l’émergence d’une vision d’ensemble de la problématique
de l’aval du cycle. Il approuve l’idée selon laquelle, malgré
l’importance des décisions à prendre, des décisions trop rapides
sont à éviter.
Les Rapporteurs ayant indiqué que le temps leur
avait manqué pour approfondir l’analyse des coûts des recherches et
des ébauches de solution pour la gestion des déchets radioactifs à
haute activité et à vie longue, l’ensemble des membres de l’Office
présents donnent leur approbation à la poursuite de l’étude et à la
publication d’un deuxième tome.
En application de l’article 32 du Règlement
intérieur de l’Office, les membres de la Délégation ont décidé à la
majorité d’autoriser la publication du présent rapport.
ANNEXE 1
PERSONNALITES AUDITIONNEES
Secrétariat d’Etat à l’Industrie :
M. C. MANDIL Directeur général de l'Énergie et des Matières
Premières, Secrétariat d'État à l'Industrie
M. P. KAHN Chef du Service des Affaires Nucléaires
Ministère de l’Aménagement du Territoire et de
l’Environnement :
M. B. LAPONCHE Conseiller technique
M. P. VESSERON Directeur de la Prévention des Pollutions et des
Risques, Ministère de l'Aménagement du Territoire et de
l'Environnement
ANDRA :
M. Y. KALUZNY Directeur général
M. E. BOISSAC Directeur de la Communication
CEA :
M. Y. d’ESCATHA Administrateur général
M. B. BARRÉ Directeur des Réacteurs Nucléaires
M. N. CAMARCAT Directeur du Cycle du Combustible
M. P. BERNARD Directeur du Programme loi du 30 décembre 1991
M. B. BOULLIS Responsable du programme SPIN et du programme
Retraitement à moyen-long terme
M. J-C PERRAUDIN Direction de la Communication
M. R. PELLAT Haut Commissaire à l’Energie Atomique
CEA-Marcoule :
M. GUILLAMOT Directeur du CEA-Marcoule
M. COURTOIS Directeur du DRRV
M. LHOMME Directeur adjoint de la DRN
M. ELIE Chef du département de la centrale Phénix
CEA-Cadarache :
M. de la GRAVIERE Directeur du CEA Cadarache
M. MARTIN-DEIDIER Chef du DSD
M. IRACANE Chef du projet ETLD
M. COSTA Adjoint au directeur de la DRN
M. BONNET Chef du DEC
M. BATTESTI Chef de l’INB Cascad
CNRS - IN2P3 (Institut National de Physique Nucléaire et
de Physique des Particules - institut national du
CNRS) :
M. C. DÉTRAZ Directeur
COGEMA :
M. J. SYROTA Président-Directeur général
M. J-L RICAUD Directeur de la Branche Retraitement et de la
Branche Industrie
M. PRADEL Directeur adjoint de la Branche Retraitement
DSIN :
M. A-C LACOSTE Directeur de la Sûreté des Installations
Nucléaires
M. P. SAINT RAYMOND Directeur-Adjoint
EDF :
M. P . DAURES Directeur général
M. B. DUPRAZ Directeur adjoint de la Production et du Transport,
Responsable
de l’exploitation du parc nucléaire
M. ESTÈVE Sous-Directeur délégué aux Combustibles, chef du
service Combustible
M. G. MENJON Directeur des Etudes et de la Recherche
M. B. TINTURIER Contrôleur général
M. E. EUGENE Direction de la Communication
FRAMATOME :
M. J-P LANNEGRACE Directeur général adjoint et Directeur du
combustible nucléaire
M. A. VALLÉE Directeur technique et Qualité Groupe
M. J-M FRANKEL Adjoint du Directeur du Combustible
ANNEXE 2
Glossaire des sigles et termes techniques
utilisés
actinides mineurs |
éléments de numéro atomique compris
entre 89 et 103 de la classification de Mendeleiev. Les
actinides majeurs sont l’uranium et le plutonium. Les autres
actinides sont dits actinides mineurs et comprennent notamment
l’américium, le neptunium et le curium formés dans les
combustibles irradiés. |
activité |
nombre de désintégration par unité
de temps qui à un instant donné se produit dans une source
radioactive – unité : becquerel |
AEN-OCDE |
Agence de l’énergie nucléaire de
l’OCDE |
AGR |
Advanced Gas cooled Reactor :
réacteur de conception anglais – le Royaume Uni en possède 14
en fonctionnement |
AIEA |
Agence internationale de l’énergie
nucléaire – située à Vienne, cette agence intergouvernementale
fait partie de la galaxie de l’ONU |
ANDRA |
Agence Nationale pour la gestion
des Déchets Radioactifs |
Becquerel |
unité d’activité pour un élément
radioactif : nombre de désintégration par seconde |
CNE |
Commission Nationale d’Evaluation
créée par la loi du 30 décembre 1991 – " le Gouvernement
adresse chaque année au Parlement un rapport faisant état de
l’avancement des recherches sur la gestion des déchets
radioactifs à haute activité et à vie longue [...]. Le
Parlement saisit de ces rapports l’Office parlementaire
d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ces
rapports sont rendus publics. Ils sont établis par une
commission nationale d’évaluation composée de ... " |
DOE |
Department of Energy – équivalent
de ce que serait en France un Secrétariat d’Etat à
l’Energie |
dose absorbée |
énergie cédée par le rayonnement à
l’unité de masse de la matière exposée – unité : le
gray |
EPR |
European Pressurized Reactor :
projet franco-allemand de réacteur à eau pressurisée du futur
développé par Framatome et Siemens réunis au sein de la
société NPI |
équivalent de dose |
produit de la dose absorbée par un
facteur Q tenant compte à faible dose de la nocivité relative
des rayonnements – unité : Sievert (Sv) ; autre
unité utilisée auparavant : le rem (1 Sv = 100 rem) |
équivalent de dose efficace |
somme des équivalents de dose reçus
par les organes et les tissus pondérés pour obtenir le risque
sanitaire global – unité : le Sievert |
Gray |
unité de dose : quantité
d’énergie absorbée par la matière : 1 joule par
kilogramme |
GW |
unité de puissance installée –
exemple : la France a un parc installé de 60 GW
environ |
h.Sv |
unité de dose collective :
exprime le total des doses de radioactivité reçues par une
population donnée |
limite annuelle d’incorporation de
dose |
la réglementation fixe pour chaque
radioélément des limites annuelles d’incorporation par
ingestion ou inhalation (LAI). Elles sont exprimées en
becquerels |
mSv/an |
unité de débit d’équivalent de
dose |
Mox |
Mixed Oxide Fuel |
MWj/t |
mégawattjour par tonne : unité
exprimant le taux de combustion d’un combustible
nucléaire |
période |
la période radioactive est le temps
nécessaire pour qu’une quantité donnée de matière radioactive
perde la moitié de sa radioactivité. En 2 périodes, la
radioactivité tombe à ¼ de son niveau initial. En 10 périodes,
elle tombe à 1/1000 ème. En 20 périodes, elle
tombe à environ
1/1 000 000 ème. |
produits d’activation |
radioéléments formés par
irradiation des gaines de combustible, des embouts et autres
matériaux de structure des réacteurs nucléaires |
produits de fission |
les deux noyaux formés après la
fission de l’uranium ou du plutonium ainsi que leurs
descendants sont appelés produits de fission |
réacteur hybride |
réacteur nucléaire sous-critique
dans lequel un flux extérieur de neutrons additionnels est
inséré ; ce flux de neutrons est créé par
spallation |
REN |
réacteur à eau naturelle par
opposition au réacteur à eau lourde |
REP |
réacteur à eau pressurisée –
exemple : les réacteurs du parc EDF |
RJH |
projet de réacteur d’irradiation du
CEA |
séparation |
opération chimique consistant à
isoler les corps simples d’un mélange |
sievert |
unité de dose absorbée pondérée
d’un facteur Q et exprimant le risque relatif correspondant à
la qualité du rayonnement qui l’a délivré. Q est fonction du
nombre de paire d’ions créés par unité de longueur le long de
la trajectoire de la particule provoquant l’ionisation. On a
l’expression suivante :
H (dose exprimée en
Sievert) = D (exprimé en gray) x Q. En
pratique, on prend Q=1 pour les électrons, les rayons g et les rayons X, Q=20 pour les rayons
a et Q=10 pour les neutrons |
spallation |
phénomène de libération de neutrons
par un faisceau de particules à haute énergie, par exemple des
protons, percutant une cible constituée d’un métal lourd, par
exemple le plomb |
transmutation |
dans le cas des déchets radioactifs
à haute activité, opération de transformation des
radionucléides à vie longue dans des noyaux stables, en
transitant éventuellement par des corps à durée de vie
nettement plus courte |
TWh |
térawattheure : unité de
production d’électricité ; 1 TWh = 1012 wattheure ou 109
kilowattheure ; exemple : la production annuelle
française d’électricité nucléaire est de l’ordre de 400
TWh |
UNGG |
uranium naturel graphite gaz :
première génération des réacteurs nucléaires français
fonctionnant avec de l’uranium naturel comme combustible, du
graphite comme modérateur et du gaz carbonique comme
caloporteur |
vie longue |
un radioélément est considéré comme
étant à vie longue lorsque sa période est supérieure à 30 ans
et inférieure à 1 milliard d’années. En dessous de 30 ans, il
est considéré comme étant à vie courte. Au-dessus d’un
milliard d’années, il est considéré comme
stable. |
© Assemblée nationale
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